Depuis quelques jours, Google a volontairement modifié son algorithme pour que les recherches du mot « lesbienne » ne montrent plus uniquement des résultats pornographiques. Une problématique éclairante sur les rapports qu’entretiennent Internet et le féminisme.
À la recherche de conseils juridiques, vous tapez « avocate » dans Google. Et là, c’est la surprise : à la place de contacts utiles, la première page vous présente un florilège d’ébats pornographiques en tous genres, toge par-dessus tête. Page deux, même résultat. La troisième page — autant dire, le « no man’s land » des Internets — vous dispense enfin quelques URL’s sécures, sans lien avec un quelconque site de X. Entretemps, vous avez eu le temps de vous brûler les yeux avec des images non-sollicitées et de vous poser de très sérieuses questions sur la nécessité d’engager une avocate.
Si tout ceci n’est que fiction, c’est bien ce qu’ont dû traverser des années durant ceux et celles qui interrogeaient Google avec le mot « lesbienne ». L’intégralité des premiers résultats menaient inévitablement à des vidéos ou allusions pornographiques. La définition du terme n’arrivait quant à elle qu’à la troisième page des recherches. Depuis le 18 juillet 2019 cependant, ce n’est enfin plus le cas : la requête en français renvoie désormais en premier lieu à des pages informatives. Une victoire pour de nombreuses concernées et militantes, lassées et blessées de voir sans cesse les lesbiennes hypersexualisées, notamment sur le web.
Internet, miroir de la société
Un combat mené en France par le collectif #SEOlesbienne et plusieurs médias engagés, qui a donc fini par payer. De la même manière, depuis plusieurs années, le mot « teen » (« adolescente » en anglais) ne renvoie plus à des résultats pornographiques, comme c’était le cas par le passé. Les termes « lesbian » et « teen » font en effet chaque année partie des tags les plus tapés par les consommateurs de pornos. Étrangement, c’est cette facette d’Internet que Google avait choisi de montrer. D’autres mots, comme ceux qui font référence aux femmes noires ou arabes, donnaient des résultats similaires, preuve d’un curieux paramétrage de base de l’algorithme Google — jusqu’ici peu concerné par le problème.
Un miroir de notre société plutôt éclairant, dès lors qu’il visibilise de manière très claire l’hypersexualisation dont sont victimes de nombreuses catégories de femmes. Pire encore, contrairement à ce que l’on pourrait croire, Google n’est pas qu’un gigantesque moteur de recherche : ses algorithmes ne sont pas le fruit d’un hasard, mais du travail d’humains. Des humains qui, manifestement, ont quelques a priori sur les lesbiennes — ou la manière dont elles devraient être représentées.
L’occasion de conscientiser que ce que nous montre Google n’est pas « neutre », que du contraire. C’est d’ailleurs la « plus grande fierté » du collectif #SEOlesbienne, à l’annonce de la modification d’algorithme de Google : « On parvient à démontrer qu’un algorithme n’est pas une masse ‘aveugle' qui dévore tout sur son passage », ont fait savoir les bénévoles sur Twitter. « On nous a souvent dit : ‘C’est comme ça, on ne peut rien y faire (…) : on vient de montrer l’inverse ! Google a le pouvoir de changer unilatéralement son algorithme si cela l’arrange, nous l’avons prouvé ».
« Simple réécriture des résultats »
Google a en effet communiqué travailler « d’arrache-pied pour empêcher le contenu potentiellement choquant ou offensant de monter en flèche dans les résultats de recherche, dans le cas où les utilisateurs ne recherchent pas explicitement ce contenu », avait-on pu lire dans le magazine TÊTU. Mais le géant d’Internet a aussi fait savoir qu’il ne s’agissait pour l’instant que d’un pansement sur une plaie bien plus profonde. La victoire de #SEOlesbienne s’apparente à une « simple réécriture des résultats » et ne prévient pas des dérives similaires avec d’autres termes.
🙌 On a une GRANDE nouvelle à vous annoncer 👉 quand on tape le mot #lesbienne dans le moteur de recherche @GoogleFR : on a désormais accès à du contenu non pornographique. 👊 ON A GAGNÉ 🎉 #SEOlesbienne pic.twitter.com/8gH9vpgCpZ
— #SEOlesbienne (@SEO_lesbienne) 18 juillet 2019
Pour les militantes, elles ont gagné une bataille, mais pas la guerre : « Nous savourons cette grande avancée, mais le contenu référencé dans les premières pages de Google est encore trop connoté à notre goût, et il reste à agir sur le moteur de recherche vidéo ». Le filtre « vidéo » montre encore en effet principalement des résultats liés à des sites pornographiques. La messagerie de Google n’est pas épargnée non plus, puisque Gmail filtre encore énormément d’emails contenant le terme « lesbienne ». Problématique pour les associations concernées, dont de nombreux échanges tombent directement dans le dossier « spam ». Même chose du côté de Twitter, qui refuse les identifiants contenant le mot, ou Facebook, où il est modéré et fait l’objet de vérifications. Une bataille, pourtant, ça se fête — en attendant la victoire totale contre l’hypersexualisation des femmes.
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