Dans le film « Le Coup de Siècle »*, Anne Hathaway et Rebel Wilson endossent le rôle de deux délicieuses arnaqueuses, qui s’infiltrent dans la compassion pour monter leurs coups, avec passion. Ça vous fait rire, mais valez vous mieux qu’elles ?
Ces deux belles plantes, une brune, une blonde, reprennent les rôles de Steve Martin et Michael Caine, dans ce remake du "Plus escroc des deux", 1988. Signe des temps, ce sont des filles qui incarnent la débrouille et les embrouilles, arguant que les hommes leur offrent une marge de manœuvre parce qu’ils n’imaginent pas qu’une femme puisse être aussi intelligente qu’eux. Bad ass, ton univers impitoyable, elles jouent à l’oiseau tombé du nid pour berner le chat. Ce n’est certes pas un tuto à suivre, mais il y a des leçons à en tirer : rester ingénue ou s’assumer mignonne sans vergogne ?
En amour
Vous ne vous sentez pas concernée par l’arnaque aux sentiments, parce vous êtes toujours sincère et vraie. Demandez à votre ex-mari, il confirmera, et son avocat aussi.
Analysons :
Dans ce film, subtile mise en abîme sociologique des interactions amoureuses mises en perspective avec la pyramide des besoins de Maslow (sécurité, estime de soi, Deliveroo, tout ça), Anne Hathaway et Rebel Wilson n’ont d’autre choix que de jouer sur la corde sensible des millionnaires, pour se sortir de leur condition de filles banales issues de la classe moyenne, le ciel et les arc-en-ciel à paillettes nous en préservent. Vous jugez, mais peut-être bien que vous les enviez. Soyons honnêtes deux minutes : ce petit dernier qui est arrivé par surprise après dix-sept ans de mariage, alors que votre époux légitime allait de plus en plus souvent « au tennis » jusqu’à deux heures du matin, ce bébé ravissant remettant un mari dévoué H24 au milieu du salon conjugal, ce n’est pas tellement différent, si ?
La conclusion qui s’impose :
Ajoutons à cela la bague en émeraude bien méritée, et le contrat de mariage re-verrouillé, ça valait bien une ou deux vergetures sur le tard. D’autant qu’à peine remise de votre épisio, vous avez recommencé à chasser sur Gleeden ou Tinder, photoshoppée, bien déterminée à choper. Dans la vraie vie ça ne s’appelle pas entourlouper un millionnaire, mais faire un bon mariage bourgeois.
En amitié
Vous dites tout à vos amis. C’est même la base de votre relative santé mentale. La moitié du pays a donc des dossiers sur vous, mais vous vous en fichez : au pire, vous écrirez vos mémoires pour damer le pion aux bavards.
Analysons :
Les filles de cette comédie à regarder en mangeant de la glace, s’appuient sur leurs talents particuliers pour s’enseigner réciproquement l’art de manier les armes et le charme. Au cinéma, ça fait rêver. Mais en vrai, manipuler ses potes (vous appelez plus volontiers cet exercice « communiquer de façon productive »), ça vous est plusieurs fois retombé sur le museau : promettre de se revoir bientôt quand on n’en pense pas un mot, courtiser une relation qui peut vous pousser professionnellement (elle finira par le faire, dans les escaliers, quand elle aura capté votre petit jeu), ou inviter à dîner une copine bombasse pour rameuter les trois derniers célibataires de Bruxelles qui ne soient ni chômeurs ni alcooliques, en espérant en emballer un dans la confusion, et finir seule à remplir le lave-vaisselle.
La conclusion qui s’impose :
N’est-ce pas la définition de l’amitié ? Pourvoir s’appuyer les unes sur les autres. Ce n’est pas votre faute si parfois, vous faites ployer vos bonnes intentions sous le poids de votre ego.
Au boulot
Le terrain où tout est permis : le bureau, le studio, le resto ou quel que soit votre environnement professionnel, ce qui vous nourrit mérite toute votre attention.
Analysons :
Nous n’évoquerons pas l’impression mensuelles de tous vos documents persos (cinq cents pages au bas mot, en couleur évidemment), les appels à l’étranger, ou l’emprunt occasionnel de papier toilette quand vous finissez tard (16h) et qu’il n’y en a plus à la maison. Votre roublardise appliquée au travail tient du subtil équilibre entre avoir l’air de bûcher et ne rigoureusement rien ficher en surfant sur Internet. Vous appelez ça « vous documenter ». Déjà que pour en arriver là, vous avez dû améliorer un peu votre CV, transformant un stage en entreprise non rémunéré en CDI de cinq ans, un week-end à Milan en « Italien couramment », et le visionnage de Gossip Girl, deux fois, en « master de psychologie et communication à New York ».
La conclusion qui s’impose :
Vos compétences s’appliquent tant au relationnel qu’à l’opérationnel. Mytho de haut vol, vous excellez dans les carrières de relations publiques. Certes, pour rouler votre bosse, vous avez dû légèrement rouler votre boss. Désormais cheffe d’entreprise à votre tour, vous allez très vite expérimenter la notion de karma. Qui commence par des journées de seize heures, et des factures de charges sociales qui frôlent le PIB de la Suisse.
En famille
C’est bien le seul espace où l’on peut être soi, où l’on ne ment pas.
Analysons :
Maintenant que vous fini de rire et que vous reprenez votre souffle, revenons sur les bases de cette décontractante assertion. La famille, c’est l’école fondamentale de l’escroquerie relationnelle. Crises de larmes au rayon bonbons à 2 ans, câlins enjôleurs pour une Playstation à 4 ans, promesses de promener le chien sous la pluie tous les jours à 12 ans, incompréhension totale face à ce paquet de cigarette oublié dans une poche de jean à 16 ans, mais je te jure, c’est pas à moi. Dans le film, Anne Hathaway et Rebel Wilson n’hésitent pas à utiliser leurs familles pour attendrir le tendre cœur de leurs pigeons. Mais attention : au bonneteau de la famille, ce n’est pas toujours qui l’on croit qui finit par se faire plumer.
La conclusion qui s’impose :
La pomme ne tombe jamais très loin de l’arbre, surtout si c’est un poirier.
Sur les réseaux sociaux
A l’instar de nos truculentes héroïnes, vous avez très tôt appris à mettre vos meilleurs arguments en avant, quitte à surtaguer légèrement la réalité.
Analysons :
Sur les sites de drague, vous affichez comme tout le monde cinq ans et cinq kilos de moins. Partout ailleurs sur la toile, votre vie est identiquement repimpée : décors radieux au soleil couchant – qui a besoin de voir le local à poubelles à côté ? Regard mutin et fossettes creusées – vous aspirez vos joues entre vos molaires jusqu’au sang, et vos yeux brillent parce que ça fait mal. Mais vous êtes populaire, et les followers que vous avez acheté semblent sincèrement vous aimer. Comment savoir si vous n’avez pas fini par vous escroquer vous-même ? Coupez votre 4G, et comptez ceux qui continuent à vous appeler. Ce sont ceux pour qui vous comptez.
La conclusion qui s’impose :
La course aux filtres, c’est objectivement utile. Mais méfiez-vous : ça pourrait, incidemment, aboutir à découvrir un filtre d’amour. Vous venez de connecter avec l’art de ne pas s’en foutre, et ça fait du bien aussi, en toute honnêteté.
*Sortie le 17/07