Cinq mille euros par jour, c’est à peu près ce que touche la top-modèle Adele Uddo pour ne pas apparaître (en entier) sur les photos. Pas de doute, elle sait comment prendre la pose avec ses doigts fins et ses poignets délicats. « Faire une manucure fait partie de mon job. » Focus sur la hard life d’une mannequin de détail.
Les artistes make-up, les nez de la parfumerie et les directeurs de la création attirent l'attention. Or, il existe d'autres profils intéressants dans le vaste paysage de la mode. ELLE s’est mis en quête des métiers atypiques dans ce secteur. Chapitre 1 : le mannequin de détail mains.
Il y a de fortes chances que son nom ne vous dise rien et que sa photo ne déclenche pas non plus un « Mais oui, je la reconnais ! ». Et pourtant vous avez sans doute déjà vu Adele Uddo (qui ça !?) dans des campagnes publicitaires de grandes marques comme Chanel, Christian Louboutin, Balmain et Dior. Ou plutôt : vous avez déjà vu certaines parties de son anatomie. Cette Américaine qui garde le secret le plus total sur son âge peut se targuer d’être la mannequin de détail la mieux payée au monde. Autrement dit, prêter ses mains, ses pieds, ses abdos, ses seins ou ses fesses lui rapporte au minimum 4.500 euros par jour. Grâce à la photogénie de ses détails corporels, elle a déjà doublé (les mains ou les jambes) des stars comme Katy Perry, Penélope Cruz, Behati Prinsloo, Natalie Portman et Heidi Klum. Elle se qualifie d’outsider dans l’univers de la haute couture, mais n’hésite pas à monter sur les épaules de Christian Louboutin en personne. Preuve qu’elle ne prend pas son métier par-dessus la jambe !
Comment devient-on mannequin mains ?
« Une chose est sûre, je n’ai pas dû aller à l’université ! Et ce n’était pas non plus le rêve de ma vie. Ma grand-mère me disait que j’avais de belles mains et ajoutait même en riant que je pourrais devenir mannequin mains. J’étais dubitative quant à l’existence de ce métier, mais j’ai gardé cette idée dans un coin de la tête. Ensuite, j’ai travaillé un petit peu dans le mannequinat, mais j’ai vite compris que mon 1 mètre 68 ne me permettrait jamais de défiler sur les catwalks. C’est en participant à un casting pour la marque de vernis à ongles O.P.I que j’ai remarqué pour la première fois l’engouement suscité par mes mains. Tout le monde voulait les voir et ils ont même appelé le directeur de la boîte. Ce jour-là, j’ai décroché mon premier vrai contrat. J’ai fait imprimer quelques-unes des photos sur des cartes de visite et décidé de tenter ma chance comme mannequin de détail mains. Cela fait plus de dix ans que j’exerce ce métier. Ma grand-mère avait raison ! »
Vous auriez préféré être mannequin au sens classique ?
« Pas forcément. J’ai réussi haut la main en quelque sorte. Ma beauté s’apprécie par petits bouts (rires). »
En quoi vos mains sont-elles si photogéniques ?
« J’ai de longues mains, avec des doigts fins et des poignets délicats. Ma peau présente une belle texture et sa carnation légèrement olive me permet de répondre à des demandes variées. Je travaille régulièrement pour des marques de vernis à ongles comme Essie et Sally Hansen qui tiennent absolument à ce que le lit des ongles soit long, sain et harmonieux. »
Vous êtes également mannequin pieds. Quel est le plus difficile des deux ?
« Ce n’est pas toujours évident de montrer ses pieds sous leur meilleur jour. Ils ne sont en effet pas la partie la plus attirante du corps. Pour chaque shooting, je ressors ma râpe anti-callosités et ma crème hydratante (rires). Il y a quelques mois, Christian Louboutin m’a demandé de monter sur ses épaules et je vous assure que placer mes pieds de manière photogénique a été un vrai défi. Heureusement, tout le monde était ravi du résultat. »
Vous travaillez aussi comme doublure, ce qui signifie que vous devenez les mains et les pieds de mannequins et de célébrités. Les leurs ne sont pas à la hauteur ?
« Si, bien sûr. La plupart du temps, on fait appel à un mannequin de détail ou à une doublure en raison de l’agenda surbooké des principaux intéressés. Ils n’ont pas de temps à consacrer à un gros plan de leurs mains ou à un shooting avec un flacon de parfum. Par ailleurs, recourir aux services d’une célébrité coûte énormément d’argent. Enfin, c’est un vrai métier de savoir comment positionner ses mains et tenir un flacon ou un pot de crème. »
Comment entretenez-vous vos mains ?
« Je les hydrate encore et encore ! Je les tartine de crème plusieurs fois par jour. Vous voyez, ces petits bols d’huile d’olive dans les restaurants ? Je n’y trempe pas mon pain, mais bien mes mains. J’ajouterai que je ne jure que par les huiles essentielles et que je suis une fervente adepte de l’huile de coco. »
On m’a déjà dit que les mannequins de détail mains portent presque toujours des gants. C’est votre cas ?
« À mes débuts, je n’en portais pas car je refusais d’être cette nunuche avec des gants. J’avais l’impression d’être rebelle. J’ai toujours voulu être libre sans faire une fixation sur mes pièces détachées. En fait, je fais pas mal de choses qui en étonnent plus d’un, comme jardiner, faire la vaisselle et lacer mes chaussures. Aujourd’hui, je porte souvent des mitaines. En plus de protéger mes mains, elles me permettent de faire ce que je veux. Certaines assortissent la couleur de leurs gants à leur tenue, mais je n’en suis pas là. Ma collection de gants se limite au noir, au gris et à la couleur chair. Mon modèle fétiche, un mélange de laine et d’acrylique, vient de chez Bloomingdale’s à New York. J’en ai acheté cinq paires de chaque couleur, mais j'ai bien peur de les avoir toutes perdues depuis lors. Heureusement, beaucoup de gens ont la bonne idée de m’en offrir à Noël et à mon anniversaire, car ils sont persuadés que c’est le cadeau idéal. »
Vous portez des bijoux ?
« D’un point de vue pratique, je n’ai pas le droit d’en porter pour exercer mon métier. Heureusement, je n’en portais pas souvent avant de me lancer. Aujourd’hui encore, j’évite de mettre ma bague de fiançailles et mon alliance quand je travaille pour éviter de les perdre ou de les oublier. Cela ne m’empêche pas de les porter quand je sors dîner au restaurant avec mon mari par exemple. Il m’a offert une montre Cartier, mais je ne la porte que très rarement de peur de me casser un ongle avec le fermoir. »
Vous avez un job atypique. Comment réagissent les gens quand vous leur dites comment vous gagnez votre vie ?
« Mon métier donne matière à discuter. Ça, c’est sûr. On me parle très souvent de l’épisode de Seinfeld dans lequel George Costanza devient mannequin mains. Les gens ont envie de savoir en quoi consiste mon job. Et quand je leur dis que je pose aussi avec d’autres parties de mon corps, ils redoublent de curiosité. »
Avec des contrats pour Chanel, Dior, Balmain et Christian Louboutin, vous avez le portfolio d’une top-modèle…
« Impressionnant, n’est-ce pas (rires) ? Le gros avantage d’un mannequin de détail, c’est de ne pas être reconnaissable, ce qui me permet de travailler pour des marques ou des entreprises concurrentes. C’est tout bonnement inimaginable pour les mannequins classiques. »
Peut-on qualifier votre métier de « lourd » ?
« Les gens ont tendance à croire que mon job n’a rien de compliqué, qu’il me suffit de me présenter sur un plateau et that’s it. Mais ce métier exige pas mal de compétences. Le timing est essentiel dans la réalisation d’un spot. Quand je découpe un légume par exemple, je dois faire le bon mouvement au bon moment. La précision est également importante. Dernièrement, on a tourné en stop-motion, ce qui implique de poser pour la photo, d’effectuer ensuite un mouvement infime, puis de prendre la pose de nouveau. À la fin de la journée, j’avais l’impression d’avoir passé des heures dans la même position. Mais une séance intense de yoga suffit pour évacuer toute cette tension et me sentir mieux. »
S’il arrivait quelque chose à vos mains, cela signifierait probablement la fin de votre carrière. Que redoutez-vous le plus ?
« Des brûlures qui laisseraient des cicatrices irréversibles sur mes mains. Un ongle cassé peut me faire rater un contrat ou m’empêcher de l’honorer, mais cela reste temporaire. Des cicatrices sur les mains signifieraient la fin de ma carrière. Récemment, la veille d’un gros contrat à New York, je me suis cassé un ongle en enfilant mes chaussures. Le morceau d’ongle est tombé sur le sol d’un garage sombre mais heureusement, ma belle-sœur l’a retrouvé. Le matin suivant, une styliste des ongles renommée l’a remis en place avec une colle spéciale et devinez quoi : sur le plateau de Dior, personne n’a rien remarqué ! On me demande souvent si mes mains sont assurées, mais ce n’est pas le cas. Il me reste à croiser les doigts pour que rien de grave ne leur arrive. »
En backstage, on voit souvent des mannequins lire ou tapoter sur leur téléphone. Que faites-vous pour vous détendre entre deux shootings ?
« Mes mains sont attachées dans tous les sens du terme. Il arrive que deux stylistes s’affairent sur chacune d’entre elles. Je lis de temps en temps et je suis passée maître dans l’art d’écrire des SMS d’une seule main. Le plus souvent, je me contente de rester assise ou de papoter pendant qu’on arrange mes ongles entre deux prises. Faire une manucure est la dernière chose dont j’ai envie pendant mon temps libre, j’aurais l’impression de travailler ! »
Regardez-vous les mains des autres ?
« Jamais ! Quand je fais de nouvelles rencontres, les gens s’excusent souvent parce que leurs cuticules ne sont pas repoussées ou qu’ils n’ont pas appliqué de crème sur leurs mains. Mais je n’y prête absolument pas attention. Ce sont leurs visages et l’aura qu’ils dégagent qui m’intéressent. »
Vous arrive-t-il de de faire un high five ?
« Bien sûr ! Et je ne refuse jamais de serrer une main. Nous avons besoin de plus de contacts humains, pas le contraire. »
Une carrière de mannequin ne dure pas toute une vie. Qu’en est-il dans votre secteur ?
« J’ai été engagée dernièrement comme mannequin de détail pour doubler une jeune fille de dix-sept ans. J’en conclus que j’ai encore de beaux jours devant moi. Dans ma branche, on n’est pas rayé des listes dès qu’on atteint la trentaine contrairement aux mannequins classiques. Je suis la première surprise de ma longévité, mais tant que j’éprouve du plaisir à exercer ce métier, pas question d’arrêter. Un jour viendra où je n’aurai pas d’autre choix et c’est pourquoi je pense déjà à mon avenir. Je rêve d’écrire un livre sur ce métier qui me passionne. Aujourd’hui, je rédige déjà de temps à temps des posts sur mon blog Hand Jobs: Tales of a Hand Model. Le mois dernier, j’ai lancé Essentiel by Adele, une ligne de soins inspirée de ma crème hydratante maison que j'ai développée dans ma cuisine à base d’huiles essentielles, d’acide hyaluronique, de fèves de café et de feuilles de fraisier. Cette crème hydrate la peau en profondeur et peut être utilisée sur tout le corps. C’est ma façon de préparer le prochain chapitre de ma vie, mais pour le moment, j’ai encore les mains bien remplies ! (rires) »
Suivez Adele sur Instagram : @adeleuddo
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