Fashion faux-pas : les 7 écueils de la rentrée

Publié le 9 août 2018 par Elisabeth Clauss
Fashion faux-pas : les 7 écueils de la rentrée

De la théorie des podiums à la pratique du bureau, de la sortie de l'école puis du drink en terrasse, il y a un pas. Qu'on va éviter de faire de travers, pour ne pas se retrouver les quatre fers en l'air.

Le Layering

C'est quoi ?

C'est la traduction anglo-saxonne de la superposition de couches. Pourquoi nomme-t-on plus volontiers cette tendance en anglais ? Parce que ça va plus vite, et que ça sonne moins « accumulation approximative d'oripeaux qui font folle à caddy qui parle toute seule dans la rue », si on se plante d'un nœud de ceinture.

Quand on dérape :

On empile un manteau en léopard sur un veste à rayures sur une robe à pois, en se disant que la mode est au décalage, à l'affirmation de soi, à la décomplexion, à la couleur, au girls wanna have fun. Et on s'achève avec des bottes jaunes à talons carrés, parce qu'en escarpins, on a mal aux pieds. On voulait ressembler à Gigi Hadid dans une campagne Tommy Hilfiger, et on fait Gigi dans les Visiteurs.

Quand on gère :

On décline subtilement les atmosphères : comme chez Chanel, on mixe une veste à capuche avec une doudoune inspirée du tailleur en tweed. Comme chez Balenciaga, on exagère les volumes, on empile un manteau et et un coupe-vent color block sur une une jupe fendue, et on enfile des chaussures de filles, même si on crève pour de massives baskets. Quand y'en a trop, y'en a encore.

1/

Les épaulettes années 80

C'est quoi ?

C'est la silhouette de golgoth assumée, les épaules pointues qui dépassent de cinquante centimètres de chaque côté, l'assurance d'un buste magnifiquement dessiné en pyramide inversée.

Quand on dérape :

On ne passe plus les portes du tram. On a cru qu'on pouvait faire la blague avec une veste d'homme qu'on aurait ceinturée, mais on a mal calculé le décolleté qui baille et trempe dans l'assiette de charcuterie de la cantine. On n'a pas assez marqué la taille et on a l'air d'une déménageuse – ce qui n'est pas un souci en soi – sauf qu'on voulait faire chanteuse de cabaret des années 30. On a une silhouette à exécuter des haka, c'est la cata.

Quand on gère :

On équilibre l'excès d'épaules, en dévoilant les jambes, comme chez Saint Laurent. Le bas doit allonger la perspective, sinon la carrure risque de tasser le bas du corps. En gros, on doit être taillée comme notre ombre : large en haut, fine comme un trait de plume en bas.

2/

La parka oversized

C'est quoi ?

Un par-dessus, comme disait votre grand-père, qui va paradoxalement recouvrir l'ensemble de votre tenue, tout en mettant tout ce qu'il y a dessous en valeur. On dirait que c'est un vêtement conçu pour tout planquer, alors qu'au final, on ne verra que les détails près du corps.

Quand on dérape :

On a l'air de s'être emmêlée dans son parachute, de vouloir masquer les excès de l'hiver passé, on a fait du sport deux par semaine pendant des mois pour rien : on vient de passer du 38 au 48 en un claquement de zip.

Quand on gère :

On amplifie l'effet de notre silhouette en osant un volume maximisé, dans des couleurs fortes. On explose les codes de la séduction classique, on explore un nouveau confort. La parka est gonflée – dans tous le sens du terme – et on équilibre ses lignes azimutées avec des bottes ajustées, et même pointues. On a la tête dans la pleine lune, mais les pieds bien plantés dans le sol.

3/

Le workwear

C'est quoi ?

Le vêtement de travail, qui opère déjà une percée remarquable depuis plusieurs saisons dans les placards des cols blancs les plus hermétiques à la moindre activité de bricolage ou jardinage.

Quand on dérape :

On prend le gilet de signalisation orange trop à coeur, et on se retrouve à régler la circulation à chaque passage piétons. On cumule bottes de caoutchouc et bandes réfléchissantes, et on sort déguisée en chef de chantier.

Quand on gère :

On comprend la dimension sociologique de cette tendance, la mode de la rue qui grimpe sur les catwalk, alors que ça a longtemps été l'inverse. C'est la valorisation du terrain, du tee-shirt qu'on mouille, l'ultime acception urbaine d'une mode qui est encore parfois perçue comme inaccessible. On enfile une combinaison de travail, on la recouvre de pins, on la décale, on la dédramatise, et pour 30€ à tout casser, on règne sur la rue.

4/

Le fluo

C'est quoi ?

Un vestiaire repeint au Stabilo, phosphorescent dans le noir, qui évoque la fête, les nineties, la techno post-Cindy Lauper.

Quand on dérape :

On oublie qu'on a plus de 17 ans, et on pense que s'habiller comme un néon, c'est jeune et décalé. Rose et jaune du sol au plafond, on adopte à plein régime tout ce qu'on chipotait avec modération à l'époque où Jean-Jacques Goldmann était n°1 au Top 50 : les chaussettes fluo + la minijupe en vinyle + le top filet + le bandeau éponge dans les cheveux + les boucles d'oreilles en plastique. On trouve que ça fait Moschino. Jeremy Scott pleure dans son loft recouvert de Looney Tunes.

Quand on gère :

On y va par touches, et on mélange avec du noir. Quand on opte pour le K-Way vert fluo, option très acceptable, on contraste avec des pièces sobres, et on y va doucement sur les accessoires. La question n'est pas d'oser, mais de doser.

5/

L’imprimé foulard

C'est quoi ?

C'est un imprimé coloré et répété en motifs obsédants qui occupent à la fois toute l'attention et tout l'espace.

Quand on dérape :

On s'est pris les pieds dans une pile de carrés mal imités et on est tombée dans le tiroir. On n'a pas compris que si on laisse flotter de douces matières soyeuses et chamarrées autour de soi sans aucun contrôle sur l'équilibre de notre morphologie, on prend visuellement trente kilos. On n'a pas compris que trop de léopard tue le foulard.

Quand on gère :

On saisit que dans ce cas précis, le « glamour » ne peut de départir d'une doublure d'« humour ». On plébiscite le total look, parce qu'une jupette en motifs fleuris mal assumée avec un tee-shirt blanc, pour le coup, ça fait vraiment campagne. Or on veut bien être bucolique, mais uniquement au milieu des pots d'échappement. On en rajoute jusqu'aux lunettes de soleil, et on sourit à suer le Botox : une gabegie d'imprimés ne supporte que le second degré.

6/

Le pyjama de jour

C'est quoi ?

La fin du complexe de la tenue de papi pour aller au lit, qui devient le comble du culot pour aller au boulot.

Quand on dérape :

On sort quasi à poil en nuisette, parce qu'on peut enfin faire comme Madonna sur scène en bustier Jean-Paul Gaultier. Sauf qu'on a exactement le même âge que Madonna, mais qu'on n'a ni ses coachs, ni ses médecins attitrés, ni ses assistants Photoshop, et qu'on a juste l'air d'une tenancière de maison close dans un film expressionniste allemand : un vestige qui a perdu son vertige.

Quand on gère :

On sort en peignoir de soie sur un jean bien repassé, en pyjama souple sous un manteau ample, ou en simplissime robe de satin à bretelles, sans escarpins (trop premier degré). On est coiffée au cordeau, on ne boit que de l'eau, et on a pioché un kimono oiseau de paradis chez Carine Gilson. On l'ouvrira un tout petit peu ce soir, ou pas, mais de toute façon, depuis qu'on porte un déshabillé, toutes les autres peuvent aller se rhabiller.

 

Illustrations : Valentine De Cort