C'était (pour ainsi dire) le premier défilé de cette fashion week à Paris. Une démonstration de créativité radicale, orchestrée avec pertinence et au laser dans des chais : là où le jeune vin prend toute sa robe avec le temps, lui aussi.
Le choix du lieu était déjà osé en soi : Issy-Les-Moulineaux. Cinquante minutes de Paris, pour commencer la journée, avec une enfilade de shows à la suite. Il fallait être motivé, mais tout le monde était là. A raison.
Dans le dédale des voûtes du chais, sombre et froid, des jeux de laser et des lumière ultra-violet
balayaient le déjà-vu qu'on avait pu accumuler ces dernières saisons : Marine Serre a surpris et séduit, secoué les codes. Etoile montante lors de ses études à La Cambre, la jeune créatrice surdouée confirme les espoirs placés en elle par le Prix LVMH notamment : elle ne s'arrête pas au "produit", elle développe un vocabulaire.
Son propos, post-apocalyptique et fondé sur la crise environnementale
se prêtait bien au jeu d'une scénographie "fin du monde en catacombes", puisque les chocs sont toujours la perspective d'un recommencement.
Sa collection de combat, qui hybride des pièces de sport et de soirée, de ville et de science-fiction, est virtuellement destinée à survivre. Dans le monde qui fond (il faisait par ailleurs 22° à Paris, en plein mois de février), et dans la mode qui cherche sa sortie de crise.
Combinaisons spatiales spéciales, combinaisons de super-héros du quotidien
les académiques imprimés qui lui sont chers et les velours psychédéliques taillent sur mesure un vestiaire de film anti-catastrophe, ou du moins, bien habillés.
Marine Serre nous rappelle qu’on ne peut pas ignorer la réalité d’une civilisation en mutation
ni renoncer à notre individualité dans un contexte de mode qui n'en peut plus de repomper sur ses propres amnésies. Elle innove, elle bouscule, et elle tranche. Au laser, évidemment.
© Etienne Tordoir