La mode est un langage, la Haute-Couture un fantasme. Viktor & Rolf en ont fait un art anar'.
Donald Potard, spécialiste du secteur du luxe, pose le décor : « le luxe doit choquer. Il ne peut être consensuel. Le luxe, c'est la transgression. S'il cesse de choquer, il disparaît. »
La nouvelle collection Haute-Couture du duo néerlandais interpelle et confronte deux univers : celui des robes à crinolines poussées à leurs superpositions extrêmes - les mannequins devaient entrer sur la scène de la Gaîté Lyrique de profil, assistées de couturiers de l'atelier pour lisser leurs tulles empilés - et des messages de tee-shirts à ados.
Slogans amusants et gentiment punks déjà lus sur les réseaux sociaux, on ne pouvait que jubiler devant le "Sorry I'm late, I didn't want to come", et le paradoxal "Less is More" écrit en caractères de Chupa-Chups sur une robe de princesse savoureusement excessive. Mais au-delà des sourires approbateurs, cette collection pose la question de la place de la subversion dans la Couture - la mode revêtant toujours les premiers postulats des mouvements sociaux - et de son éloquence.
La mode doit-elle parler ?
Les vêtements sont expressifs par nature, et les robes de cette collection statement, avec leurs couleurs bonbon et leur langage fleuri nous amusent et racontent les turpitudes de notre époque. La popularité présumée, les enjeux écologiques, les intérêts égo-centrés, et "la paix dans le monde", parce qu'il fallait bien la suggérer quelque part.
L'ironie sans le cynisme
Sous l'égide de Viktor & Rolf, les robes couleurs d'arc en ciel reprennent les codes d'Alice au Pays des Merveilles, et nous rappellent qu'on est plus souvent ce que l'on montre que ce que l'on dit. Des princesses aux épaules exacerbées, glissées dans des kilomètres de froufrous divins peut-être, mais à la pose indolente pour souligner une pause insolente, si on regarde au bon endroit.
Comme on dit, "la mode ne sauve peut-être pas des vies", mais elle les améliore.
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