« La mode de la rue, c’est devenu la mode tout court »

La notion provocante – pour lancer le débat – de « fétichisation de la paupérisation » fait réagir Pascaline Wilhelm, directrice mode du Salon Première Vision, qui voit s’annoncer les tendances deux ans avant que nous les voyions en vitrine : « cette distinction est très clivante, et ça me gène. J’y vois un côté positif : cette tendance de la rue incarne une attitude non-conventionnelle, comme ont pu l’être les jeans dans les années 60, ou le casual dans les années 2000. On s’habille informel pour dire « non ». » Nuancée, Pascaline met en perspective le succès historique du « jogging en polyester » : « dans les années 80, c’était l’emblème de l’intention de « ne pas s’habiller ». Aujourd’hui aux Etats-Unis, on sort carrément en pantalon de yoga ou de pyjama. Mais la mode est cyclique : dans ces mêmes années 80, les gamins de banlieue ne juraient que par Ralph Lauren, Lacoste et Gucci. Puis le monde a évolué et la rue a imposé cette idée que c’est formidable, de ne pas devoir « s’habiller ». La nomination de Virgil Abloh chez Louis Vuitton, avec son succès commercial annoncé, et toute cette nouvelle tendance d’interpréter le streetwear en collections haut de gamme, c’est un tsunami tant au niveau des matériaux que des silhouettes. Mais tout cela va continuer de se transformer. Le streetwear impose des lignes qui floutent, du « grand et du mou », dans lequel on se planque depuis au moins quatre ans. Et ça devrait encore durer. La mode est une histoire d’équilibres et d’influences, et cette phase-là va générer d’autres rebondissement, que je suis très impatiente de découvrir ! » Une analyse partagée par Elsa Fralon, pour qui le terme streetwear est totalement galvaudé, et ne voudrait déjà plus rien dire : « la mode de la rue, c’est la mode tout court. Une nouvelle norme. Et comme toute norme, on va essayer de la contourner et de s’en éloigner. »