Faible estime de soi, complexes physiques, sentiment de mal-être… Au royaume du like, l’amour-propre serait-il mis à mal ?
Scroller, liker, commenter… C’est devenu le réflexe quotidien de millions de personnes. Chaque matin, l’œil à peine ouvert, nous voilà déjà en train de traîner sur Instagram, le regard fixé sur notre nombre de likes, en quête d’une quelconque validation de la part de nos followers. Une habitude qui flirte parfois avec l’addiction. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a récemment poussé le réseau social à sérieusement envisager de masquer le nombre de mentions « J’aime » récoltées par photos. Officiellement, pour « encourager les utilisateurs à se concentrer sur le contenu qu’ils partagent, et non sur le nombre de likes qu’ils obtiennent ». Mais officieusement, on imagine que l’application tente de se racheter une image, elle qui est souvent considérée, d’après certaines études, comme le pire réseau social pour l’estime de soi. Ces accusations ont-elles lieu d’être ? Instagram est-il aussi néfaste pour notre santé mentale qu’on le prétend ? Le point sur une relation d’amour-haine mouvementée.
Instagram: LE MIROIR DE NOTRE SOCIÉTÉ
Chaque jour, des milliers de photos sont partagées sur Instagram. Bien loin d’être pris sur le vif, ces clichés sont en réalité extrêmement posés, retravaillés et retouchés encore et encore pour rendre nos vies plus « instagrammables ». Au royaume de l’image, il semblerait que le paraître règne aujourd’hui en maître. La raison ? L’essor des influenceurs. Avec la professionnalisation de ce nouveau métier, le réseau social a énormément perdu de sa spontanéité. Pour preuve, la popularité du hashtag #InstagramVSreality qui démontre bien cette tendance à la scénarisation.
Souvent critiqué pour son côté narcissique et nombriliste, Instagram n’est en réalité que le reflet de notre époque et de son côté individualiste. Et si ce miroir tendu nous dérange tant, c’est parce qu’il nous confronte directement à nos propres défauts en tant que société : égocentrique, autocentrée, matérialiste et même exhibitionniste. En effet, tout a toujours tendance à tourner autour de notre petite personne sur Instagram. Notre couple, nos enfants, notre grossesse, notre perte de poids, notre alimentation, nos réussites… Il n’y a quasiment plus de limite à ce que l’on partage ouvertement sur le réseau social. Ce phénomène que les psychiatres qualifient d’« extimité » – en opposition avec l’intimité – suit en réalité le même mécanisme que celui véhiculé par la télé-réalité : nous dévoilons publiquement certains aspects du domaine privé. Rien de neuf jusque là donc. Si ce n’est que les règles du jeu d’Instagram impliquent de nouveaux codes, comme l’utilisation de filtres sur nos vies.
#INSTAPERFECTION 2.0
Lèvres gonflées, mâchoire ciselée, nez fin, sourcils tracés, taille de guêpe et fessier rebondi… Des traits physiques qui semblent être devenus la norme sur Instagram. Véhiculés par les « fit girls », « Insta babes » et autres Kylie Jenner ou Alexis Ren, ces nouveaux critères sont aujourd’hui les standards de beauté 2.0. Sans compter les innombrables photos avant/après vantant d’incroyables métamorphoses physiques et les tonnes de clichés de corps sculptés grâce aux heures d’entraînement en salle de sport. « Il existe sur Instagram une très forte glorification de l’individu, de son corps et de sa réussite par rapport à ce dernier », explique le psychologue et psychothérapeute Pascal Minotte, chercheur au Centre de référence en santé mentale (Crésam). « Chaque réseau a sa propre culture et Instagram est celui des images idéalisées, il a d’ailleurs été le premier à intégrer les filtres dans ses fonctionnalités. » Que l’on partage son « healthy bowl », son escapade à l’autre bout du monde ou ses progrès à la salle de sport, il y a toujours une envie très claire de présenter une facette lissée et enjolivée de nos vies, comme de notre apparence.
Mais avec la montée en puissance d’Instagram, nous ressentons parfois la pression de ressembler à cette image irréaliste de perfection. Et tous les moyens sont bons pour y arriver : de la chirurgie esthétique pour ressembler à ces nouveaux canons de beauté aux filtres en passant par les applications de retouches telles que Facetune. La vérité ? Dans la vraie vie, personne ne ressemble réellement aux filles d’Instagram, même pas elles.
Peut-on cependant reprocher au réseau social de vouer un culte au corps parfait ? Pas tout à fait, car comme l’explique le psychologue, « les réseaux sociaux ne font que refléter ce qu’on observe depuis toujours dans notre société. Bien avant l’arrivée d’Instagram, les médias populaires, tels que la télévision, la publicité ou la presse féminine, ont longtemps été porteurs de stéréotypes de genre et accusé des mêmes travers. » Encore une fois, Instagram ne serait que la pâle copie des années de standards de beauté véhiculés par les médias traditionnels avant lui.
DIABOLISATION OU RÉALITÉ ?
Si Instagram est loin d’être le seul coupable en matière de stéréotypes, on peut toutefois se demander si être constamment bombardé d’images irréalistes de « perfection » peut avoir un impact sur la façon dont nous voyons notre propre corps. Bien que l’application soit souvent accusée de causer angoisse et dépression chez les plus jeunes, notamment en matière d’estime de soi, tout n’est pas aussi simple en réalité. Déjà, parce que la recherche sur le lien entre image corporelle et médias sociaux n’en est qu’à ses débuts. Ensuite, parce qu’il est difficile de définir scientifiquement si ces images idéalisées provoquent des émotions négatives chez tous les utilisateurs, ou si ce sont les personnes déjà préoccupées par leur apparence qui auront tendance à utiliser davantage ces réseaux sociaux et, par conséquent, à déprimer. On peut aisément imaginer que les femmes complexées entretiendront malgré elles ce mal-être en se comparant à ce qu’elles voient sur Instagram. Pour l’instant, ce que l’on sait pertinemment, c’est que les filles et jeunes femmes présentent toujours un indicateur de bien-être moins élevé que leurs pairs. Un fait qui s’explique indépendamment de l’utilisation des technologies numériques par les changements corporels par lesquels elles passent, ainsi que les attentes culturelles de la société, les inégalités de genre et la pression sociale qu’elles subissent.
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L’AUTRE VISAGE D’INSTAGRAM
Heureusement, tout n’est pas à jeter sur Instagram. Parmi la vague de perfection affichée et de sourires ultra-bright, de nouvelles voix s’élèvent. Elles s’appellent Juliette Katz, Megan Jayne Crabbe ou Céleste Barber et dégomment les clichés à coups de posts inspirants, parfois hilarants, et surtout décomplexants. Leur mot d’ordre ? Le body positivisme. Depuis sa première apparition aux états-Unis en 1996, ce mouvement, qui prône l’acceptation de soi, a largement gagné du terrain. Désormais, acné, cellulite, bourrelets et autres vergetures s’affichent fièrement sur le réseau social. Exit les photos ultra-lissées, ici les corps se montrent sous toutes les coutures et pas uniquement sous le meilleur angle. Et ça fait vraiment du bien. Parce qu’à force de voir des silhouettes de rêve à longueur de journée, on avait presque fini par oublier à quoi ça ressemblait un vrai corps, sans retouches et sans filtres comme en témoigne la Youtubeuse beauté Et Pourquoi Pas Coline dans sa vidéo coup de gueule #NoFilter: « À force d’être constamment confrontés à des images de corps parfaits sans cellulite, sans poils, sans pores, sans imperfections, on finit à notre tour, quand on s’expose sur les réseaux sociaux, par perpétuer cette façon de faire et ces standards de beauté. Ce qui poussera d’autres personnes à faire la même chose. » Un cercle vicieux que le body positivisme s’évertue aujourd’hui à briser.
Seul bémol : ce mouvement, certes positif, démontre une fois de plus notre obsession pour l’apparence et remet le corps au centre de l’attention, comme si nous n’étions que des enveloppes dépourvues d’intelligence, de sentiment, d’esprit… Alors, la solution est-elle tout bonnement et simplement de se déconnecter des réseaux ? Pas obligatoirement, mais il faut apprendre à les utiliser sainement. Notre règle d’or : ne suivre que des comptes qui nous inspirent et se désabonner de ceux qui nous mettent le moral à zéro. Se créer un feed qui nous plaît, et pas uniquement centré sur le physique, composé de personnalités motivantes, de voyages, de cuisine, d’empowerment ou même d’animaux mignons ! Prendre ses distances avec ce que l’on voit sur Instagram et être conscient que ce n’est presque jamais le reflet de la réalité. Pour les plus jeunes, Pascal Minotte recommande quant à lui une éducation aux médias : « Il faut fournir aux préadolescents et aux adolescents les outils nécessaires pour décrypter ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux, les amener à avoir une réflexion par rapport à ces photos en apparence parfaite. » Et si finalement on arrêtait de se prendre la tête avec son image et qu’on commençait à vivre, pour de bon, et sans filtres ?
Trois comptes feel good à suivre
L’humoriste australienne
parodie les poses ridicules des top-modèles en vue. Et c’est à mourir de rire.
Malgré les moqueries, cette blogueuse beauté a décidé d’assumer fièrement son acné pour ne plus véhiculer de standards de beauté truqués.
Histoire d’arrêter de nous faire complexer, cette Insta girl au physique de rêve nous montre ce à quoi elle ressemble 99 % du temps : une fille comme nous.