Sororité, combats et coups d’éclat. Notre journaliste, Juliette Debruxelles revient sur le destin de femmes qui ont changé la face du monde... Qui était Linda McCartney ?
Mais c’est quoi cette propreté ? C’est quoi ce C.V. impeccable, cette constance, ces jolis engagements exempts de violence et de sang ? Cette carrière de photographe, de chanteuse et de grande prêtresse du « manger sain » ? Un truc qui ressemble à l’ennui ? Même pas, au contraire. Et ce n’est pas parce que Linda McCartney n’a jamais eu besoin d’abîmer sa blondeur en jouant les groupies défoncées – comme pas mal de gens de son milieu en ce temps-là – qu’elle a perdu son temps.
Sa trop courte vie (elle est morte à l’âge de 56 ans) s’est tout de même déroulée aux côtés de l’une des stars les plus respectées du XXe siècle. Un Beatles, un vrai, avec armées de fans au balcon, hystérie collective, chefs-d’œuvre créés et bande de copains décimée par les excès. Un chouette gars, une chouette fille. Voilà.
Au lieu de l’éculé « Sexe, drogue & rock n’ roll », Linda a choisi son claim : « Écologie, végétarisme et vie de famille réussie » (et grosse quantité de marijuana, allez, on pose ça là).
Cette New-Yorkaise pur jus, née en 1941 et élevée dans une famille d’avocats d’affaires, devient photographe pro respectée dans les sixties. Elle capture les plus grandes icônes du moment : les Rolling Stones, Eric Clapton, les Beach Boys, B. B. King, les Who, Otis Redding, Frank Zappa, Jimi Hendrix… Elle rencontre Paul lors d’un shooting des Beatles, à la fin des années 60.
Un jour, au milieu des années 70, le couple arrête tout simplement de manger des animaux morts. Plusieurs versions circulent : l’une prétend qu’ils ont été pris d’une nausée en mangeant un plat à base d’agneau alors que devant eux, par la fenêtre, des moutons étaient en train de vivre leur life dans un champ. L’autre de la bouche même de Paul McCartney, parle davantage d’un déclic. « J’étais en train de pêcher et je me suis dit : “Je suis en train de tuer ce poisson.” Pour moi, le plaisir que cette activité m’apporte est momentané. J’ai pris conscience, en le regardant se débattre pour prendre de l’air, que sa vie était aussi importante pour lui que la mienne l’était pour moi… »
Juste un acte de clémence qui allait prendre bien plus de place dans leur vie que toute autre cause. « Les gens sont aujourd’hui mieux éduqués en ce qui concerne l’alimentation et les avantages à réduire les apports en viande, mais aussi en ce qui concerne l’impact environnemental que cela peut avoir sur la planète. »
Dingue, non, qu’à l’heure de la libération de la parole de la femme et d’amorce de reconnaisse de l’égalité, on cite le mari pour entendre sa femme. Sauf que Linda ne semblait pas être plus bavarde que ça... au début. Ses revendications, elle les exprime en chanson, à travers le groupe Wings qu’ils montent avec Paul en 1971, un an après la séparation des Beatles. Il lui apprend à jouer du clavier, elle écrit et gagne en crédibilité, conservant une forme de discrétion en accord avec sa personnalité (son seul album solo, « Wide Prairie », sera posthume).
Parmi leurs titres, des références fréquentes à leur amour de la nature : « Country Dreamer », « Mary Had a Little Lamb », « Zoo Gang », « Single Pigeon »… Le groupe sera marqué par quelques ébauches de bad buzz, entre le musicien de génie Fela Kuti qui les accuse de piller le patrimoine musical africain en venant enregistrer un album au Nigeria et Paul arrêté au Japon pour avoir transporté un peu de weed dans ses bagages… Rien qui marque les esprits d’aujourd’hui.
Elle élève ses quatre gamins : Heather, Mary, James et Stella (célèbre créatrice de mode, née en 1971, végétarienne et engagée jusqu’à n’utiliser ni fourrure ni cuir dans ses collections. Merci les darons !), réalise des courts-métrages d’animation, vit sa vie sans procuration.
Au début des années 90, alors que la chanson n’est plus au centre de ses principales préoccupations, Linda poursuit ses combats.
Ses photos contribuent à promouvoir le lobby anti-fourrure Lynx, Greenpeace, le Conseil pour la protection de l’Angleterre rurale, les Amis de la Terre, le Great Ormond Street Hospital, People for the Ethical Treatment of Animaux, l’hôpital Hammersmith, association britannique de la dyslexie, hôpital Rye Memorial Hospital et War Child.
Elle devient une pionnière de la cuisine végétarienne et vegane. Elle écrit des livres de cuisine (« Linda McCartney’s Home Cooking » et « Linda’s Kitchen », des best-sellers internationaux), développe une marque de plats cuisinés. Six plats de base, puis 20, puis 40 et une gamme qui s’élargit encore aujourd’hui. Femme d’affaires, OK, mais surtout activiste, elle se réjouit de constater que sa célébrité pousse la cause et encourage d’autres marques à la copier.
Son credo et celui du couple : « Si les abattoirs avaient des vitres, tout le monde arrêterait de consommer de la viande. »
En 1998, elle s’éteint des suites d’un cancer, auprès de son mari dont elle n’avait jamais été séparée une seule nuit durant les trente années d’amour partagées. Elle reste aujourd’hui une des plus grandes figures de la défense des animaux et de l’environnement.
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