On est toujours le vieux (ou le jeune) con de quelqu’un. Dans son magnifique « Changer le sens des rivières», Murielle Magellan met la transmission en perspective, entre générations qui luttent contre et avec classe.

On peut le lire comme un roman initiatique, sans le ronflant des fables donneuses de leçons. Dans ce presque road-trip, puisqu’il se passe sur les routes mais ne quitte pas le Havre, Marie est une jeune fille intelligente mais peu instruite ; curieuse et impulsive, en souffrance latente comme les esprits bridés qui ne savent pas qu’ils peuvent briller, elle se retrouve, le temps de payer sa dette à la société après une altercation, à conduire un vieux juge sans permis à travers la ville. On s’en doute, tous deux se trouveront enrichis, à leurs clichés dépendants, de ce co-voiturage insolite. Mais quand on roule, même en silence, on avance. Dans la vraie vie, ces échanges improbables de sagesse existent aussi, surtout quand on sait les provoquer.