5h30, réveil par luminothérapie. 5h45, méditation. 6h, footing matinal. 7h, douche et petit-déjeuner. 8h, écriture du journal. 8h30, départ pour le boulot, un podcast dans les oreilles. Et ainsi de suite, toute la journée, où chaque instant est chronométré et dédié à la plus radicale productivité. Notre temps doit être rentabilisé — ou du moins, c’est ce qu’on a tenté de nous inculquer à tout prix, avec la vieille maxime : « Le temps, c’est de l’argent ».
Sauf qu’aujourd’hui, nous commençons à apercevoir le revers de la médaille : en 2017 selon une étude Mediarte, 64% des Belges s'estimaient trop stressés au travail. Petit à petit, la pression se prolonge également en dehors des heures de bureau. Sport, cuisine, bénévolat et militantisme, culture, famille : il faut être efficace partout, tout le temps. Et le burn-out n’est jamais loin.
« On ne gagne rien à ne rien faire ». Voilà une autre phrase productiviste, que l’on se répète aux Pays-Bas. Longtemps, l’efficacité et le travail acharné y ont été des critères d’estime. Et pourtant, c’est chez nos voisins qu’est apparue la tendance du « niksen ». Comprenez, ne rien faire. Rien du tout, nada, niks, ou alors regarder passivement un mur, s’allonger les yeux ouverts, écouter de la musique ou pratiquer une activité qui n’a aucun intérêt rentable.
Ce concept hollandais célèbre ainsi la fainéantise, ou plutôt l’oisiveté positive. Et influenceurs, auteurs et chercheurs s’y intéressent de plus en plus pour ses effets positifs : paradoxalement, ne rien faire vous fait du bien. Interrogée par le Time, la directrice du « Greater Good Science Center » de l’Université de Californie, Eve Ekman, affirme ainsi que l’oisiveté permet d’atténuer les pics émotionnels, comme l’anxiété, et ralentir le processus de vieillissement. « Se reposer », c’est bien connu, permet également de lutter contre les petits bobos et virus de la vie — mais ça, votre grand-mère vous l’a toujours dit.
Contre toute attente, ne rien faire peut aussi être très productif : le « niksen » permettrait de dégoter de nouvelles idées ou d’envisager de nouvelles pistes de résolution. « Même lorsque nous ne faisons rien, notre cerveau continue de traiter des informations et peut utiliser la puissance de traitement disponible pour régler des problèmes en suspens », soutient Ruut Veenhoven, sociologue et professeur à la Erasmus University de Rotterdam, dans les pages du Time. C’est simple, le farniente est un exhausteur naturel de créativité.
Dans un premier temps, ne rien faire peut paraitre étrange, voire désagréable. Regarder un mur nous renvoie une drôle d’image de nous-même, et penser à respirer peut sembler totalement absurde. Mais s’accorder ce temps d’inaction peut aussi devenir un loisir — à condition de s’entrainer, sans forcer. Les experts recommandent par exemple de fixer une durée spécifique à cette activité, et de s’y tenir. Deux minutes pour commencer, puis davantage. Ruut Veenhoven conseille aussi de réaliser une activité semi-automatique, qui permet de laisser voguer ses pensées, comme le tricot ou la broderie (féministe).
Sur ce, on vous laisse, on part ne rien faire.