À 51 ans, Céline Dion est en pleine mue : alors qu’elle vient de tirer un trait sur plus de quinze années de shows à Las Vegas, la diva québécoise, plus branchée que jamais, se réinvente en star d’Instagram, rejoint l’équipe des ambassadrices l’Oréal et peaufine un nouvel album qui s’annonce explosif. Parcours de vie, gestion du dressing, « empowerment » au féminin... en exclusivité, elle se confie à ELLE.
Céline Dion danse. Ses longs bras se soulèvent en arrondi au-dessus de sa tête, entraînant la cape de tulle évanescente de sa mini-robe Dior Haute Couture. Le corps, d’une minceur extrême mais musclé et bronzé, n’a rien de chétif. Dans la lumière des spots, elle danse, depuis plus de quatre heures, et malgré son flegme britannique, même le photographe Tom Munro semble épaté de tant d’énergie. Si Céline bouge, ce n’est pas parce qu’on le lui a demandé, c’est parce qu’elle est comme ça, une showgirl qui prend possession de la scène, une femme habitée par la musique, qui connaît par cœur et chante les paroles de toutes les chansons que Pépé Munoz, son confident (pur beau gosse), enchaîne en bande-son du shooting. Il n’y a guère que lorsqu’elle change de tenue qu’elle s’octroie une courte pause. L’assistant « eau de coco » s’approche, Céline aspire une gorgée à la paille, l’assistant « mèche à pousser sur le côté » et l’assistant « lipstick » lui succèdent, « We Will Rock You » retentit dans le studio et la chanteuse reprend sa place, cambrée, tapant du stiletto sur le sol, lançant des coups de poing dans l’air, Freddie Mercury en combinaison Alexandre Vauthier Couture pailletée vert vif.
Je me tiens parmi la vingtaine de silhouettes immobiles qui la regardent du fond du studio, fascinées, et soudain, je comprends qu’on a eu bien tort de s’étonner, ces derniers mois, de la trouver changée. Cette femme si menue n’est que force et mouvement. Céline Dion nous parle de sa nouvelle vie.
Interview de Céline Dion
Trois ans après le départ de René, comment votre deuil a-t-il évolué ? Est-ce que la douceur du souvenir a réussi à prendre le pas sur le chagrin ?
Ça évolue chaque jour, c’est sûr que c’est difficile, j’ai perdu l’homme de ma vie... (elle marque une pause, émue, puis se reprend). Mais je veux vous dire que ça va super bien parce que je vois mon mari tous les jours à travers les yeux de mes enfants. J’ai trois garçons extraordinaires, alors il vit toujours, d’une autre façon, il m’habite, il chante avec moi, je sais qu’il est toujours là.
On vous sent sur un chemin vers plus de légèreté et d’audace. Ça m’a fait penser à la phrase d’une humoriste française célèbre, Florence Foresti : « 50 ans, c’est l’adolescence avec une carte bleue. » Est-ce ce que vous vivez en ce moment ?
(Céline rit) À 51 ans... c’est comme si je recommençais. Alors j’ai un an ! Et plein de projets : j’ai trois enfants, dont un ado de 18 ans qui est superbe, des jumeaux de huit ans et demi, je fais des spectacles, des albums, des fashion weeks, je vais à Paris, dans les musées... Je me permets enfin de découvrir la vie. Quand j’étais un peu plus jeune, je ne faisais que m’entraîner, mes cordes vocales menaient ma vie. J’étais juste... chanteuse. Maintenant, je suis une femme qui s’assume, en pleine découverte de ce qu’elle a envie de faire. Il n’est jamais trop tard pour commencer et aujourd’hui, j’ai l’impression d’être au summum de ma vie !
Qu’est-ce que dirait cette femme accomplie à la petite Céline qui était harcelée à l’école ?
Je lui dirais: «Accroche-toi, ça va aller ! » L’image qui me vient en tête, c’est Vanessa Paradis, qui était mon idole. Elle portait des jeans et des T-shirts décolletés, moi j’étais très complexée, couverte jusqu’au cou. C’est drôle, maintenant, je me découvre de plus en plus ! Le harcèlement peut commencer très tôt, et les conséquences sont terribles. Il faut parler et il faut que l’entourage soit attentif, car les jeunes qui sont victimes ne vont pas nécessairement aller vers les autres. C’est à nous, parents, amis, enseignants de garder les yeux et le cœur ouverts. S’il y a des changements dans la nourriture, dans les habitudes, une perte de cheveux, une façon de se retirer... Il faut aller vers cette personne et poser des questions, creuser, aller au plus profond.
C’était le cas pour vous ? Vos parents ont-ils pu voir votre malaise ?
Moi, j’étais gênée d’en parler. Donc ils n’ont pas vu, ils avaient trop à faire à la maison. Mais avec treize frères et sœurs aimants, quand je rentrais le soir, je reprenais courage. J’étais la dernière, un peu leur chouchou... et je le suis toujours d’ailleurs ! (Elle rit)
Est-ce que, avec le recul, vous trouvez que vous avez trop travaillé depuis votre adolescence ?
Non, je n’ai aucun regret, je referais tout pareil. J’ai eu la chance de rencontrer l’homme de ma vie très tôt, je n’en ai eu qu’un seul dans toute ma vie, mais bingo ! J’ai gagné le jackpot avant même de venir à Vegas ! J’ai vécu une vie extraordinaire avec lui, il m’a donné du bagage pour le restant de ma vie, trois enfants exceptionnels et trois beaux-enfants merveilleux.
Croyez-vous vraiment, comme vous le chantiez, qu’« on ne change pas ? »
On peut corriger des choses, on a tous des petites failles, et nos amis sont aussi là pour nous mettre en garde, mais au fond de soi, l’enfant qui nous habite, c’est le même. On s’invente des personnages. Regardez-moi, aujourd’hui, avec mon bronzage et mes beaux habits. J’ai des talons, des boucles d’oreilles qui brillent, toute la journée je fais des photos, mais quand je rentrerai tout à l’heure, ce sera de nouveau maman avec son pyjama !
Haute couture quand même, le pyjama ?
(Céline éclate de rire) Évidemment ! Rien de moins !
Avez-vous des vêtements fétiches, des « doudous » vestimentaires dont vous ne vous séparerez jamais ?
Là, vous touchez un problème... planétaire ! Je n’ai que ça ! Je m’accroche à tout ! J’aime tout ce que je possède, parce que c’est attaché à un moment particulier de ma vie. Alors je garde tout. J’ai des gens qui notent pour moi ce que je portais pour tel ou tel événement, heureusement ! Je suis obligée d’avoir des endroits protégés pour stocker chaque vêtement porté depuis le premier jour de ma carrière. Rien ne manque !
Et s’il y en a autant, c’est parce que vous ne vous faites pas prêter des pièces. Vous les achetez, n’est-ce pas ?
De temps en temps, des gens gentils veulent me prêter des choses, mais après le spectacle je les appelle pour leur demander si je peux acheter le prototype. Ils répondent : « Non, on va vous en faire une robe sur mesure. » Mais moi, je réponds que ça ne sera jamais la même chose, que c’est le prototype que je veux acheter !
Question de « torture fashion » : si vous ne deviez garder que trois choses de votre garde-robe ce serait quoi ?
Ah, c’est cruel, mais OK... La première robe que ma mère m’a faite elle-même, bleu ciel avec des petites fleurs blanches, pour le mariage de mon frère Michel qui est aussi mon parrain. Je garderais ma robe de mariée, bien sûr, et la petite robe noire que je portais aux funérailles de mon mari. Il l’adorait.
Vous devenez ambassadrice de l’Oréal et on imagine que ça n‘est pas par appât du gain (la fortune de Céline Dion est évaluée à 400 millions$, NDLR)... Qu’est-ce qui vous a décidée ?
Déjà, je n’aurais jamais imaginé qu’une maison si connue et si ancienne pense à moi, car il faut voir qui sont les femmes à qui ils font appel ! Sublimes... et engagées en plus. Je me suis dit : « Bon, ma vie a redémarré à 50 ans, je me sens forte, je me sens bien, je me sens belle, sans prétention et c’est un tel honneur pour moi, pour mes amis, pour mes enfants, pour mon avenir. » J’ai pensé : « J’ai du faire quelque chose de bien pour que ça m’arrive... » Une chose pareille ne se refuse pas !
Vous ne vous rendez pas compte que vous êtes un modèle pour les femmes ?
Je n’y pense jamais, mais je me dis que mon exemple peut montrer qu’on peut être artiste et aussi mère, adorer la mode, s’amuser, mais sans faire de trop grosses folies... Je ne dirais pas que je me fiche de ce qu’on pense de moi, mais au point où j’en suis de ma vie, je crois que je peux me permettre de prendre des décisions et d’assumer mes choix. Dire aux autres femmes qu’elles aussi ont de la valeur, qu’elles sont fortes, c’est évidemment essentiel et c’est le message de l’Oréal.
Que diriez-vous aux femmes qui manquent de confiance en elles ?
Qu’on a deux choix : ou la vie passe devant nous ou bien on passe dans la vie... J’ai l’exemple de ma mère qui a élevé 14 enfants, mais n’a jamais pu aller à l’école ni choisir de faire autre chose. Nous avons la chance de vivre une époque où les femmes ont enfin la possibilité de trouver leur voie... Nous devons toutes essayer d’aller chercher à l’intérieur de nous-mêmes la force de montrer qui nous sommes. Je suis convaincue qu’il y a en chacune de nous quelque chose qui n’a jamais été dit, fait, un rêve qui n’a jamais été accompli, quel qu’il soit.
Qu’est-ce qu’on a pourrait conseiller aux femmes comme bande-son pour trouver de la force ?
(Céline chante, très fort) : R.E.S.P.E.C.T., respect yourself !
Vous avez une grosse base de fans LGBT, vous avez lancé une collection pour enfants unisexe chez Nununu. Vous considérez-vous comme une militante ?
Militante, je n’aurais pas cette prétention-là. Mais le monde change, et les stéréotypes continuent à faire tant de dégâts chez les gens... Tant de morts, même... Il faut laisser chacun se trouver, s’aimer tel qu’il est ! Et accepter les gens qui ne sont pas comme nous, ils ont tant de choses à nous apprendre !
Vous êtes devenue une star sur Instagram, votre nouveau look plus pointu a renouvelé et rajeuni votre public, mais comme souvent sur les réseaux sociaux, les commentaires sont parfois cruels. Les lisez-vous ?
(Céline chante) « Free your mind and the rest will follow ! » Non je ne regarde pas, mais mon équipe le fait, ils sont tout le temps sur leurs écrans ! Ils sont jeunes, Instagram, c’est leur génération et j’adore suivre leurs conseils. Je considère la mode comme un art, et c’est une part très importante de mon travail, notamment sur scène. Les vêtements vous aident à vous sentir forte, romantique, conquérante, selon les chansons que l’on doit interpréter.
Êtes-vous nostalgique de quitter Las Vegas, où vous avez triomphé pendant 16 ans, alors que c’était un vrai pari au départ, la ville étant tout sauf branchée quand vous avez commencé votre show en 2003 ?
Il y a quelque chose de doux-amer à quitter le Caesar Palace, c’est sûr... À l’époque, je devais rester deux mois, puis deux ans, et je suis toujours là ! C’était notre rêve avec René, mes jumeaux sont nés là, René Charles n’avait qu’un an et demi quand j’ai commencé, donc il y a tous ces souvenirs... Un chapitre se ferme, mais je vais peut-être continuer à vivre à Vegas, à défaut d’y travailler.
On murmure que votre prochain album se fera en collaboration avec David Guetta, pouvez-vous nous en parler ?
(Celine Dion rit) Bien essayé ! Mais malheureusement, je ne peux rien vous dire parce que rien n’est encore décidé. J’ai dû recevoir 675 chansons... et j’ai envie de toutes les enregistrer. Je suis encore plus heureuse de faire des disques maintenant, car je suis plus impliquée dans mes projets que jamais. L’énergie et l’envie d’avancer sont là, mais j’ai besoin de temps, rien d’étonnant puisque je vous l’ai dit... j’ai un an !
Maquillage : Val Garland. Fond de teint, 24H Fresh Wear Infaillible More Than. Anticernes, Unbelieva Brow. Paradise Extatic Mascara. La Petite Palette Nudist, Glow mon Amour. Gouttes illuminatrices, Color Riche. Shine Lipstick 657, le tout par L’Oréal Paris.
Coiffure : Stéphane Lancien avec la brume Stylista Beach Wave, Elnett Satin. Luminize, Stylista Short Hair Styling. Gel, Extraordinary Oil, le tout par L’Oréal Paris.
Photos: Tom Munro. Assistant : Thomas Hill. Stylisme : Charles Varenne. Assistant : Cody Allen. Coiffure : Stéphane Lancien pour L’Oréal Paris. Maquillage : Val Garland pour L’Oréal Paris. Manicure : Tiffany Walker. Céline Dion était assistée de ses stylistes personnels Pépé Munoz et Shirley Lopez.
Éditeur de célébrités internationales : Virginie Dolata. Production : Ben Bonnet pour Westy Production.
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