Comment un pays africain, de culture patriarcale, arrive-t-il à faire mieux que les pays nordiques ?
Donatille Mukabalisa, présidente de la Chambre, et Alphonsine Mukarugema, présidente du Forum des femmes parlementaires, de passage à Bruxelles pour recevoir le « Women in Parliament Award », avancent un argument simple et évident : « Il y a une réelle volonté politique, depuis le plus haut niveau de l’État, et cela se traduit par des politiques et des programmes de mobilisation des femmes. »
En clair : le Rwanda a adopté une nouvelle Constitution en 2003, dans laquelle il a réservé une place de choix aux questions liées au genre, imposant des quotas en politique et un système de « gender mainstreaming » (analyse de toutes les décisions en termes d’égalité hommes-femmes). Ces dispositions ont permis de réelles avancées pour les femmes, comme la réforme de l’héritage, qui place les filles sur le même pied que leurs frères, ou le droit à la propriété foncière. Y a-t-il aussi des quotas pour les hommes, comme c’est le cas chez nous ? Les deux élues éclatent de rire : « Non, ce n’est pas prévu. »
Mais les sourires des femmes parlementaires cachent aussi des fissures démocratiques. Le grand problème du Rwanda de Paul Kagamé, c’est le peu de place que laisse le FPR, le parti du président, à une réelle opposition. Or le Parlement doit non seulement respecter un quota de minimum 30 % de femmes, comme dans beaucoup de pays, mais certains sièges sont également attribués par nomination : deux pour des élus de la jeunesse, un pour un représentant des handicapés et vingt-quatre pour des femmes. Ces députées, officiellement non partisanes, sont réputées favorables… au FPR. Un journaliste rwandais soulève le risque de manipulation de ces élues devant la présidente de la Chambre. Réponse de la bergère au berger : « Manipulation ou pas, la présence des femmes au parlement est un signe de victoire démocratique. » On s’en réjouit.
Céline Gautier