Instagram a annoncé conduire actuellement une série de tests pour supprimer les likes du réseau social. Avec quelles conséquences ?
Au saut du lit, en se brossant les dents, les premiers likes sont distribués d’une double pression du doigt sur l’écran, sans vraiment trop y penser. Un chiot pataud, une table d’apéro bien garnie, un heureux évènement, une pile de livres de vacances, un artiste qu’on chérit : au défilé des likes, tous sans distinction reçoivent leur pitance pour quelques secondes de micro-gloire. Quitte à s’y brûler ensuite les ailes. Mais tout cela pourrait bientôt faire partie du passé.
Instagram vient en effet d’annoncer une période de test « sans likes » pour sept pays. Depuis quelques jours, l’Australie, le Brésil, le Canada, l’Irlande, l’Italie, le Japon et la Nouvelle-Zélande sont privés de petits cœurs rouges. Plus précisément, il est toujours possible de liker les photos de ces comptes, mais ceux-ci ne montrent plus à tous les utilisateurs le nombre de « j’aime » accumulés. « Nous voulons que vos amis se concentrent sur les photos et vidéos que vous partagez, pas sur combien de likes elles accumulent », décrypte la plateforme dans un communiqué, en ajoutant que nous propriétaire du compte — et seulement nous — pourrons toujours voir le nombre de likes reçus. « Nous nous réjouissons d’en savoir plus sur la manière dont ce changement peut bénéficier à l’expérience de tous sur Instagram ».
Moins de pression psychologique
La décision fait suite à une prise de conscience de la plateforme quant aux dangers qu’encourent ses utilisateurs. « Explorer de nouvelles façons de réduire la pression sur Instagram est une chose à laquelle nous pensons constamment », a déclaré un porte-parole à Business Insider. De nombreuses études le pointent : Instagram est l’un des réseaux sociaux les plus toxiques pour la santé mentale, particulièrement chez les plus jeunes. À la course aux likes, de nombreux utilisateurs avouent ainsi tirer du réseau social une partie de leur amour-propre… quand tout va bien. Dans le cas contraire, Instagram est responsable de carences en sommeil, d'une image corporelle altérée, de « FOMO » (« fear of missing out », la peur de manquer une nouvelle ou un évènement), d'anxiété sociale, de dépression…
Un Instagram « plus vrai »
À tel point qu’Instagram a même été considéré comme le « crack » d’une nouvelle génération sur Internet, gratifiant directement notre cerveau quand les likes abondent. Quand ils se font plus rares, en revanche, ils modifient notre rapport avec les contenus que nous postons. Mal-aimés ou tout simplement supprimés, les souvenirs instagrammés n’auraient plus la même valeur pour nous quand ils ne sont pas congratulés par quelques likes. Supprimer ceux-ci impliquerait donc un changement dans les contenus postés sur la plateforme : moins tributaires de l’approbation des autres, les utilisateurs tiendraient moins compte de ce qu’il faut donner à voir que ce qu’ils veulent réellement publier. Et les premiers retours semblent concorder avec cette théorie : interviewée par le Huffington Post, une Canadienne expliquait être favorable à cette suppression : « Ça semble un peu étrange à dire, mais j’ai arrêté de me comparer avec les plus gros comptes. J’ai aussi été plus personnelle par rapport à ce que j’aime plutôt que ce que tout le monde apprécie. J’ai l’impression que c’est ainsi qu’Instagram devrait être, plutôt qu’une publicité de nous-même ».
Moins de likes, moins d’interactions ?
Si la nouvelle semble vraiment réjouissante, certains utilisateurs déplorent quant à eux la disparition des likes. Notamment en Australie, où certains se sentent littéralement « manipulés » par la plateforme. L’argumentaire tient au fait que la mesure réduira l’intérêt-même d’Instagram, particulièrement chez ceux qui l’utilisent à des fins professionnelles. Les influenceurs et autres entrepreneurs en ligne verraient ainsi disparaitre l’un de leurs principaux arguments de vente : l’appréciations de leurs followers. Une mesure qui pourrait en revanche faire revenir les annonceurs vers Instagram — et Facebook, qui en est propriétaire.
Mais la suppression des likes pourrait également impacter négativement la plateforme. Réduire les interactions possibles entre ses utilisateurs semble en effet un comble pour un réseau social. C’est sans compter les premiers pronostics des experts : les commentaires pourraient bien prendre la place des likes. Qu’ils montrent des emojis, des déclarations enflammées ou des avis négatifs, ils laissent davantage de place à l’expression des utilisateurs que les simples cœurs rouges. Annulant possiblement toutes les retombées positives pour la santé mentale qu’espérait Instagram.
Quoi qu’il en soit, la mesure n’est pour l’instant pas officielle et toujours à l’état de test. Aucune date d’application en Belgique n’a encore été communiquée. Mais l’essai fait sens et suit une logique déjà appliquée par Instagram avec ses « stories », qui sont l’un des grands succès du réseau social de ces dernières années : pas de like, mais du contenu plus personnel, puisqu’il n’est pas soumis au jugement impitoyable des followers. De la même manière, YouTube a changé la manière dont la plateforme montrait le nombre d’abonnés aux chaines, tandis que le CEO de Twitter, Jack Dorsey, a fait savoir que si c’était à refaire, il n’ajouterait pas la fonctionnalité « j’aime » sur Twitter. La fin de l’ère du like ?
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