Un pont au-dessus du métro, au coeur du 18ème. Vue sur Montmartre et sur un parc où des mères voilées promènent leurs enfants. Un décor authentique et populaire intemporel, et pour marquer la modernité, un drone. Puis, le défilé. Marine Serre a présenté une collection forte, de celles qui impactent le regard, et témoignent de l'époque.
Issue de l'Ecole Belge (elle a été diplômée avec tous les honneurs à La Cambre), Marine Serre a évoqué dans sa collection Hardcore Couture les codes de Margiela : un set installé à contre-emploi dans un lieu inattendu et popu, des enfants intégrés à la scénographie (Margiela leur avait fait dessiner les invitations), mannequins "à gueules" semblant castés dans le quartier, et un art de la récup' qui force l'imagination.
Ici, un tiers des pièces ont été taillées dans des matériaux détournés ou récupérés. Notamment une inoubliable robe fourreau en couverture imprimée d'un tapis de Barbès, ou une cape recouverte de portes-clefs, en guise de sequins.
La lauréate du Prix LVMH 2017 est connue pour sa grande pugnacité à l'ouvrage. Pour son deuxième défilé, elle a donc opté pour une collection en 4 volets, intégrant le côté extrême et excessif de la Formule 1, ses risques et sa vitesse immodérés (sa Ligne Rouge), puis des lignes d'or, verte et blanche.
La Ligne d’Or
est la plus fidèle aux racines créatives de Marine Serre, son usage du logo réinterprété en motif, le sportwear qui prend tout son sens à un moment où la mode n'a pas intérêt à louper son virage. Des chaussures aussi, babouches vernies notamment, la moonwear au futureheel (en français dans la langue).
La ligne verte
matérialise l'éco-futurisme recyclé, assemblant des matériaux de base préexistants. Chaque vêtement de cette ligne est donc unique, c'est la ligne verte Artisanale de Marine Serre, en un sens. Cette démarche découle d'une réflexion visant à modifier radicalement le processus de production de mode qui se cannibalise de toute façon. Cette sensibilité révolutionnaire à double tranchant résonne bien sûr avec les autres tensions productives en jeu: catastrophe et humour, haut risque et confort, sensualité et fonctionnalité. Même le jean bleu est vert, c'est dire.
La ligne blanche
celle qui délimite le prêt-à-porter, resserre le noyau de la marque, avec des vêtements et des accessoires à multiples facettes, produits sans complaisance, quoique accessibles et résistants à la réalité.
La ligne rouge, Couture
présentait des vêtements entièrement fabriqués à partir de pièces usagées recyclées, titillant le mauvais goût, par provocation et décomplexion. C'est l’essence du lexique visuel de Marine Serre, poussé à son paroxysme.
Marine Serre, plongeant ses racines dans le meilleur de la mode fondatrice contemporaine, pousse son indéniable talent vers un futur à multiples dimension. Avec humour et sérieux tissés, pour apporter une alternative à une industrie qui ne demande que ça.
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Photos : Etienne Tordoir pour Catwalk Pictures