L’enquête réalisée par un consortium international de journalistes d’investigation a fait l’effet d’une bombe. Rien qu’aux States, 80 000 personnes sont mortes à cause de la pose d’un implant. Mais que sait-on vraiment ? 

Imaginez un filet pour transporter des mandarines. Oui, celui que vous achetez au rayon fruits et légumes, celui que vous avez probablement dans votre frigo. Ce même petit filet aurait pu être commercialisé comme prothèse contre les descentes d’organes. WTF. C’est ce que révèle un test réalisé par une journaliste néerlandaise. Aidée par un chirurgien, elle a réalisé un dossier, volontairement rempli d’erreurs, et l’a envoyé à trois organismes pour faire certifier son « implant ». Résultat ? Elle a reçu un retour favorable, elle aurait donc pu mettre sur le marché son filet de mandarine considéré alors comme un « dispositif médical ». La journaliste fait partie d’un consortium international et c’est en réalité une vaste enquête qui a été réalisée pendant neuf mois par 250 reporters issus de 59 médias européens. Chez nous, ce sont Le Soir, Knack et De Tijd qui sont concernés. 

Les conclusions font froid dans le dos, on apprend que pour pouvoir mettre un implant médical sur le marché, c’est bien trop easy. Il suffit de montrer que l’objet fonctionne comme prévu et qu’il est sûr. Pas besoin de prouver qu’il est efficace ni de systématiquement effectuer des études cliniques sur l’être humain…  Forcément, les cas problématiques se sont multipliés. Aux Etats-Unis, 1.700.000 personnes ont été blessées et 80.000 sont mortes à cause d’un implant. Tous sont concernés (pacemaker, prothèse de hanche, du genou…), et particulièrement les implants mammaires. En Belgique, au moins 1458 femmes ont dû se les faire retirer en 2017. Au niveau mondial, ce serait un implant sur dix qui serait défectueux. Et de nombreux incidents ne sont pas signalés. Chez nous, l’AFMPS (l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé) s’est contentée de publier un communiqué affirmant que « chaque incident est un incident de trop mais que malheureusement, le risque zéro n’existe pas ». Ce qui n’empêche pas de tout faire pour s’en rapprocher. 

Si les rapports d’incidents ne sont pas publiés sur le site de l’AFMPS, parce que soi-disant « trop techniques », Maggie De Block estime que l’information doit être accessible, lisible et fournie principalement par le médecin. Là aussi, ça risque d’être compliqué. Encore aujourd’hui, les patients ne sont pas suffisamment informés sur les risques, pourtant graves et sous-estimés. Le Soir révélait que les fabricants d’implants avaient dépensé au moins 25 millions d’euros en 2017 pour appâter les médecins… « Il s’agit de sponsoring d’hôpitaux, ou d’ASBL médicales organisant des colloques et des formations, mais également de paiements vers des sociétés anonymes de médecins. » Et on ne parle même pas des pots-de-vin en cash. Si ça intervient déjà trop tard, espérons que 2020 change la donne. Une législation européenne réformée entrera alors en vigueur, ce qui devrait renforcer les contrôles de sécurité et rendre publique l’information sur les implants. Mais tout comme les médicaments, les prothèses et implants devraient systématiquement être approuvés par une institution publique indépendante avant d’être mis sur le marché. Aujourd’hui, c’est une société privée qui s’en charge… A quand un changement ? 

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