Presque un an après la vague d’indignation menée par les hashtags féministes #MeToo et #BalanceTonPorc, que reste-t-il de cette mobilisation virale ?

Si les femmes continuent de dénoncer via Twitter leurs agresseurs et les violences dont elles sont victimes, le mouvement peine à trouver sa place dans la réalité. Dans l’idée de dépasser le virtuel et de rassembler au-delà des écrans, le collectif français #NousToutes entend fédérer la lutte pour la rendre plus concrète. Et si finalement, le slogan graffé sur une pancarte restait plus efficace que le hashtag ?

Entre conscientisation et mobilisation collective

Féministe ou pas, conscientisée ou non : une femme sur trois est encore victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. 80%  d’entre elles en situation de handicap subissent des violences et 254 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque jour. Des chiffres affligeants qui ont amené les militantes de #NousToutes à s’organiser pour mieux riposter.

Partant du constat que deux hashtags ne seraient définitivement pas suffisants pour en finir avec des siècles oppressants de patriarcat et qu’il fallait continuer, le collectif mise sur la conscientisation de la société. Le but? faire reculer le seuil de tolérance à la violence à travers un mot d’ordre simple et efficace « Stop aux violences faites aux femmes ». Car, si l’affaire Weinstein avait ouvert la voie grâce aux témoignages toujours plus nombreux des victimes bien décidées à en finir avec leur culpabilité, dans les faits, les choses n’ont pas tant évolué. « On note une augmentation de 30% des plaintes déposées pour violences sexuelles. Mais en réalité le taux de condamnation des violeurs n’a pas augmenté et l’accueil au sein des commissariats demeure encore souvent un traumatisme pour les victimes », explique Mélanie, militante au sein de #NousToutes.

« Nous n’avons plus peur »

Tweets soulignés d’un #MeToo, campagnes maladroites pour lutter contre le harcèlement placardées dans le métro parisien, numéro d’urgence à contacter en cas d’agression, autant d’actions bienvenues mais souvent insuffisantes. Si l’abondance de posts a permis de montrer à quel point ces pratiques s’étaient dangereusement banalisées, les affiches préventives pensées par la Région Île-de-France et la RATP ont, elles, été très mal perçues en raison de leur représentation faussée des agresseurs.

Campagne de lutte contre le harcèlement dans les transports ©RATP

De fait, un combat aussi lourd implique d’aller plus loin dans la mobilisation. Ainsi l’enjeu est désormais d’ancrer ces revendications dans la réalité et de rassembler les femmes dans la rue, là où précisément elles n’y sont pas les bienvenues. Il n’y a qu’à voir les multiples agressions sexuelles perpétrées lors des rassemblements célébrants la victoire de la France à la coupe du monde, symptomatiques de la place du « deuxième sexe » dans l’espace public : « Ces effets de masse, qui renforcent le sentiment d’impunité déjà bien installé dans notre société, poussent une nouvelle fois à l’invisibilisation des femmes. Aucun homme ne s’est probablement posé la question de savoir si oui ou non il allait se rendre sur les Champs-Élysées sous peine de se faire frotter, embrasser de force ou toucher ». Éminemment nécessaire, le rassemblement organisé par #NousToutes devrait faire le lien entre colère virale et mobilisation IRL.

Dans la pratique, les militantes du collectif qui ont déjà recruté plus de 1000 volontaires pour les aider, profitent de l’été pour préparer au mieux ce rassemblement inédit dans l’Hexagone, entre actions collectives et informations. Sur les réseaux sociaux, partis politiques, syndicats, associations et figures du féminisme actuel ont d’ailleurs déjà encouragé l’initiative. Et si elles se laissent jusque septembre pour définir quelle forme prendra l’évènement, la date tant attendue est déjà fixée au 24 novembre, veille de la journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. « C’est une façon de dire « nous n’avons plus peur », « nous ne nous laisserons plus faire », « nous sommes toutes solidaires, il n’y a qu’à nous regarder ». Aussi symbolique sur le fond que sur la forme.

 

D’AUTRES ARTICLES :

Témoignages : elles ne veulent pas d’enfants, et alors ?

Women Fest : le premier festival réservé aux femmes

Dépénalisation de l’avortement : pourquoi le projet de loi fait débat ?