Elles font bouger la ville, assurent au quotidien les déplacements de dizaines de milliers d’usagers et témoignent de la satisfaction qu’elles ressentent dans leur(s) métier(s).
Conduire un bus, un tram ou un métro, ce n’est pas une histoire de testostérone. C’est une question d’envie, de réflexion et de formation. De courage, aussi ?
Avant d’entendre leurs récits, on se dit que oui. Mais on est vite face à d’autres impressions quand on écoute les principales concernées. « Il y a beaucoup de clichés qui restent présents dans la tête des gens… », s’amuse Nadia, 33 ans, chauffeure de bus à la Stib depuis trois ans et demi. « En ce qui me concerne – et c’est le cas de la plupart de mes collègues – je ne rencontre aucun problème lié au fait que je sois une femme. Ni avec mes collègues masculins, ni avec les usagers. Les gens se montrent plus attentifs, courtois et patients quand ils ont une femme conductrice face à eux. »
À quel moment décide-t-on de rejoindre la Société des transports intercommunaux de Bruxelles ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?
Nadia en avait assez d’exercer un travail plus conventionnel : « J’ai postulé à la Stib suite à un challenge lancé par des amis. J’avais jusque là exercé des jobs plus administratifs, dans des bureaux, puis en télétravail. Mais je n’aimais pas être enfermée. Un ami m’a dit « Vas-y, ils cherchent des femmes ». La suite était évidente : je voulais un travail qui m’offre à la fois de la stabilité et des possibilités d’évolution à long terme, et je l’ai trouvé. Le processus de recrutement a été très rapide. On m’a d’abord demandé quel véhicule je souhaitais conduire. J’ai répondu : le bus ! Très peu de temps après, je commençais ma formation de quarante jours avec un contrat à durée indéterminée en poche et un bon salaire accompagné d’avantages intéressants (assurance groupe, abonnements Stib pour toute la famille… ,NDLR) » Laura, 23 ans, conductrice de tram, avait pour première motivation la recherche d’un emploi stable. Elle ne s’attendait pas forcément à y trouver bien plus que des horaires agréables et la sécurité de l’emploi. « J’ai reçu une réponse très rapide après avoir postulé, puis j’ai suivi une formation de six semaines (le temps d’apprentissage pour la maîtrise d’un tram, spécifiquement, NDLR). J’ai appris des choses que je n’imaginais pas aborder. Comme les questions techniques, par exemple. Un conducteur ou une conductrice de tram doit pouvoir gérer les éventuelles pannes, redémarrer son véhicule. Ça semble, au début, assez impressionnant, mais c’est aussi très enrichissant. J’ai vraiment pris du plaisir à suivre ma formation. » Brigitte, 52 ans, était elle motivée par le plaisir de bouger et de se reclycler après une carrière dans l’esthétique, l’horeca et le courrier express. « J’adore conduire. Je voulais initialement être conductrice de train, avant de me diriger vers la conduite du métro. Il n’y a pas d’embouteillages, comme en surface. Le contact avec les usagers est réel et contrairement à ce que l’on croit, on ne passe pas sa vie sous terre. Le métro, à Bruxelles, est souvent en surface. On ne passe jamais plus de 45 minutes d’affilée dans les tunnels souterrains. De toute façon, même en sous-sol, mes collègues me disent que je suis le soleil du métro (rires). »
Quelles sont les qualités dont il faut disposer ?
« Moi, je suis très sociable, poursuit Nadia. Je m’entends bien avec tout le monde, je suis toujours de bonne humeur. C’est ma nature. Je fais en sorte que mes journées se passent toujours bien. Dans mon bus, j’ai la responsabilité de 80 ou 100 personnes. Je ne connais pas leur vécu, ils sortent peut-être de l’hôpital, ils ont peut-être mal au dos, ils sont peut-être en retard. Mon travail, c’est de les emmener d’un point A à un point B en toute sécurité, en faisant attention au comportement des autres véhicules, en réagissant de manière adéquate à tous les cas de figure, à tous les problèmes potentiels. C’est aussi quelque chose qu’on apprend en formation : être réactive en toutes circonstances, garder le contrôle de soi. » Un constat partagé par Lucie : « Il faut être calme, zen, concentré, car être dans la circulation avec un tram, ce n’est pas toujours évident. Et puis les gens ne se rendent pas toujours compte du danger quand, par exemple, ils traversent devant un tram en mouvement. Pouvoir garder son sang-froid, c’est à mon avis une qualité indispensable dans ce métier. » Avec ses 800 à 1 000 usagers par rame de métro, Brigite, elle aussi, met en avant la nécessité d’être attentive et impliquée dans ce métier : « C’est un besoin, pour moi, de faire au mieux. Je parfais sans cesse ma conduite pour que les gens soient le moins secoués possible. Je leur communique les bonnes annonces informatives, je suis extrêmement vigilante à leur sécurité lors de l’embarquement/débarquement. Il ne suffit pas de s’asseoir dans sa cabine et d’appuyer sur un bouton… »
Et être passionnée de mécanique ? Être la reine du créneau en côte ? Non, ce n’est pas nécessaire. « C’est étonnant d’entendre les femmes dire : “ Je ne sais pas conduire un engin pareil” », s’étonne Johan, Employer Branding & Sourcing Manager. Les hommes n’ont pas cette réaction alors qu’eux non plus ne savent pas le faire avant d’avoir été formés. Il faut sortir de ce cliché. Personne ne sait conduire un bus avant d’avoir appris. Ce n’est pas un prérequis pour être engagé à la Stib. Et cette formation, c’est nous qui nous en chargeons. « Les critères pour pouvoir postuler sont d’avoir 21 ans et de posséder le permis B. Le reste est juste une question de motivation et de personnalité. »
Hommes, femmes, mode d’emploi
Quant aux questions liées à des comportements inadéquats ? Lucie les balaye d’un revers de la main : « Je n’ai jamais rencontré de soucis avec mes collègues masculins, ni avec les usagers. Personnellement, je n’ai jamais été confrontée au harcèlement dans le cadre de mon travail. »
Sur les 4 000 collaborateurs et collaboratrices à la Conduite que compte la Stib, il n’y aurait donc aucune personne qui se risquerait à des propos ou comportement sexistes ? Difficile à affirmer. Mais de l’avis des femmes interrogées, la réalité du terrain ressemble à ce qu’il y a de plus sain. « Il y a une super bonne ambiance entre collègues, ajoute Nadia. On connaît la situation familiale de chacun, on essaye d’être très flexibles pour éventuellement échanger un service ou une ligne de bus ou de réseau. Dans les dépôts, c’est donnant-donnant. On s’entraide vraiment. Si on dépanne quelqu’un un jour, on sait qu’on peut compter sur elle ou lui la fois suivante. On communique vraiment bien, ça fait aussi partie des plaisirs de ce métier. Ça et le choix qui nous est donné de travailler de préférence la semaine ou un week-end sur deux ou jamais le week-end, tôt le matin ou tard le soir… Moi, je suis seule avec deux enfants et tout se passe très bien. Ma vie privée et familiale est ma priorité. Si elle n’était pas compatible avec ce métier, je ne l’exercerais tout simplement pas. Si je dois m’absenter pour une réunion de parents ou pour une urgence médicale, personne ne m’en fait le reproche. Il y a aussi des hommes seuls avec des enfants et c’est pareil pour eux. Nous sommes tous traités à égalité, chaque dépôt fonctionne comme une petite famille. »
égalité également dans le port de l’uniforme qui n’a rien d’une option. « ça ne me dérange pas du tout, réagit Lucie. Ça permet de ne pas abîmer ses propres vêtements quand on intervient sur un véhicule, ça nous rend reconnaissables facilement auprès des usagers. Et puis, on reste tout de même très libres d’afficher le style qu’on veut. On ne reçoit pas de recommandations en ce qui concerne la coiffure ou le maquillage (les hommes non plus, NDLR). La seule chose qui peut parfois sembler un peu dépassée, c’est la demande qui nous est faite de ne porter ni baskets, ni chaussures à talons. » Brigitte, jupe droite au genou et escarpins sombres légèrement surélevés, ajoute : « Je porte une jupe 365 jours par an. C’est mon choix, ma manière à moi d’affirmer ma féminité. Ce n’est pas parce que j’exerce un métier réputé “masculin” que je ne peux pas m’habiller comme je veux. Ça n’a jamais posé de problème. Ici, on peut rester qui on est, comme on est (hormis le port de signes religieux ostentatoires pouvant compromettre les mouvements et la vision lors de la conduite, NDLR). »
Reste que les conductrices sont trop peu nombreuses. « On ne compte, à la Stib, que 10,5 % de femmes. C’est trop peu à notre avis et nous voulons encourager nos futures collègues à nous rejoindre. Tout le monde entre ici avec les mêmes possibilités de -carrière et d’évolution. », termine Johan.
Bouger, rencontrer des gens, être indispensable au fonctionnement de la vie urbaine…
« Chaque jour constitue en une nouvelle aventure, commente Gaby, Employer Branding & Sourcing Assistant. C’est un boulot super pour les gens qui n’aiment pas la routine. Les conducteurs et conductrices m’expliquent qu’ils voient Bruxelles évoluer au fil des saisons, de la température, des événements qui rythment l’année. Les gens sont plus joyeux à certains moments, ils sentent comment se sont passés les examens des étudiants. Quand on est au volant, on vit les joies et les peines des gens. C’est très intense et enrichissant. » Vivre la ville en plein cœur, ça aussi, c’est un argument motivant : « 80 % des chauffeurs sont de vrais urbains. Ils viennent de Bruxelles ou ont vécu en ville, précise Johan. Ils comprennent mieux pourquoi les choses fonctionnent de telle ou telle manière. Ils ont pris le bus pour aller à l’école, pour aller voir des potes… La Stib fait partie intégrante de leur vie depuis l’enfance. Il y a aussi un lien affectif entre les transports en commun et les gens grâce à qui ils fonctionnent. » « C’est vrai, et en plus, des liens se créent avec certains usagers, ajoute Nadia. Sur certaines lignes, on reçoit de petites attentions comme un chocolat ou des fruits les jours de marché. On nous remercie… »
Libre et responsabilisé, les mots clés
« Si vous conduisez bien, si on peut compter sur vous, vous êtes complètement responsabilisé. Vous êtes aux commandes de votre bus, de votre tram ou de votre métro sans un supérieur hiérarchique en permanence sur votre dos. Au cours de groupes de discussion que nous organisons régulièrement en interne avec les conducteurs et conductrices, ce qui ressort de positif, c’est la liberté, le fait que les journées soient très variées et le fait d’être en contact avec d’autres gens. »
Le tout sans la pression ressentie dans certains secteurs d’activités : « La sécurité prime avant tout. On ne dit jamais aux conducteurs et conductrices d’aller plus vite. Il n’y a pas de concurrence, comme c’est parfois le cas dans d’autres métiers. Quand les choses changent en interne, c’est pour -améliorer le confort des employés et des usagers,
pas l’inverse. » C’est le moment de postuler…