Devinette. Qu’est-ce qui est naturel, éclatant et qui nous attire depuis l’enfance ? Une pierre précieuse, évidemment. Pour en parler, nous avons rencontré les gemmologues et créatrices de la marque de bijou “Mère et fille”. Authenticité, qualité, soins, elles nous livrent tous leurs conseils pour éviter les arnaques.
Comme son nom l’indique, la marque “Mère et fille” est le fruit d’une collaboration 100% familiale. Il y a 5 ans, Ghislaine Holvoet – la maman – et Laurence Marie Van Cauwenberghe – la fille – fondaient leur société de création en joaillerie. Toutes deux gemmologues de formation (autrement dit spécialistes des pierres dites “fines”), Laurence Marie a également étudié le design en joaillerie au Gemmological Institute of America (GIA), l’une des meilleures écoles dans le domaine. Depuis, elles réalisent main dans la main des bijoux sur-mesure. Et pour celles qui préfèrent les bijoux “tout faits”, elles font partie des premiers joailliers belges à avoir créé leur e-shop.
Le duo d’expertes nous a donné rendez-vous dans leur showroom et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on en a pris plein la vue. Il faut l’avouer, ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion d’observer des pierres précieuses de si près. Incollables dans leur domaine, elles nous expliquent tout ce qu’il faut savoir à propos des gemmes, afin d’éviter les arnaques.
Ghislaine, l’anecdote veut que vous vous soyez intéressée à la gemmologie après avoir acheté un faux saphir en Inde. Racontez-nous, comment vous êtes-vous rendu compte qu’il s’agissait d’un synthétique ?
Ghislaine : Mon mari et moi étions partis en Inde pour nos vingt ans de mariage, avec nos enfants. Il faut savoir que, là-bas, on nous dit toujours qu’il faut acheter dans les magasins d’Etat – qui sont, en principe, contrôlés – plutôt que chez des privés. Nous sommes allés chez des privés et tout était vrai. Par contre, mon mari m’a acheté un très beau saphir dans un magasin d’Etat et, une fois rentrés en Belgique, il s’est avéré que c’était une pierre artificielle. J’étais très en colère et, lors d’une foire de minéraux, je me suis inscrite à un cours de gemmologie. Le lendemain matin, j’étais à l’école pour deux ans d’études. Voilà comment j’ai mordu à l’hameçon.
En tant que gemmologue, comment faites-vous pour déterminer l’authenticité d’une pierre ?
Ghislaine : Là c’est la science qui répond. Il y a différents examens gemmologiques à faire, avec différents appareils comme des microscopes, polariscopes ou encore réfractomètres. Mais on ne peut jamais en faire qu’un seul. Il y en a deux ou trois qui sont prédominants et avec lesquels on obtient 80% de la réponse, mais on contrôle toujours par une demi-douzaine d’examens supplémentaires pour arriver à 100% d’authenticité.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut s’acheter une pierre ?
Laurence Marie : Le plus meilleur conseil que l’on peut donner, c’est de vous faire plaisir. Achetez une pierre si elle vous plait vraiment, mais mettez le prix que vous êtes prêts à payer pour une pierre synthétique. A l’étranger, il faut savoir qu’il est écrit sur notre front que l’on est touristes. Donc, en posant certaines petites questions au vendeur (ex. “est-ce que la pierre a été traitée”) ou en ayant une attitude qui montre que l’on sait de quoi on parle, on peut déjà petit à petit se rendre compte de s’ils sont sérieux ou pas. Et puis, le mieux, c’est de prendre son temps. Comme dans toutes les négociations, il ne faut pas montrer que l’on est pressé. […] Aussi, quand une bijouterie a les portes ouvertes sur la rue, il ne doit logiquement pas y avoir beaucoup de valeur à l’intérieur. Tandis que là où il y a un sas de sécurité avec une entrée plus difficile, cela veut déjà dire qu’ils ont fait l’effort de protéger ce qu’il y a à l’intérieur.
Ghislaine : Et n’achetez jamais dans la rue et dans les espaces ouverts ! […] Il faut également demander un certificat lisible. J’avais reçu un certificat en Inde, mais il était écrit en hindi et ne voulait rien dire. Ensuite, je dirais aussi de venir nous montrer la pierre après l’achat. Lorsque vous achetez en voyage, prévenez les gens que vous allez faire certifier et contrôler la pierre à votre retour. Dites-leur qu’ils auront de vos nouvelles si c’est une pierre artificielle. Enfin, savoir tenir une loupe est important puisque les vendeurs vont se dire que vous vous y connaissez.
Comment expliquez-vous que des bijouteries parviennent à vendre des pierres à des prix très abordables ?
Laurence Marie : En diminuant la qualité du diamant, la qualité de l’or. Au lieu de travailler avec de l’or 18 carats, ils vont travailler avec de l’or 14 carats et la différence de prix est énorme parce qu’il y a beaucoup moins d’or pur dans l’alliage. Pour les diamants, au lieu de travailler avec de la couleur G et une pureté VS – avec lesquels nous travaillons en général – ils travaillent avec des couleurs beaucoup plus basses et des puretés moins importantes.
Ghislaine : Et les moules sont faits en grande série.
Malgré cette diminution de qualité, peut-on utiliser le nom de la pierre ou même de l’or ?
Laurence Marie : Oui, tant que c’est une pierre naturelle, c’est une pierre naturelle.
Ghislaine : Pour l’or, nous on emploie du 18 carats en Europe, mais il y a de l’or 24, 22 ou encore 14 carats. Et puis, aujourd’hui, on fait du 9 carats ou du 8 carats. Il n’y a donc quasiment plus d’or dedans mais on appelle encore cela un bijou en or.
Laurence Marie : Le plus important est que cela soit mentionné.
Et comment prendre soin de ses pierres ?
Laurence Marie : En ce qui concerne les pierres dures comme le saphir ou le diamant, on peut les porter tous les jours. Elles vont se griffer un peu mais ce n’est pas grave, ça fait partie de l’usure naturelle. Pour les nettoyer, le plus simple c’est de prendre une brosse à dents, un peu de Dreft ou de détergent et de l’eau chaude. C’est le bon vieux truc de grand-mère qui fonctionne à chaque fois. Cependant, il faut faire attention avec les pierres qui ont beaucoup d’inclusions comme l’émeraude ou les pierres plus douces comme l’opale. Ce sont des pierres qui cassent plus vite et donc il faut en prendre soin.
Ghislaine : Aussi, on vous vendra dans le commerce des appareils à ultrasons pour nettoyer vos bijoux. Ne les utilisez pas, parce que certaines pierres peuvent exploser.
Vous organisez également des ateliers. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ghislaine : Vu ce qui m’est arrivé en Inde, je trouve qu’il faut faire une défense du consommateur. C’est parfois en contradiction avec la vente mais je trouve cela important. La joaillerie est quelque chose qui fait peur aux gens, ils ont peur de se faire avoir et de payer trop cher. D’où l’idée d’organiser des cours de 8 personnes maximum à qui l’on apprend, durant deux heures, à reconnaître un rubis, un saphir, une émeraude, etc. On leur apprend aussi à tenir une loupe et une pince.
Laurence Marie : On donne des petits trucs et astuces. On apprend à regarder ce qu’il faut voir à l’intérieur d’une pierre, notamment pour reconnaitre une opale naturelle d’une opale synthétique. C’est flagrant, mais seulement une fois qu’on le sait.
Ghislaine : Quand vous êtes en voyage et que vous tombez sur une pierre synthétique, vous pensez qu’elle ne vaut pas grand chose. Mais les synthétiques sont faites aujourd’hui, c’est donc de la main-d’oeuvre et ce n’est jamais tout à fait bon marché non plus. Il y en a qui sont déjà à 600, voire à 700€ le carat, et cela pour de l’artificiel.
En cinq ans, quelles leçons avez-vous apprises ?
Ghislaine : Une chose merveilleuse dans ce métier, c’est que nous sommes toujours là pour des événements heureux. Les gens viennent chez nous pour refaire des bijoux de leurs parents ou pour une naissance, un cadeau. C’est toujours pour se faire plaisir.
Laurence Marie : Ce qui me plait le plus dans ce métier-ci, plutôt dans la partie design, c’est que l’on part de tout un paquet d’informations pour, petit à petit, les condenser en un dessin. C’est le fait de construire quelque chose. C’est une interaction complète, qui arrive à une création totalement unique, qui correspond à tout le monde.
Et pour célébrer cet anniversaire, vous avez créé une libellule…
Ghislaine : Cela fait cinq ans que nous avons vraiment démarré ensemble, petit à petit. Et donc, on a décidé de faire une pièce d’une catégorie encore au-dessus, de rentrer vraiment dans la cour des grands. Laurence Marie a dessiné quatre animaux : des libellules, des lapins, des hérissons et des tortues. Et puis nous avons fait un concours auprès de tous nos clients, et c’est la libellule qui a gagné.
Laurence Marie : C’est une bague sur deux doigts et le but est d’avoir “Mère et fille”, la maman et ses petites libellules. Et il y a une petite surprise, qu’il faut savoir : elle est fluorescente.
Ghislaine : Certains diamants sont fluorescents naturellement. Dans ce cas-ci, on a décidé d’utiliser uniquement cela.
Retrouvez “Mère et fille” sur leur compte Instagram ou encore leur site web.
Estelle De Houck (stagiaire)
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