Solveig Vinamont / Sa cause? La réinsertion des victimes de guerre
Ton engagement au quotidien ? En 2013, j’ai créé avec une amie et ancienne collègue WAPA (War-Affected People’s Association). Notre mission, c’est de réinsérer les ex-enfants soldats, et les victimes de conflits armés dans la société mais aussi de sensibiliser le grand public à cette problématique. À l’époque, certaines personnes disaient qu’on était folles de partir sur le terrain, deux filles en sac à dos dans un pays post-conflit en Afrique… Mais ça ne nous a pas empêchées de nous lancer. Je suis aussi engagée dans ma vie privée : j’implique tout le monde dans mes projets et je pense que certains potes en ont marre d’entendre parler de l’association (rire).
Le déclic ? J’ai fait des études de traduction. Pour mon mémoire, j’avais traduit une partie d’un livre sur les enfants soldats, « Children at War ». Quelques années plus tard, j’ai lu « Le chemin parcouru » d’Ishmael Beah sur le même sujet. Et en refermant le bouquin, je me suis dit « ça suffit ». C’était plus fort que moi, je ne pouvais pas rester les bras croisés et j’ai donc créé WAPA. Dire « c’est dramatique », ce n’était pas assez. J’ai toujours été une indignée : depuis toute petite, je ne sais pas rester inactive face à l’injustice, quelle qu’elle soit. En montant des collectifs, j’ai participé à faire changer une loi pour allonger le congé d’adoption par exemple, ou modifié la circulation près de l’école de mes enfants après le décès d’une maman.
Exercer un boulot engagé, c’est comment ? Je n’ai jamais de mal à me lever le matin. Je fais ce boulot avec tout mon cœur et toute mon énergie, c’est un privilège énorme. La vie est trop courte et demain n’est jamais garanti. Je ne comprends pas comment on peut exercer un job qui ne nous passionne pas au quotidien, rentrer s’occuper des enfants et regarder un film niais le soir avant de tout recommencer le lendemain. Après, ce n’était pas un choix facile. Avant de pouvoir en vivre, on a travaillé bénévolement et enchaîné les boulots purement alimentaires pendant deux ans. Mais je suis convaincue que je suis une meilleure personne parce que je fais ce que j’aime. C’est génial aussi de créer de l’emploi, et pas uniquement le sien. Via les programmes de WAPA, il y a toute une série de personnes qui ont du travail dans le monde.
La séparation vie privée/vie pro ? C’est compliqué vu que les deux sont liées. J’essaie de couper mes journées en deux, d’avoir la casquette « WAPA girl » uniquement pendant mes heures de travail, mais c’est difficile. Je bosse parfois le soir, les week-ends, j’ai toujours cette responsabilité en tête. Lorsque des enfants soldats ou des veuves de guerre me racontent leurs histoires, je suis forcément très impliquée et j’ai du mal à prendre de la distance. Parfois, c’est éprouvant de porter tout ça et je dois évacuer d’une manière ou d’une autre. Le temps fait toujours son œuvre et je me suis aussi mise au yoga. Ça me fait énormément de bien, c’est presque devenu essentiel pour me reconnecter à moi-même.
La relation avec tes collègues ? Elle est très forte. On se bat pour la même cause, on partage les mêmes valeurs et cette envie de changer le monde. Lorsque je lis un texte difficile qui traite des enfants soldats par exemple, j’ai envie de le partager et c’est vers mes collègues que je vais. On se comprend directement.
Un moment marquant ? À chaque fois que l’on part en mission. C’est violent et boostant en même temps. La dernière fois, c’était en Colombie et je ne m’attendais pas à ça. Je ne pensais pas que j’allais autant être bousculée par ce que j’y ai vu. Quand je rencontre des ex-enfants soldats et qu’ils finissent par me serrer dans les bras en me remerciant de me préoccuper d’eux, je n’ai plus de mots. Forcément, ça nous motive, on sait pourquoi on fait ce job au quotidien et on voit les résultats concrets.