Quiconque est déjà parti se « reposer » avec des échantillons d'adultes sait que seule la rentrée peut permettre de souffler. Essayons tout de même de ne pas jeter une femme à la mère.
Restez ferme au sujet des tablettes
Pas les tablettes de calmants qu'on avale par trois avec une caipirinha, non les vraies, les Apple. Celles qui se déchargent plus vite qu'un iPhone réglé sur Waze pour arriver plus vite à Saint Trop' le 21 juillet, celles sur lesquelles on a blindé Netflix à bloc avant de partir (notez le nombre de placement de produits – non subventionnés – en l'espace d'une seule phrase). Avant d'avoir des enfants, vous disiez volontiers « jamais de jeux électroniques, ils développeront leur psychomotricité fine avec des cubes de bois non-traité labellisé FSC ». Puis vos bambins ont eu quatre ans, et Candy Crush a libéré deux précieuses heures par jour dans votre vie. Dans votre valise, bien sûr, emmenez aussi des cerfs-volants pour courir après quelque chose quand le réseau plantera, et pour les longues soirées au soleil couchant, un Trivial Poursuit des années 80 : à votre charge d'expliquer aux marmots qui est Mickaïl Gorbatchev, que « Spoutnik » n'est pas un mot cochon, et pourquoi Han Solo a été un archéologue sexy dans un vie antérieure.
Ecoutez bien ce que les experts ont à vous enseigner
Amies sans enfants, cousines écolos, belle-mère expérimentées, nouveaux pères sur-informés : ils savent mieux que vous ce qui est bon pour vos bambins. Prenez-en de la graine : l'année prochaine, vous partirez sans eux. Parce que autant vous avez du mal à supporter les mioches des autres, qui sont plus lents, plus bruyants et moins beaux que les vôtres – on est entre nous, inutile de faire semblant – autant les remarques supposées vous soutenir dans votre délicate tâche de louper l'éducation de vos héritiers vous font l'effet d'une giclée de citron salé dans l'oeil. Si vous avez planifié une semaine dans une maison de location en Provence avec des amis, assurez-vous qu'ils sont capables de se poser un bœuf sur la langue. Sans quoi, il faudra vous en débarrasser sur une aire d'autoroute, avec leur chien qui aboie toute la nuit, et un bol d'eau. Ca s'appelle tirer un enseignement de la vie en communauté.
Soyez intraitable sur l'équilibre alimentaire de la famille...
… à la maison. Mais à moins de vouloir passer vos après-midi à grelotter en tongs au Spar trop climatisé du coin, consommez local, frais et de saison : des glaces. Se nourrir exclusivement de pizzas ne changera rigoureusement rien à la croissance de vos enfants. La chasse au gluten, c'est un coup du lobby de la farine de châtaigne bio, tout le monde le sait. Cet été, donnez à votre culpabilité le goût sucré du lâcher-prise. Le temps gagné à ne pas éplucher des légumes dans la cuisine sera savouré au bord de la piscine, et vous aurez la satisfaction de passer, juste le temps d'un melon-jambon, du côté des mères démissionnaires. Ceci, avant d'attaquer, ivre de culpabilité et à 22 heures, le cahier de vacances « deuxième primaire avancée ».
Ne lâchez rien sur la crème solaire
Toute mère de famille sait que l'application de 50+ bien blanche et collante est un job à temps complet dès qu'un demi rayon perce les nuages accumulés au dessus de Quimper. Certes, sable + crème = gommage gratuit. Sur un enfant de deux ans, ce n'est pas toujours nécessaire, mais autant qu'il apprenne tout de suite les gestes cosmétiques de survie. Le pistolet du spray est bouché par des coquilles de moules broyées ? Optez pour la solution de facilité : le tee-shirt manches longues et le cycliste mouillés. Les minots râlent ? Montrez-leurs des images post-opératoires de lifting : « voilà ce qui arrivent à cinquante ans aux gens qui s'exposaient volle pot quand ils étaient enfants ». Vous devriez être tranquille jusqu'à la prochaine marée.
Partez les poches pleines
Pour préserver votre capital nerveux, ayez toujours du cash sur vous. Pour les glaces industrielles à 3€ la boule, les tranches de pastèques ramollies au soleil, les chichis froids, les beignets gras, les ballons en forme de licorne ridicule qui vont s'envoler, les parcmètres qui vous rackettent, et à la fin de la journée, la longue vue du bord de mer pour voir l'horizon, où deux mille touristes suants ont collé le nez en plein cagnard, et qui sent comme les combinés des cabines téléphoniques publiques de votre jeunesse. Vos enfants y mettront la bouche, évidemment. Pensez « système immunitaire » et serrez les dents. C'est excellent pour retendre les muscles de la poitrine.
Posez clairement vos attentes et exigences avant le départ
Évidemment, vous perdrez votre crédibilité en cédant sur tout au fur et à mesure mais au moins, vous aurez fait illusion de fermeté. Tous les livres de psychologie pédagogique vous le diront : quand on pose des limites claires, voire quand on émet des menaces (c'est mal, mais comment résister au bon vieux « tout ce qui n'aura pas été rangé dans trente minutes finira à la poubelle ») il faut s'y tenir. Mais toutes les mères de familles émérites vous le confirmeront : les principes, c'est comme les nacelles devant le front de mer au coucher du soleil : c'est fait pour s'asseoir dessus. 1 – vous n'avez aucune envie de regarder Jumanji 2 toute seule en les envoyant au lit parce qu'ils ont fait du bruit pendant votre sieste ; 2 – vous aussi, vous haïssez les betteraves et ça ne vous viendrait pas à l'idée de manger un amas gluant de terre qui saigne, même s'il est plein de vitamines ; 3 – vous n'allez pas balancer pour 500€ de Lego au bac. Votre autorité, comme un sorbet framboise à la tâche indélébile, vient de fondre sur la robe blanche de vos bonnes résolutions.
Ménagez les familles recomposées
Concernant les non-dits et les sujets sensibles, il existe une règle à laquelle aucune mère avisée ne doit déroger : l'omerta est la seule attitude responsable à adopter pour avoir la paix. Rien de tel qu'un bon secret, qu'une opinion refoulée et qu'un avis qu'on n'a pas donné, pour assurer l'harmonie familiale. A quoi vous servirait d'exprimer votre jugement stylistique à propos de la nouvelle compagne du père des enfants (une gabegie de couleurs et de motifs à donner la nausée à un astronaute sur-entraîné), alors que vous ne portez que de l'Anversois ? Vous accueillez à Knokke les demi-frères de vos enfants, par gentillesse et charité : ne vous plaignez pas de leur mauvaise influence sur votre nichée à vous. Vous disposez de quinze longues journées pour leur apprendre des jurons inédits et les rendre accro à la PS5. Leur maman est vegan ? Donnez-leur enfin bonne mine, et faites-leur faire découvrir les joies du fast food. Elle se vengera l'été prochain. Mais vous les rendra très sains, et encore plus heureux de vous retrouver. Diversité et dérapages nuancés sont les mamelles de vacances en famille réussies.
Illustrations : Valentine De Cort