Alexandra, 46 ans, graphiste

« Je n’ai jamais voulu d’enfants, je l’ai compris très jeune mais on m’a toujours dit que cette sensation passerait avec le temps. Ça n’a pas été le cas. À la vingtaine, j’ai eu plusieurs coups durs : ma mère et mon frère sont décédés l’un après l’autre. Je me suis rendu compte que l’existence pouvait être cruelle et je me suis demandée si donner la vie était vraiment un cadeau. Des années plus tard, j’ai rencontré mon amoureux actuel qui, lui, voulait être papa, sans être sûr à 100%. Je me suis torturée l’esprit pendant un an, j’ai vraiment réfléchi à la question et je suis allée voir une psy pour être sûre que mon choix n’était pas lié au deuil. Elle m’a confirmé que non et ma décision était prise. J’ai expliqué à mon mec que je comprendrais s’il partait mais il est resté et il n’a jamais regretté. Contrairement à moi, il n’a jamais eu une seule remarque sur le fait qu’il n’avait pas d’enfant. J’en entends constamment, et ça peut être violent. Certaines femmes sont choquées et ne m’adressent plus la parole, on me demande qui s’occupera de moi quand je serai vieille ou on me dit que je suis égoïste. D’après moi, ce qui est égoïste, c’est plutôt d’avoir un bébé dans de mauvaises conditions. C’est un art d’être un bon parent. Lorsque je vois des couples avec des enfants, ça ne me donne pas envie. Ils sont toujours crevés, ils se plaignent beaucoup, j’ai l’impression que c’est la folie aujourd’hui d’être une mère qui travaille. Et puis, je n’ai pas envie de me mettre entre parenthèses. Je m’intéresse à beaucoup de choses, j’ai énormément d’activités… Je me dis souvent que je n’aurais jamais eu le temps de faire tout ça avec des bébés. Mais on peut très bien transmettre de l’amour et donner beaucoup de sa personne aux autres sans avoir d’enfants. Dans certaines cultures, on n’est pourtant même pas considérée comme une femme si l’on n’est pas mère. Il faut arrêter de systématiquement lier les deux. En Belgique aussi, certaines filles sont conditionnées à faire des bébés dès qu’elles se marient sans se poser de questions. Personnellement, je suis heureuse d’avoir eu la liberté de choisir. »

propos recueillis par Laurence Donis