Anne-Valérie Hash, nouvelle directrice artistique de Bonpoint, nous décode l’évolution récente de la mode enfantine. C'est la cerise sur les marmots.
Tout a commencé par un patchwork. De tissus Liberty, dans les stocks inemployés de la Maison dont on venait de lui confier la direction artistique d’une part, et de sa vision épurée, androgyne et intemporelle de l’autre.
La créatrice est maman de deux petites filles, Elise, 13 ans, et Tal, 12 ans. Elle a accepté de remettre Bonpoint au point par passion pour les enfants, qui ont été pendant des siècles habillés à l’image de la culture sociale de leurs parents. Désormais, les gamins peuvent s’exprimer, en mots, en mouvements et en vêtements. Dans la Maison réputée pour son élégance et son classicisme empreints de tendresse, elle imprime sa vision moderne avec une transition qui ne souffre pas de concessions.
Anne-Valérie Hash réinvente les basiques du genre, introduit des détails de confort absolu, donne de l’ampleur aux gestes, corrèle sa mode à sa vision de l’enfance, en mêlant son univers pointu et symbolique à celui de Bonpoint. Déjà pour sa marque éponyme qu’elle a suspendue en 2014, la créatrice, parmi les seules femmes au monde à avoir obtenu le label « Haute Couture », développait une ligne « Anne-Valérie Hash Mademoiselle », car le sujet du corps exprimant lui tenait à cœur.
Dès cet automne chez Bonpoint, elle introduit du sportswear qui, tout en conservant la délicatesse chère à la Maison, cultive sa légitimité avec l’époque en perpétuelle évolution : « quand je suis arrivée chez Bonpoint, créé par Marie-France Cohen il y a 40 ans, l’archétype de la mode junior de luxe était celui de « l’enfant modèle ». Mais la sociologie des petits a évolué, comme celle des adultes. Il était très important pour moi que les prochaines collections respectent encore plus le mouvement des enfants. J’ai notamment introduit le jersey et le stretch dans les collections. Aujourd’hui, les enfants évoluent dans un mouvement perpétuel, et ils expriment à plein ce qu’ils ressentent de notre société, elle-même en perpétuel changement. »
Des enfants impliqués dans leurs vêtements
La créatrice rappelle qu’historiquement, pour habiller les bébés, on est passé des camisoles qui entravaient les gestes, aux gigoteuses. « Rien que dans les mots, l’évolution est fondamentale. La société est enfin prête à respecter la personnalité et le mouvement des enfants comme personnes à part entière, ils ne sont plus des représentations ou des poupées à habiller. La manière dont on choisit leur vestiaire reflète la façon dont on les considère ».
Depuis quelques années, les enfants portent beaucoup de T-shirts à message, qui véhiculent évidemment l’intention des parents, puisque ce sont eux qui les achètent. « C’est un lien d’expression entre les enfants et l’époque, et ces bambins porteurs de messages, ce n’est pas anodin. De même, les petits dessins amusants et les personnages rassurants qui décorent leurs vêtements depuis une dizaine d’année, permettent aux petits de posséder et d’investir leurs habits. Bien entendu, le jean est partout, ce qui implique que le monde des adultes a fini par accepter qu’un enfant, ça se salit, ça expérimente. On a même glissé vers un phénomène d’adultes qui adoptent les codes de la jeunesse, et ce sont désormais les enfants qui dictent certaines attitudes. À l’échelle de la société, c’est très nouveau. Ils sont considérés comme des individus pensants et ressentants ».
Le confort version fun et luxe
Désormais, le hoodie en coton ultra doux, aux poches de Liberty patchées, devient une référence Bonpoint. Les lignes s’adaptent plus que jamais aux explorations des enfants, et l’extrême qualité des matières suit leur évolution. L’histoire de Bonpoint est liée à celle de Liberty, et la Maison possède une véritable tissuthèque, un patrimoine vivant d’imprimés anglais, qui rassemble 40 années d’archives.
Dans une démarche de respect de cet héritage et d’up-cycling réfléchi en conscience, Anne-Valérie Hash a composé de patchworks Liberty sa première collection Croisière : ces stocks inutilisés d’étoffes fleuries composent un nouvel ensemble d’inspirations cohérents, complémentaires et innovants. Sous le crayon d’Anne-Valérie Hash, les passerelles du classicisme vers la modernité se construisent en harmonie.
Le bon sens en cycle long
Elle a insufflé son expérience de mère dans une capsule de vêtements de pluie, créé d’inédites jupes de pluie : les petites filles rentreront de l’école les jambes au sec. Chaque pièce se pare de mille détails froncés, brodés, tendances mais intemporels. Pour la nuit aussi, le Liberty prend des libertés, avec des pyjamas aux lignes rétro, mais à motifs dinosaures, fleurs ou constellations.
La bonne nouvelle ? Ces modèles existent désormais en taille adulte, avec une sélection de jupes, sweats et T-shirts fleuris. Inutile de déformer des tops de grande petite fille : même si le 14 ans devient plus généreux en taille (« les enfants doivent pouvoir bouger »), les proportions pensées pour des morphologies adultes ont été redessinées. Anne-Valérie Hash traduit à travers sa collection sa perception de la jeunesse bouillonnante : les nouveaux « enfants modèles » sont plus futés et moins sages ! A l’ère des logos tout puissants sur Instagram et dans les cours de récré, Anne-Valérie Hash a conjugué le streetwear avec humour : bONpoINt, avec le focus sur « on », et plus que jamais « in ».
Fonder la collection Croisière et ses déclinaisons prêt-à-porter sur des matières up-cyclées, dans une maison de luxe française classique, c’était osé. Mais Anne-Valérie Hash a décidé en conscience : éthique et esthétique : « c’était ma façon de prendre en compte l’héritage de la maison, et de l’amener vers une transition moderne en la tirant par des rubans de dentelle ». La créatrice a intégré la tradition aux essentiels de modernité, l’artisanat, la notion de responsabilité, de durabilité, et toujours, la désirabilité.
Et comme chez les adultes, la mode enfant gomme progressivement les clichés de genre. « Il y a d’autres enjeux chez les enfants que chez les adultes, et notamment l’importance de ne pas leur calibrer des collections qui soit « trop modes », car s’ils n’ont pas exactement la personnalité qui correspond, ils paraissent très vite déguisés. Ils ne peuvent, ni ne doivent cacher qui ils sont fondamentalement, hors clichés. Leur identité propre est toujours sensible, la mode dessinée pour eux doit l’être aussi ».
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