Chanteuse, auteure, compositrice, auto-manager, mannequin et ex-candidate de la Nouvelle Star, Yseult est une artiste qui révolutionne et se révolutionne au quotidien. Croisée juste après son show enflammé aux Ardentes, on a causé de Bruxelles vie, d’art et de business, de dépression, de faux et de nouveaux départs… Rencontre.

Elle fait partie de celles qui donnent à la musique urbaine des airs de chanson française, celles qui font bouger les choses en faisant bouger les foules, celles qui kickent les cases dans lesquelles on les enferme, celles qui n’ont pas peur de parler tout haut et de rire un peu trop fort. Découvrez notre grand entretien avec Yseult, celle qui tel un phoenix, renait une nouvelle fois de ses cendres.

 

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Tu as ouvert le festival des Ardentes à Liège cette année, comment ça s’est passé ? 

C’était une grande première et une date importante. Plus qu’une ouverture de festival, ce concert marque aussi un nouveau départ et ma nouvelle vie en Belgique. C’est un tournant artistique, mais aussi un virage dans ma tête et dans mon corps. J’avoue que ça m’émeut un peu. Puis sur scène j’ai fait un show énervé devant un public très bienveillant. C’est rare. Cette date va rester gravée dans ma mémoire. 

C’est vrai, aujourd’hui tu as infiltré Bruxelles et la nouvelle scène urbaine belge 

J’ai débarqué à Bruxelles avec ma mentalité de parisienne hyper snobe, aigrie et frustrée de la life parce que j’étais vraiment mal à cette époque. Et pourtant, j’ai rencontré des personnes qui n’ont rien lâché et qui ont tout fait pour que je m’intègre dans leur groupe. Pour moi qui suis très solitaire, c’est tout nouveau. Je pense que depuis la maternelle, c’est la première fois que je peux dire que j’ai un groupe d’amis ! Aujourd’hui, grâce à eux, je me reconstruis, j’oublie d’être une vieille aigrie de Paris et j’apprends à faire plus confiance aux gens (rires).

Donc ta chanson “Rien à prouver”, c’était un cri du coeur avant de tourner la page et de changer de vie? 

Yes ! Aujourd’hui, je bosse avec qui je veux, je me tape des barres toute la journée, je n’ai pas eu de crises de nerfs ni fait de dépression depuis l’an dernier. Tout va hyper bien, tout est fluide et je me sens enfin en phase avec ma musique

D’ailleurs dans ce titre tu chantes : “D’après mon père je vendrais mon ul-c” et à l’époque de la nouvelle star déjà, tu disais qu’il n’appréciait pas que tu l’ouvres. Aujourd’hui, il deal comment avec ta vie d’artiste? 

Je pense qu’aujourd’hui ma famille est fière de moi et voit que j’avance. Je me suis déjà beaucoup perdue, mais j’ai toujours rebondi. Depuis que je produis et gère tout moi-même, ils ont moins peur pour moi. J’ai créé ma société, mon label, j’ai une équipe, je fais des choix, je paye et je gère ! 

Du coup maintenant t’es artiste et businesswoman ? 

Oui, mais c’est hyper compliqué parce que je n’ai que 24 ans. Avant je ne savais pas remplir un contrat de réalisation. Je me suis rendue compte que je ne savais même plus ce qu’était la TVA par exemple (rires). Cette double casquette, c’est un apprentissage de tous les jours. Je sais que c’est dangereux d’être à la fois l’artiste et la manager, mais qui pourrait porter mon projet mieux que moi ? 

Après les drifts, les pièges et les faux départs, qui est la Yseult que j’ai en face de moi ? 

Je dirai un point d’interrogation. Je ne me suis pas encore trouvée. Je n’ai pas pu répondre à certaines questions… peut-être parce que je ne suis pas encore prête à creuser trop profondément en ce moment… Je ne sais donc pas encore qui je suis, mais je sais où je vais et je sais ce que je ne veux plus ! 

Et musicalement, quelle artiste es-tu aujourd’hui ? 

Je dirai que je suis une meuf de la variété française qui s’est faite happer par la trap et toute la vibe urbaine. Au départ j’étais en mode : “Non laissez-moi tranquille. J’aime bien Jenifer et Matt Pokora.” Puis je me suis résignée en me disant que je pouvais naviguer entre ces deux styles (rires). 

 

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On t’a souvent mise dans des cases comme celle de la “jeune femme noire et ronde”. Pas trop marre des étiquettes ? 

Quand j’ai sorti mon EP à 18 ans je ne comprenais pas beaucoup de choses. Puis j’ai fait une campagne ASOS, un édito pour Vogue, j’ai commencé à signer dans des agences de mannequinat hyper connues et ma vision a changé. Ma couleur de peau que je critiquais H24 parce que je ne l’assumais pas dans une société où on me faisait comprendre qu’elle était bizarrement pas à la mode, mon corps que je détestais, toutes ces choses qui me complexaient sont devenues mes plus grandes forces. On a besoin d’artistes grosses et noires dans la pop française. Bravo à Aya Nakamura et Shay d’avoir ouvert la voie, vraiment thanks girls ! Moi aussi je débarque une size au-dessus et plus énervée que jamais (rires). 

Sur ce, le mouvement bodypositif, t’en penses quoi ? 

Ça me soule ! (rires) Le problème avec le bodypositivisme, c’est qu’un groupe de personnes – les filles rondes en l’occurrence – se l’est accaparé. Du coup aujourd’hui, ça veut dire que si ma cousine qui fait un 34 veut poster une photo d’elle au naturel, elle ne peut pas rajouter de #bodypositif parce qu’elle est trop mince ? Ça n’a pas de sens ! Pour moi, le bodypositivisme c’est assumer d’être mince, grosse, rousse, noire, petite, blonde, d’avoir des boutons ou des vergetures… C’est assumer sa différence. Du coup, le bodypositivisme tel qu’il est aujourd’hui, est-ce que j’y crois ? Non. Mais est-ce que ça peut aider des personnes ? Oui, à condition qu’une communauté ne se l’approprie pas

Tu ne te retiens jamais de dire le fond de ta pensée. Être une artiste engagée c’est vital ? 

C’est primordial, j’ai besoin de livrer des messages en permanence. Je sais que les hits sont importants, mais pourquoi on ne pourrait pas faire bouger les foules en faisant bouger les choses en même temps ? Quand je pousse un coup de gueule, ce n’est jamais uniquement pour moi. C’est pour les femmes, les jeunes, les artistes qui meurent dans les maisons de disque ! 

D’ailleurs tu n’hésites pas à balancer tout ça sur les réseaux sociaux…

Oui, dans mon métier j’ai même parfois l’impression d’être un peu la bête noire. J’adore ce que je fais, mais je réalise aussi tous les travers de ce milieu. Au-delà de la sphère artistique, les gens ne réalisent pas à quel point c’est dur pour une femme de se faire respecter dans son travail et même dans la rue. On se fait disrespect H24 parce qu’on est trop ambitieuses, parce qu’on a trop de caractère, parce qu’on ouvre notre bouche etc etc… J’en ai marre ! Et je vois trop peu d’artistes qui s’en plaignent alors qu’on sait bien que parfois en coulisse ça se passe très mal…

Yes girl, merci ! Un dernier message à faire passer ?

J’en ai trois: un pour le public, un pour les femmes artistes et un pour moi. 

  • Au public: je dirai merci du fond du coeur. Ça fait plus de 5 ans que les gens attendent mon projet. À la base, j’ai fait une émission dont tout le monde s’en bat les ***** et pourtant des gens m’ont suivi depuis. Alors merci ! 
  • Aux meufs artistes : Il faut qu’on se soutienne ! Arrêtons de nous auto-regarder le nombril et soutenons-nous. Vraiment, venez on discute, on fait des trucs ensemble et on arrête d’être chacune de notre côté (rires). Les mecs n’arrêtent pas de faire des collabs mais nous jamais. Moi je veux voir des feat Aya Nakamura x Shay par exemple ! 
  • À moi-même : Meuf t’es tellement forte, lâche rien, même si tu ne vois pas le bout. Des filles comme toi ont besoin de filles comme toi ! Lâche rien ! 

*DROP THE MIC ! 

Envie de la voir tout donner sur scène ? Retrouvez Yseult le 26 novembre à l’Ancienne Belgique à Bruxelles !

Envie de l’écouter en boucle dans vos écouteurs ? Son EP «Rouge», disponible sur les plateformes de streaming et de téléchargement. Et un nouvel album Noir devrait sortir en septembre !

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