Ce 29 avril, Dior dévoilait sa collection croisière 2020, la “cruise” comme disent les initiés. Pour l’occasion, 800 personnalités de la mode se sont envolées pour Marrakech à la rencontre des artisans africains. Ce show s’inscrit dans un moment particulier du calendrier de la mode, en marge des fashion weeks… entre deux saisons. Et c’est précisément là que réside la fonction de la collection croisière. On vous explique.
La collection croisière hors du temps
Dans les années 20, les collections “cruise” ou “resort” font leur apparition pour satisfaire la riche clientèle américaine qui désire trouver une garde-robe adéquate pour ses voyages d’hiver. Aujourd’hui, ces collections se sont transformées en véritables opportunités commerciales car elles restent huit mois en boutique (en automne et au printemps) ! Elles sont donc très importantes en termes de chiffre d’affaires, c’est ce qui explique l’investissement des marques dans ces shows démesurés, également désireuses de maintenir l’esprit “voyage”. Ces rendez-vous sont de véritables mini-fashion weeks à la visibilité énorme sur les réseaux sociaux, réservés à certains happy few. Cette année, le ELLE.be était à Marrakech pour un week-end enchanteur qui rappelle à quel point luxe et créativité peuvent être les architectes du rêve.
Un voyage mémorable
Deux jours intenses qui commencent par l’avion Dior. Rien que ça. La presse est traitée aux petits oignons, répartie dans les différents palaces de la ville marocaine. Le temps de faire le tour de notre suite au Es Saadi Palace, de prendre une petite douche et notre chauffeur nous emmène au Palais Bahia, au coeur de la Medina pour le premier dîner orchestré, comme le show d’ailleurs, par le célèbre bureau Betak. Nous parcourons le dédale de mosaïques de ce chef d’oeuvre de l’architecture islamique pour y découvrir des pièces Dior iconiques.
Sur 8.000 m2, cet emblème de la culture mauresque bâti au XIXe siècle nous accueille dans ses couloirs et cours intérieures, ce qui marque le début de l’enchantement. Nous rejoignons le patio bleu et blanc, jonché de centaines de lanternes pour arriver à notre table. Et quelle surprise ! L’ensemble du service a été spécialement conçu pour l’événement: les assiettes en terre cuite sont signées “Christian Dior 29.04.19”.
Le programme du lendemain est consacré à Yves Saint Laurent. “Présenter la collection croisière 2020 à Marrakech est une manière de se laisser guider par la mémoire de la Maison et du premier successeur de Christian Dior, Yves Saint Laurent, natif d’Oran, fasciné par le Maroc” annonce la marque. Nous commençons par une visite de la maison du créateur, la Villa Oasis, un moment exclusif car elle n’est pas accessible au public. Du jardin de la maison, une petite porte nous mène directement au Jardin Majorelle. Nous terminons la matinée avec le musée Saint Laurent. Pour le lunch, c’est la villa Addi qui nous ouvre ses porte pour un repas “en toute décontraction” (la décontraction selon Dior) dans la palmeraie et imaginé par le chef de la Mamounia. Il fait chaud, 38 degrés quand même, mais on ne boude pas son plaisir.
L’après-midi est consacré aux interviews des différentes personnes qui ont participé au défilé, le lieu est donc confirmé, à 20h nous avons rendez-vous au palais El Badi, édifié par le sultan Ahmed al-Mansur Dhahbî au 16e siècle.
Un lieu démesuré dont l’esplanade creusée de jardins déborde d’une végétation luxuriante. À 20h donc, nous avons rendez-vous avec l’objet même de ce voyage, 113 silhouettes extrêmement travaillées qui rendent hommage à l’Afrique…
Dior met en avant les artisans
La scénographie laisse place au savoir-faire de l’association Sumano qui fait vivre la tradition artisanale des femmes issues de tribus marocaines à travers ses tissus et céramiques (elles ont également réalisé les assiettes du dîner). Le cadre est authentique et laisse place à l’émotion qui se manifeste dès l’apparition des premières silhouettes sur le catwalk.
La toile de Jouy revisitée en wax est certainement la plus belle idée qui symbolise à merveille le message profond de la collection. Maria Grazia Chiuri n’est pas tombée dans le piège de l’appropriation culturelle, mais a, au contraire, offert un lieu d’expression à des acteurs clés de la mode en Afrique.
Ainsi, le wax est produit par l’entreprise Uniwax, fondée à Abidjan. C’est une des dernières usines à fabriquer ce tissu de façon traditionnelle à partir de techniques artisanales. “Uniwax défend la créativité africaine et son patrimoine culturel. C’est aujourd’hui l’une des rares entreprises à soutenir et à produire des articles de mode africaine. Comme le veut la tradition, les liserés des tissus créés pour Dior portent l’inscription de leur origine : Édition Spéciale Christian Dior – Uniwax” précise la marque.
Le créateur Pathé’O (Pathé Ouédraogo), célèbre pour ses chemises chamarrées portées par Nelson Mandela, est un des pionniers du prêt-à-porter africain. Il apporte son savoir-faire à travers une chemise exclusive qui rend hommage au président Sud-Africain.
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Remembering Nelson Mandela with Mr Pathe O for the Dior Cruise show in Marrakech
La gagnante du prix LVMH 2016, Grace Wales et l’artiste afro-américaine Mickalene Thomas, ont réinterprété le look iconique du New Look, la veste Bar et la jupe midi dans un esprit tailoring rétro flamboyant:
Une centaine de silhouettes tranquilles et sereines se sont promenées dans les cours d’un Palais des Mille et une Nuits pour nous faire vivre pendant quelques minutes (le temps d’enfiler sa plus belle robe, finalement) le rêve de Shéhérazade. Un voyage onirique ou authentique, n’est-ce pas ça finalement la véritable utilité d’une collection croisière ?