Scénographe pour soirées décalées, Alessia Guidoboni à la tête du Fedra Studio nous explique comment la fête est devenue le nouveau moyen de se distinguer, de marquer les esprits à coups de concepts de folie.
Depuis toujours, la fête se définit par la danse, le chant, l’excès de bouffe et d’alcool. Sauf qu’aujourd’hui, plus encore qu’hier, les bamboulas et autres fiestas doivent rompre avec l’ordinaire, le quotidien, la banalité, d’où cette idée de sacralité évoquée par Alessia Guidoboni, architecte et scénographe sous le nom de Fedra Studio : « Une soirée, pour fonctionner, doit fabriquer du sacré, pas au sens religieux, mais au sens d’enchantement. Elle doit être attendue et proposer un voyage vers un ailleurs, même si elle est composée d’ingrédients très simples, voire basiques. Pour créer du sacré, il faut une scénographie, des accoutrements différents, des surprises, de la transgression ou de la régression en jouant avec les interdits, qu’on soit dans une soirée à la maison, un mariage ou une fête corporate. »
Alors que dans notre société hyper connectée, tout est virtuellement accessible et se normalise, le carton d’invitation est l’un des derniers bastions où fantasmes, portes closes et vitres teintées font encore rêver…
Connue pour ses mises en scène aussi pensées que décalées, cette architecte milanaise a fait ses armes pendant 10 ans chez les plus grands (Villa Eugénie et Thierry Boutemy notamment) avant de se lancer à son compte. Son talent ? Traduire un univers en saveurs, en matières, en textures, en odeurs et en lumière. De la mise en scène durable et éthique conjuguée à un sens pointu de l’esthétique. Un vrai savoir-faire traduit en événements festifs et conceptuels, en étude de tendances, en direction artistique, en aménagement et décoration d’intérieur, en communication et en création d’identités. Son leitmotiv : jouer sur les symboliques, détourner les codes et les rituels sociaux, développer de nouvelles pratiques de réjouissances capables de provoquer des électrochocs, d’éveiller la curiosité, de stimuler la réflexion, de transmettre un message (éco-conscient souvent)…
À sa fête comme à sa table, le convive devient acteur d’une histoire qui s’adresse à ses cinq sens, à sa mémoire et à ses émotions comme lors de sa dernière réalisation en tandem avec Melody Gœthals : une fête d’anniversaire dans une grande maison ixelloise dont le thème était les rites païens. « Le client m’a envoyé une liste de mots clés : Pasolini, Grèce, mythologie, rites primitifs, boue, paille… Je réalise alors un moodboard avec des photos d’inspirations dénichées sur Ecosia. Pinterest, c’est trop propre, ça tue ma créativité ! Quand les concepts sont validés, je vais acheter tout ce dont j’ai besoin pour réaliser la scéno. »
Alessia a de belles idées et les moyens (même avec un budget restreint) de les réaliser comme de mettre du blanc de meudon sur les fenêtres d’une maison pour y écrire les extraits de l’Iliade, planter des bougies allumées dans des fruits et légumes posés bruts sur une table nappée, faire pendre le pain et les raisins du plafond, recouvrir le sol d’un tapis de paillettes et les murs d’aluminium scarifié, faire des natures mortes avec des fleurs presque fanées… Du cocktail au dîner, cette jolie Italienne utilise l’aliment comme un élément de déco à part entière mais aussi un joli outil de questionnement sur la façon dont on vit et se nourrit.
« Bousculer les gens avec des mises en scène décalées et percutantes les font réfléchir d’abord, les poussent à lâcher prise ensuite. Plus folle sera l’atmosphère, plus déjantée sera la fête », nous dit-elle. Réservées pendant longtemps aux cliques d’artistes branchés dans des ateliers désaffectés, les fêtes conceptuelles et leurs univers prise de tête n’ont jamais eu autant de succès. «Aujourd’hui, les gens ont besoin de surprendre et d’être surpris. Il ne suffit plus de louer des chaises, un DJ et des boules à facettes pour faire vibrer. Il faut un concept fort et percutant », conclut cette reine de l’éphémère.
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