On ne va pas en remettre une couche sur vos poumons, mais vous le savez : fumer tue. Il existe plein de façons d’arrêter de fumer. Certains – 5% seulement ! – y arrivent par la seule force de leur volonté. D’autres ont besoin d’un soutien, d’un cadre, d’une aide qui vient d’ailleurs. Bonnes résolutions de l’année oblige, on a testé pour vous l’hypnose. Attention, spoiler : on fumait. On ne fume plus.
« Aujourd’hui est le premier jour du restant de votre vie ! » : il ne s’agit pas ici d’une des plus belles scies de Daho, mais de ce qui est écrit, en gras majuscule, sur mon « certificat de réussite de libération tabagique» reçu à la fin des 5 séances d’hypnose collective auxquelles j’ai participé. Récit de deux semaines haletantes à chasser le monstre puis le tuer, pour enfin respirer.
JOUR -1 : LE RENDEZ-VOUS CHEZ LE DOCTEUR
Il s’appelle Eric Mairlot et il est président de l’Institut de Nouvelle Hypnose et de Psychosomatique, chargé de cours d’hypnose médicale à la Salpêtrière et président honoraire de la société belge d’hypnose de langue française. Bref, un sacré CV. De mon côté j’espère que ça va le faire, je viens en paix, j’ai envie d’arrêter. Je fume depuis longtemps, surtout quand je sors, je bois, je m’ennuie, je digère, j’angoisse, partout, tout le temps (les fumeurs savent). Bref je lui dresse mon petit portrait de fumeur décidé à reprendre sa santé en main. Il m’écoute calmement. Il veut entendre mes motivations. Mes peurs. Il m’explique ensuite les rudiments de l’hypnose et me propose de passer le « test de dépendance à la nicotine » (le « Test de Fagerström »). Soulagement : mon « niveau de nicotino-dépendance » s’avère étonnamment « bas ». Il faut dire que je ne fume pas ma première cigarette dans l’heure après le réveil (+++), et que je fume entre 10 cigarettes (« ou moins ») par jour (+++)… Sauf si je vois des amis, et tout ce qui s’en suit (on passe alors de « 11 à 20 », à l’aise). Des résultats à titre indicatif, mais qui rassurent déjà, un peu. Rendez-vous est pris pour la séance d’information collective, avant d’entamer les séances d’hypnose à proprement parler.
JOUR 0 : LA SÉANCE D’INFORMATION COLLECTIVE
On débarque dans une salle d’hôtel où se dérouleront les séances. Une vingtaine de personnes, de tous âges, horizons et « niveaux de nicotino-dépendance », se regardent un peu en chiens de faïence. Certains n’ont pas l’air très fiers d’être là. D’autres en plaisantent. Il y a quelques récidivistes, qui connaissent déjà tout le protocole. On s’assied en rond, et chacun se présente et détaille, ou pas, ce qui l’amène : le comment du pourquoi il fume, ses motivations, ses doutes, ses envies. « Je ne veux plus être un esclave ». « Parce que ça m’emmerde de fumer ». « Pour faire plaisir à mes enfants ». « Pour retrouver du souffle ». « Une meilleure santé ». « L’odorat ». « Ne plus culpabiliser ». « Reprendre le contrôle de ma vie ». « Ne pas mourir ». Et cetera. Tout le monde a ses raisons, et elles sont toutes bonnes. Bref tous ces témoignages sont bons à prendre. Le Docteur nous rappelle les méfaits du tabac (sur ta fécondité, ton compte en banque, ta peau, ton cœur, ton sommeil, tes poumons, ta liberté, ton temps de vie,…), mais nous rassure par un argumentaire bien rôdé : « arrêter sera plus difficile que vous ne l’espérez, mais plus facile que vous ne le pensez ». Ok, c’est-à-dire ? Et là c’est parti pour la « prescription des tâches », à débuter séance tenante. On vous passe les détails, mais il s’agit d’habitudes tabagiques à changer (changer de marque, de main, de doigt,…). Objectif : tester votre motivationà arrêter de fumer. On n’est pas là pour niaiser. Pause clope.
JOUR 1 : LA PREMIÈRE SÉANCE D’HYPNOSE
Même lieu, quelques jours plus tard. On s’installe comme on veut, assis sur une chaise ou à terre, couché sur une table, certains ont pris un oreiller, un matelas de trek : la séance dure environ 2 heures, mieux vaut se mettre à l’aise. Je m’assieds dans un coin, dos au mur. Le Docteur nous rappelle les bases de l’hypnose : détendez-vous, fermez les yeux, écoutez ma voix, et le reste suivra. Ok. C’est parti. Silence. « Vous fixez un point… ». Il se lance dans une logorrhée à base d’images mentales, de points d’ancrage et de métaphores contre lesquels il nous demande de ne pas lutter (satané sens critique). Très bien, c’est cool, le mec parle posément, la tessiture de sa voix rassure. On finit par limite somnoler, à moins qu’il ne s’agisse d’un état légèrement modifié de conscience. Il parle d’un escalier à descendre, de souvenirs heureux à convoquer dans notre cortex, d’un carrefour ou d’une route en Y, de plein de trucs ZzZzZ. À vrai dire on n’en sait rien, et à la fin quand on ouvre les yeux, on n’a pas du tout l’impression d’avoir été « hypnotisé » : juste d’avoir écouté un type nous raconter de drôles d’histoires. Certains ont l’air assez sonné. Affirment avoir rêvé comme des petits bébés. D’autres, comme moi, ont le sale sentiment d’avoir fait « semblant ». « Non mais ça marche pas ton truc, c’est bon ». On part dubitatif.
JOUR 2 : LA DEUXIÈME SÉANCE D’HYPNOSE
Deux jours plus tard. On a bien accompli ses petites tâches. À vrai dire on n’a pas trop fumé, c’est bien. Petit tour de table, de chaise, de sol : certains fument toujours comme des pompiers, d’autres ont bien calmé le jeu, c’est selon. « Ah j’ai vraiment bien dormi le soir de la première séance ! ». Ouais. Cette fois j’ai pris un oreiller et un sac de couchage, et je m’étends sur une table (petit torticolis l’autre jour). Chacun prend position. Silence. « Tendez la main gauche… Fixez, fermez,… ». Je me laisse aller, je suis couché, vazy tu peux y aller. Calme. Confort. Concentration. Je dois m’imaginer en train de faire certaines choses qui subconsciemment me font comprendre qu’arrêter de fumer c’est facile : « L’hypnose est un mode de fonctionnement mental », n’est-il pas. Après une heure et demie de traitement, tout le monde se « réveille » et de nouvelles tâches nous sont prescrites, à honorer jusqu’au jour J : de nouveaux petits rituels de taffes expressément rédhibitoires, qui te font gentiment prendre conscience, petit à petit, du ridicule de ta situation de fumeur (« Fumez toutes vos cigarettes en poirier, sur un balcon, en sous-vêtements » : ok on exagère mais c’est presque l’idée). Le ridicule ne tue pas ? Ouais c’est ça.
JOUR 3 : LA TROISIÈME SÉANCE D’HYPNOSE
C’est bon je fume presque plus là, je me sens comme Rocky face à Drago quand il l’étale par terre d’un bon gros uppercut et que la foule s’enflamme, même les Soviétiques. Je ne suis pas si dépendant que ça, finalement. Ça fait juste deux semaines que je ne suis plus sorti de chez moi par peur d’avoir envie de fumer une cigarette si je vais boire un verre, c’est tout. J’ai fumé deux cigarettes la veille, pareil les jours précédents. Deux-trois. Cette troisième séance se déroule comme les deux premières. Je ne me sens pas hypnotisé comme à la télé, j’ai juste l’impression de suivre des sortes de séances de yoga un peu méditatives, enfin j’en sais rien j’ai jamais fait de yoga. J’écoute ce qu’il raconte de sa voix (très bien) posée : les phrases sont bien articulées, je visualise ce qu’il nous demande de visualiser. Il m’arrive de penser à autre chose. À mon emploi du temps. À la tête que tire ma voisine, qui respire vraiment profondément. La séance est levée, on s’étire un peu les muscles, une dernière tâche bien dégueulasse nous est assignée avant le jour J. Un truc à vous dégoûter une fois pour toutes de fumer… Mais bon, c’est un mal pour un bien. Un mauvais moment à passer. Bien ridicule aussi. C’est le jeu. On ne vous en dit pas plus, afin de préserver le suspense (et vos chances d’arrêter !). Il faudra le faire quatre fois, jusqu’au matin du jour J. C’est à ce moment-là que vous devez « enterrer » définitivement votre tabac, jeter vos dernières cigarettes dans les flammes de l’Enfer, et ne plus jamais fumer.
JOUR J : LA DERNIÈRE SÉANCE (+ L’AUTO-HYPNOSE)
« La lumière revient déjà / Et le film est terminé / Je réveille mon voisin / Il dort comme un nouveau-né » : Eddy Mitchell avait vu juste ! Me voilà libéré de ce fardeau qu’était la cigarette !
Une dernière séance d’hypnose pour consolider le bazar et elle est faite Arlette ! Le docteur nous donne des méthodes « pour se libérer des envies désagréables à partir du jour J » (ex. : sucer du citron, allumer la télé, prendre une douche froide, faire du sport, boire beaucoup d’eau, virer les cendriers, changer d’intérieur ou de coupe de cheveux, respirer,…), bref nous voilà parés en cas de coup de mou (ou de sang). Ajoutez à cela une ultime séance le lendemain, d’auto-hypnose, basée sur une technique de respiration (sept en fait) censée calmer le jeu si l’envie de fumer revient… « Vous ouvrez les yeux et vos autres sens et regardez intensément les choses autour de vous ». Jour J+1, +2, +3,… + 7 mois sans fumer. Oui, on vous a menti : ce n’était pas notre bonne résolution de 2019, mais de 2018. À votre santé.
Les 5 séances d’hypnose en groupe vous coûteront 375 euros (soit 75 euros la séance).
Plus d’infos : https://www.nouvellehypnose.com/