Cécile Cassel alias HollySiz est une femme qui déborde d’énergie. Après le carton de “My Name Is” (et son tube “Come Back To Me”) il y a cinq ans, elle est revenue ce printemps avec “Rather Than Talking”, un deuxième album bien groove et moins FM qu’il n’y paraît, entre disco 2.0, gimmicks à la Blondie et percus latinos. On l’a rencontrée pour discuter, à défaut d’autre chose.
Ton album s’intitule « Rather Than Talking »… Tu proposes quoi à la place ?
Agir, chanter, réfléchir, écrire, s’aimer ! On parle beaucoup pour ne rien dire. On nous oblige toujours à donner notre avis sur tout et n’importe quoi. À réagir dans l’instant… Bref on dit beaucoup de conneries et c’est dommage ! Au lieu de parler et de commenter à tout-va on devrait s’autoriser un peu de recul et réfléchir pour mieux agir…
D’un autre côté la parole se libère avec #metoo, le mouvement Time’s Up, le collectif F.(s) ici en Belgique (qui défend la mainmise masculine dans le secteur de la culture, ndlr)… Et ce discours-là est nécessaire. Et réfléchi.
Totalement ! Je suis sûre qu’il y a des femmes qui parlaient depuis longtemps, mais qu’on n’entendait pas… Moi j’ai la chance d’avoir la musique comme vecteur d’expression directe. Alors ok ce n’est que de la chanson, ça ne change pas le monde, mais quand je chante « My Body My Choice / My Fights My Voice » (sur « Unlimited », ndlr), c’est dans ce sens militant. C’est comme le colibri, quoi : je fais ma part.
Et en parlant de ce track, il a une vibe très hip hop, très new-yorkaise.
J’ai vraiment grandi avec le hip hop, en fait. Aujourd’hui c’est devenu la nouvelle variété mais quand j’avais 15 ans (fin des années 90, ndlr) c’était pas du tout le cas ! Et comme le rap venait de là-bas, ça m’a inspiré à mort, ouais ! À New York y a de la musique partout, des gens du monde entier qui viennent là avec un rêve, un but… C’est un peu l’« American dream » en version mixte, quoi : c’est l’éclectisme total ! J’y suis restée un an et c’était vraiment enrichissant. C’est tellement vibrant comme ville, c’est fou.
Et tu y a rencontré Luke Jenner, l’ex-leader des Rapture (pour rappel l’un des groupes punk-funk-disco-house les plus envoûtants des années 00, ndlr), qui chante les chœurs sur « I Will ». Raconte-nous !
On s’est rencontré par le biais de la vie : en fait ma meilleure amie produit des clips et elle a produit un clip de Joakim dans lequel Luke Jenner chante (“Bring Your Love“, ndlr)… C’est vraiment elle qui m’a poussée à le rencontrer, et ça a tout de suite accroché entre nous. J’adore vraiment son travail, et j’ai adoré l’humain… En plus il est francophile (sa femme est Française), bref on a passé pas mal de temps ensemble à se balader dans Brooklyn, à parler de tout et de rien… Jusqu’à ce que j’ose enfin lui demander de relire mes textes ! Au final on a écrit « I Will » ensemble dans son studio… C’est un mec fascinant.
Et sinon La Havane, bien ? (elle a aussi séjourné dans le coin, ndlr)
Ça m’a reconnecté avec les musiques latines que j’écoutais depuis toujours. Le tout premier disque que j’ai eu dans mon Discman c’était un disque de Sergio Mendes qui s’intitule « Brasileiro », presque entièrement composé de percus et de voix. Et sans m’en rendre compte c’est un disque qui a été fondateur dans ma manière de faire de la musique, parce que tout ce que j’aime dans la musique pop, ce sont les percus et les voix ! « They Don’t Care About Us », les Neptunes,… Et mélodiquement parlant aussi je suis vraiment allée chercher tout ce qu’il y a dans la musique cubaine, portoricaine et colombienne : une manière de poser les mots un peu différemment, d’être toujours un peu à côté… Ça m’a vraiment reconnectée avec la musique latine que j’adore : la bossa nova, la cumbia colombienne, le Buena Vista Social Club,…
Dans la bio qui accompagne ton album, tu dis qu’il a été « composé dans un moment volontairement chaotique »… C’est-à-dire ?
En fait j’avais envie de sortir de ma zone de confort, prendre ma petite valise et essayer de me redéfinir en me confrontant à autre chose, à moins de confort social… Juste arriver dans une ville où personne n’en a rien à foutre de toi, quoi. Parce que le premier album on l’a écrit sans se dire que quelqu’un l’écoutera… Moi j’ai eu la chance qu’on l’entende, mais pour réécrire un deuxième avec la même candeur, avec le même détachement, ça demande du temps. D’autant que je ne suis plus la même personne, j’ai changé en dix ans !
C’est quoi la différence entre Cécile Cassel et HollySiz ?
Cécile Cassel c’est ma peau quand je me mets au service de l’histoire des autres en tant qu’actrice, et HollySiz c’est moi en fait ! C’est vraiment mon bébé, mon histoire que j’écris… Même si Cécile Cassel c’est pas mon vrai nom non plus hein ! (c’est Cécile Crochon, ndlr) Mais sous la bannière d’HollySiz je ne peux pas ne pas être plus intègre que ça : j’écris je compose je produis je réalise certains de mes clips et de mes visuels… Mais sinon dans la vraie vie on m’appelle Cécile, oui ! (rires)
Donc la musique vient avant le cinéma ?
La musique ça a toujours été mon truc intime… J’ai toujours écrit des chansons. J’ai commencé le piano, le chant et la danse très jeune : c’était indissociable ! En fait j’ai tout le temps l’impression de faire le même métier : celui de raconter des histoires. Y a que le vecteur qui change… Et puis les barrières sont plus souples qu’avant ! Pendant très longtemps en France on faisait soit l’un soit l’autre, alors qu’aux États-Unis t’as toujours eu des acteurs qui savaient chanter et danser. Moi j’ai grandi avec cette éducation-là, de comédie musicale très complète quoi (pour rappel son père n’est autre que Jean-Pierre Cassel, le « Gene Kelly » français, ndlr).
Tes parents t’ont toujours laissé faire ce que tu voulais ?
Oui ! Mais je pense que les parents préfèrent toujours avoir des enfants passionnés que des enfants qui se demandent ce qu’ils veulent faire, non ? Moi je voulais faire de la danse, du piano, et ils m’ont laissé faire. Mon père m’a juste dit : « Ok tu veux faire ça mais tu vas le faire sérieusement alors ! ». Que ce ne soit pas juste un caprice. Si tu veux apprendre quelque chose il faut que tu l’apprennes vraiment – et cette rigueur on l’a dans la danse classique de toute façon… Si tu veux faire quelque chose, fais-le à fond !
Et ne te limite pas non plus à ce qu’on te dit de faire.
Oui voilà. Je pense que les limites on se les donne toujours, mais à un moment on est adulte et on a le choix de les remettre en question.
Lesquelles en ce qui te concerne ?
Ben c’est quand même un métier bizarre de monter sur scène et d’estimer que les gens vont trouver ça cool et vont écouter tes histoires… Quand on y pense deux secondes ! Bref décider de monter sur scène avec ses propres histoires, c’est déjà dépasser une limite. Et ce n’est pas une limite sociale normale. En tout cas la scène m’a énormément libéré… J’ai vraiment eu l’impression de trouver ma place !
Un disque : “Rather Than Talking” (Warner)
En concert ce dimanche 26 août aux Solidarités à la Citadelle de Namur
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