Réalité augmentée, intelligence artificielle, impression 3D et autres avancées technologiques… En pleine ère numérique, la beauté ne cesse de se réinventer. Zoom sur une industrie en constante mutation.
Quelles sont les avancées technologiques d’aujourd’hui et de demain ? À quoi ressemblera l’univers de la beauté dans dix ans ? Le point avec Camille Kroely, Global Head of Digital Services & Open Innovation pour L’Oréal.
Quel est le point de départ de vos recherches ? Comment décidez-vous de développer une nouvelle technologie ?
Le point de départ est toujours le consommateur, ses besoins et la valeur ajoutée que la technologie peut lui apporter. Avant de nous lancer dans une nouvelle technologie, nous nous posons toujours la question “de quoi a besoin le consommateur ?”.
Comment l’intelligence artificielle et la réalité augmentée peuvent-elles répondre à l’évolution des besoins des consommateurs ?
Si on prend l’exemple de l’essayage virtuel de maquillage, cela répond à une demande qui a toujours existé de la part du consommateur, à savoir “est-ce que cette teinte va m’aller ?” La publicité y répond en partie en vous montrant ce que cela donne sur Eva Longoria, mais évidemment cela rend toujours bien sûr Eva Longoria ! C’est pour cela que vous trouvez des testeurs en magasins pour vous montrer à quoi ressemble réellement cette couleur. L’essayage virtuel est une technologie qui permet d’avoir un rendu très réaliste de ce que la couleur rendrait si vous l’appliquiez sur vous. Nous cherchons vraiment à proposer le rendu parfait afin qu’il n’y ait aucune différence entre l’essayage virtuel et la réalité. Cette “magie” permet de répondre à la question universelle de savoir “qu’est-ce que cette teinte, ce rouge à lèvres ou cette couleur de cheveux va donner sur moi ?”
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Pourquoi la personnalisation autant du point de vue de l’expérience shopping que du produit est-elle si importante aujourd’hui ?
La raison principale c’est justement pour la notion d’expérience. Lorsque l’on se déplace en magasin, ce n’est pas uniquement pour acheter, c’est aussi pour vivre une expérience et un moment un peu différent qui vous apportera quelque chose de plus que si vous commandiez en ligne. Cela peut aller des conseils personnalisés donnés par la vendeuse aux distributeurs automatiques que nous avons mis au point avec Armani… À partir du moment où l’on crée une notion d’expérience, cela va donner envie au consommateur de revenir parce que c’est nouveau, personnalisé ou ludique. Aujourd’hui, on sait que la qualité d’un produit sera toujours l’élément essentiel pour se différencier de la concurrence, mais parfois il faut plus, et ce plus peut justement passer par l’expérience shopping.
La technologie peut-elle nous amener vers une beauté plus respectueuse de l’environnement ?
Bien sûr, chez L’Oréal nous visons à développer une innovation durable, notamment à travers notre programme de développement durable Sharing Beauty With All. (Ce programme lancé en 2013 rassemble une liste d’engagements concrets fixés par L’Oréal à atteindre d’ici fin 2020 et couvre chaque étape, de la conception des produits à la distribution, en passant par la production et le sourcing des ingrédients, NDLR). Pour donner des exemples concrets, nous travaillons avec la start-up suisse Gjosa qui a la capacité de mélanger l’eau et l’air pour vous permettre de vous laver les cheveux avec cinq fois moins d’eau. L’Oréal a également récemment investi dans Carbios, une société française de biotech qui travaille dans le recyclage des matières plastiques.
Quel est le plus gros challenge en matière d’innovation et de technologie ?
Je pense que le plus gros challenge auquel nous devons faire face au quotidien c’est de garder le focus sur le consommateur et de ne pas tomber dans le biais de faire de la technologie pour faire de la technologie, car à ce moment-là on ne crée que des gadgets, des choses qui n’apportent pas de valeur ajoutée. Par exemple, avec les assistants vocaux, on se pose toujours la question si on peut faire cela plus simplement, si on n’est pas juste en train de développer cela pour se faire plaisir. Concrètement, un tutoriel de maquillage juste avec la voix n’a pas grand intérêt puisque c’est beaucoup plus pratique de voir les gestes et le rendu. Avant de se lancer, on se demande donc toujours ce qu’on va apporter au consommateur et si cela lui simplifiera la vie.
Quelle est la plus grande avancée accomplie jusqu’à ce jour ?
Au niveau du groupe, l’une des plus grandes avancées est le rachat de ModiFace il y a un peu plus d’un an. C’est une société de technologie spécialisée en réalité augmentée et en intelligence artificielle, c’est grâce à elle que nous proposons des essayages virtuels de maquillages, des tutoriels, des diagnostics… C’est la première fois que L’Oréal a fait l’acquisition d’une société qui n’est pas issue du domaine de la cosmétique avec cette volonté d’accélérer l’avancée technologique pour l’ensemble des marques du groupe.
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Ensuite, du point de vue du consommateur, la plus grande avancée est le Skin Diagnostic de Vichy. Nos équipes de recherche et de technologie ont travaillé main dans la main pour mettre au point un diagnostic de la peau qui, dans 95% des cas, est aussi performant qu’une consultation chez un dermatologue. Il vous permet d’identifier les signes du vieillissement cutané simplement à l’aide d’un selfie et vous propose une routine de soins personnalisée. L’idée était de rendre le diagnostic accessible à un plus grand nombre. C’est l’une de nos plus belles avancées.
Happy to present Vichy Skin Consult, a technology created by L’Oréal R&I and @ModiFace based on AI, allowing women to obtain a personal diagnostic to understand their skin aging and find a skincare routine tailored to their needs. Discover more here ➡️ https://t.co/LtmNh50ijz pic.twitter.com/XVL4zcF6q7
— L’Oréal Group (@Loreal) 19 février 2019
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Quelles seront les prochaines avancées technologiques de demain ?
Nous nous demandons actuellement ce que la voix va représenter pour le domaine de la beauté. À Vivatech (le salon parisien consacré à l’innovation technologique et aux start-up, NDLR), nous avons présenté le “Virtual Hair Advisor”, c’est un conseiller virtuel qui s’active par la voix via l’iPad et vous permet de communiquer avec lui afin de lui demander d’essayer différentes coupes ou couleurs de cheveux, des conseils sur comment retoucher vos racines…
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On voit de plus en plus de mannequins et d’ambassadeurs virtuels dans le monde de la mode. Pourrait-on imaginer la même chose dans le domaine de la beauté ?
Tout est possible. Cela fait partie des choses que l’on regarde, mais avec une certaine précaution. Cela a beaucoup de sens dans la mode mais il faut voir comment cela pourrait s’appliquer en beauté.
Comment imaginez-vous l’industrie de la beauté dans dix ans ?
Je pense que les services proposés au consommateur et les expériences qui accompagnent le produit vont devenir un élément clef de la beauté: le conseil, l’expertise, l’aide à la décision… Un des autres sujets qui va être capital c’est la personnalisation à grande échelle, le fait de pouvoir bénéficier d’une recommandation personnalisée ou d’un produit créé sur-mesure. On le voit déjà chez Lancôme avec l’outil le Teint Particulier qui permet à la conseillère en boutique de mesurer la couleur de votre peau afin de mettre au point la formule sur mesure qui correspond parfaitement à votre carnation.
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