“Année de la Contestation” oblige, ce ne sont pas les expos célébrant les 50 ans de Mai 68 qui manquent. Après “Get Up, Stand Up !” au MIMA (prolongée jusqu’au 30 décembre), “RESIST!” à BOZAR, “US OR CHAOS” au BPS22, “REVLT!” à l’Espace Vanderborght et bientôt “Revolutions” à l’ING Art Center, voici donc “RESISTANCE” à la CENTRALE. On entend bien.

Guerilla Girls

Guerilla Girls

“Attention, l’art corrompt” ! Ces mots on pouvait les lire en 1968 au pied du David de Michelangelo, à Florence. Ils étaient signés Jochen Gerz, un artiste conceptuel qui voulait (et veut toujours) bousculer les consciences par l’action, le mot, au sein même de l’espace public. Cette punchline vous la trouverez sur des autocollants, disponibles gratuitement juste à côté de la photo de la sculpture “détériorée” : une façon ludique d’entrer en résistance, et de montrer que l’art peut se jouer et s’affranchir de l’espace et du temps d’exposition, se déplacer, s’inscrire ailleurs… Dans la vie, pas dans un “mausolée” (= le musée). Voilà l’idée qui sous-tend RESISTANCE : “mettre en lumière des oeuvres issues d’une pratique relationnelle élargie au monde, usant de matériaux et de médias non conventionnels et animées par un éminent désir d’action au sein de la collectivité” (dixit Maïté Vissault, la commissaire).

Cléo Totti

Cléo Totti, “Sauvage (série ELLE)” (2013-18)

L’art comme expérience du réel

En présentant un dialogue entre des oeuvres historiques de 68 (Beuys, Broodthaers, Valie Export,…) et des oeuvres d’aujourd’hui (Douglas Gordon, Guerilla Girls, Dan Perjovschi,…), l’expo veut donc montrer que l’art est résistance (ce qui n’est pas forcément synonyme de révolte, nuance)… S’emparer de matériaux non conventionnels (tel Dieter Roth et ses oeuvres périssables), sortir du carcan du monde de l’art et questionner l’espace public (les happenings façon Guerilla Girls), scander des slogans et réveiller les mots (Dan Perjovschi et ses murs taggés qui interrogent l’actu du Monde) : autour de ces trois axes (les mots, la matière, l’espace/action/participation), l’expo veut montrer que l’art peut lui aussi sortir de sa tour d’ivoire et questionner notre société… Comme le précise Maïté Vissault : “Les thèmes qui nous préoccupent aujourd’hui doivent être activés d’une autre manière ! Une oeuvre se révèle désormais insuffisante pour ébranler le politique, l’intellectuel”… Et le public, il va sans dire.

Dan Perjovschi

Dan Perjovschi in situ

Des ateliers populaires

De là à dire qu’une expo “anticonformiste” et l’emploi abusif du Caps Lock (voir notre intro) réveilleront les consciences, rien n’est moins sûr… Toujours est-il que RESISTANCE espère quand même engendrer de l’action, déployer de l’énergie, éliminer ce qui sépare (les arts, les gens, les publics) en mettant sur pied, en plus de l’expo, une “OPEN ACADEMY“. En pratique il s’agit d’une programmation multidisciplinaire rassemblant 4 écoles supérieures d’art bruxelloises (l’Académie des Beaux-Arts, La Cambre, La LUCA school of Arts et RITCS) autour de la thématique de la contestation (“présente et future”). Workshops, débats, conférences, projections et performances rythmeront ce projet collectif et participatif… En gros des étudiants, leurs profs et des artistes s’interrogeant sur la résistance, son héritage, ses résonances. Qu’est-ce qui résiste encore aujourd’hui ? Comment les nouvelles générations font-elles entendre leur voix ? Qu’est-ce qui a changé depuis Mai 68 ? Comment survivons-nous ? Il n’y aura peut-être pas de réponses mais poser la question c’est déjà résister. Dont acte.

Robert Filliou

Robert Filliou, “Optimistic Box n°2” (1969)

On a pointé pour vous :

Où ? Place Sainte-Catherine 44, 1000 Bruxelles

Quand ? Jusqu’au 27 janvier

Plus d’infos ? La CENTRALE