Nicolas Degennes est le directeur artistique maquillage et couleurs de Givenchy Beauté. Un joyeux touche-à-tout, boulimique de travail et de création. Interview confession après vingt ans de Maison.

– Vingt ans de carrière chez Givenchy ce n’est pas rien, quand vous regardez dans le rétroviseur quel mot vous vient à l’esprit ?

Déjà, ce n’est pas mon genre de regarder dans le rétro mais je dirais que le mot qui me vient à l’esprit c’est : fidèle. Fidèle à une marque, à moi-même, à mes rêves, aux femmes, à Audrey Hepburn et à Hubert de Givenchy bien sûr.

– Et si c’était à refaire ? Des regrets ?

Je n’ai pas de regrets concernant ma carrière chez Givenchy. Il y a peut-être dans personnes que j’aurais souhaité ne pas rencontrer (rires) mais c’est comme ça. Avec mon regard d’aujourd’hui, l’expérience, la connaissance et l’audace que j’ai acquise au cours des ans, je me dis que j’aurais dû faire certaines choses plus rapidement mais à l’époque, j’étais plus timide et réservé.

– Qu’est-ce qui vous plait toujours autant dans votre travail ? 

La raison pour laquelle je me lève tous les matins c’est l‘évolution perpétuelle de mon travail, mon envie de grandir, d’apprendre encore, de voyager, de rencontrer des personnes intéressantes et d’élaborer de nouveaux produits. J’ai envie de demain car hier n’a pas beaucoup d’importance aujourd’hui. Ma passion n’a pas de fin et c’est tant mieux. J’aime toujours autant créer, raconter des histoires et les partager. Faire ce qui n’a pas encore été fait. Ce qui m’intéresse c’est le challenge. Sinon, je m’ennuierais à mourir.

Aujourd’hui, tout va plus vite. Le consommateur n’est plus le même, la concurrence non plus et les axes de distribution ont changés. Il faut accompagner le changement, c’est un vrai travail, ça ne se fait pas en un claquement de doigts, ça demande d’opérer des ruptures qui sont parfois extrêment dures mais il faut les voir comme un passage de vie. Il faut aimer les échecs car si on ne les comprend pas, on ne comprend pas sa réussite. Il faut les analyser, les comprendre et les assumer mais il ne faut surtout pas en avoir peur.

– Justement, quels ont été vos plus grands challenges chez Givenchy ?

Le plus dingue c’est tout d’abord d’avoir signé avec eux (rires). Ensuite, d’avoir retravaillé la collection “Miroir” et enfin, le plus fou de ma part, et de la leur, c’était de penser que j’avais la capacité de changer une Maison et d’inventer une ligne qui allait s’appeller Givenchy Make-Up car ce que j’ai proposé sortait complètement des codes originels.

J’ai relancé la marque à travers le maquillage qui, quand je suis arrivé, totalisait 5 à 10% du chiffre d’affaires et qui, aujourd’hui, en représente 55%. Ce créateur un peu fou c’est moi tout entier. J’ai toujours été comme ça. J’ai toujours eu cette force en moi.

A 16 ans, j’ai annoncé à mes parents que je voulais me barrer et je suis parti. J’ai eu l’énorme chance dans la vie de faire ce que je voulais quand je le voulais. C’est un peu ma marque de fabrique. Maintenant, avec l’âge, j’ai gagné en sagesse et j’utilise cette force à bon escient ce qui n’a pas toujours été le cas à mes débuts.

– Vous êtes un innovateur. Cette inspiration, vous la trouvez dans la vie quotidienne ou plutôt en prenant du recul ?

Les deux. J’ai besoin d’un mouvement permanent, je suis incapable de m’arrêter sauf quand – et ça fait beaucoup rire ceux qui me connaissent – je prends en main un aspirateur et que je commence à faire le ménage. Là, j’arrive à me vider la tête, à me concentrer sur les toiles d’araignées. Mais dès que j’éteins l’appareil, tout me revient en mémoire vitesse grand V et je repars de plus belle.

Portrait de Nicolas Degennes pour Givenchy.

– Quels sont les attentes des femmes en cosmétiques aujourd’hui ?

Elles sont plus curieuses. Elles ont envie d’être rassurées avec un discours honnête et c’est ce que j’essaie de leur donner à travers le maquillage Givenchy.

Demain, je pense qu’elles attendront aussi plus d’éthique de la part de grandes marques comme nous. En réalité, cela fait très longtemps que l’on travaille sur l’éthique des produits seulement, on ne communiquait pas dessus mais ça va changer rapidemment. On a une liste en interne sur les ingrédients que l’on ne veut plus utiliser dans la fabrication de nos produits et cette black list va plus loin que ce qui nous est légalement imposé. Je pense que c’est ce que les consommatrices attendent de nous.

– Quand vous êtes face à un visage à maquiller, par quoi commencez-vous ?

Je commence toujours par un massage et souvent, je ferme les yeux. Je palpe et j’essaie de comprendre ce qui se passe sous mes doigts, comment les muscles fonctionnent. J’ai aussi besoin de ressentir si la personne se sent en confiance ou pas.

A partir de ces infos, je commence à travailler et je vais réaliser un maquillage plus léger si je sens de la résistence ou au contraire quelque chose de plus intense si j’ai réussi à gagner sa confiance. Ce sont de beaux moments de partage car je deviens en quelque sorte leur miroir et ça me plait beaucoup d’être le miroir d’une personne.

– Givenchy est une marque prestigieuse avec un héritage fort grâce au souvenir d’un fondateur charismatique. Est-ce un plus ou un frein pour faire perdurer la marque et la moderniser ?

C’est un plus, plus, plus car votre ADN, vos racines sont ancrées très profondément. Je dirais que Givenchy m’a changé dans ma façon de voir les choses mais que j’ai également changé Givenchy dans sa façon d’appréhender le maquillage. C’est finalement un échange qui est extrêmement intéressant et qui pousse les deux parties toujours plus loin.

Nos personnalités, nos philosophies sont respectées, chacune à leur façon et je dois avouer que ce respect-là, après vingt ans, est quelque chose d’unique. Je ne laisserais ma place à personne et pour rien au monde.

SHOPPING 

A LIRE AUSSI 

Interview exclusive: Céline Dion se confie sur sa renaissance après René

Les mecs de la rédac testent le maquillage pour homme de Chanel (VIDEO)