Des fashionistas comme les autres
On le voit lors des grandes fashion weeks masculines, la mode homme s’extravertit, et calibre sa communication pour fidéliser un nouveau public. Alice Pfeiffer est journaliste mode, spécialiste des questions de genre. Elle analyse que « le marketing est plus agressif concernant le marché hommes. On les félicite d’être alternatifs tout en les encourageant à consommer, ce qui représente un oxymore géant. Les mecs aussi ont besoin d’être rassurés dans leur processus d’achat, puisque désormais, chacun est quotidiennement confronté à des cas de conscience éthique et politique. »
Pour autant, le modeux tient à une virilité qui ne s’éloigne pas trop du premier degré. Par exemple, alors qu’il y a encore quelques années, porter un pantalon ajusté ou des revers roulottés, faisaient craindre de « faire gay », c’est aujourd’hui un style pointu recherché. Pour Geoffroey Bruyère, « ceux qui étaient un peu originaux et par conséquent stigmatisés, sont devenus des modèles ». Une révolution ? Pas encore : le sportif musclé reste l’icône de la masculinité moderne.
Alice Pfeiffer compare la mode avec le monde des jouets : « pour les filles, tout est vendu en panoplie, comme pour les Barbie. Alors que les garçons ont besoin d’être sujets d’action, des héros puissants et virils. Transposé à l’industrie du vêtement, si la communication est habilement tournée, on peut leur faire croire qu’ils vont sauver le monde grâce à leurs baskets. Jacquemus, qui crée pourtant une mode sporty-dandy, a choisi comme première égérie le rugbyman Yoann Maestri, deuxième ligne au Stade Français, parce que le baraqué rassurant, ça parle au consommateur. Ce designer a compris qu’on peut être élitiste en studio, mais qu’il faut savoir faire rêver un public plus large ».
La conscience au placard (au sens propre)
Louis Gabriel Nouchi, diplômé de La Cambre, a fondé sa propre maison il y a deux saisons, après avoir dirigé la création de la marque Editions MR pendant un an et demi : « pour moi, faire de la mode homme, c’est plus honnête : je peux m’y projeter, essayer les coupes. Les vêtements femme me semblent depuis toujours plus contraignants, avec leurs ouvertures dans le dos ou l’absence de poches. La mode homme est beaucoup plus fonctionnelle, et c’est un marché extrêmement dynamique actuellement ». Une façon spécifique de concevoir les collections, orienté « luxe et pratique », jusqu’aux matières, encore très genrées.