Arnaud Poulain est le créateur de “Les Eaux Primordiales”. Une maison de parfums de niche singulière qui prône la pureté, l’artisanat et l’art du savoir-faire. Rencontre.
Grand admirateur du maître parfumeur Serge Lutens, Arnaud Poulain donne vie à “Les Eaux Primordiales” après un début de carrière mené loin de l’univers de la parfumerie. Son métier originel est tout autre. Il travaille d’abord dans la logistique, la mécanique industrielle après avoir décrocher un diplôme d’ingénieur en robotique. Il a choisi le même parcours que son père mais les temps ne sont pas les mêmes et les débouchés manquent. Il décroche un job chez Häagen-Dazs mais se rêve déjà ailleurs. De contact en contact, il sympathise avec un commercial de chez Interparfums, un univers inconnu mais qui attise sa curiosité. Encouragé, il tente sa chance et se lance dans une formation d’un an en cosmétologie, en apprend plus sur le monde du parfum, la gestion et finit par accumuler les connaissances nécessaires pour se frayer une place dans cet univers.
Lors de son premier cours d’olfaction et il rencontre Amélie Bourgeois, parfumeuse, et le courant passe bien entre eux. Après l’école, elle lui propose de la suivre et de lui apprendre d’autres choses sur les parfums. Il sort 2e de sa promo alors que les cours ça n’a jamais vraiment été son truc. Il en est sûr, il a trouvé sa vocation. Il débarque à Paris et trouve un job au Bon Marché pour développer la marque Byredo. Il fait bien son job alors on lui propose de développer d’autres marques de parfums de niche sur le marché français. Finalement, il lancera la sienne : Les Eaux Primordiales.
Quel est le concept derrière Les Eaux Primordiales ?
J’ai choisi de créer une parfumerie minimale et très technique. Je n’utilise pas d’effets de style, ni d’ingrédients inutiles. Tout ce que j’inclus dans la formule est nécessaire. Et cette philosophie, je l’applique à tous les parfums de la gamme. Mon inspiration, je la puise dans les codes de la tradition de la parfumerie et je les réinvente. Je conçois la parfumerie comme un art, fait par un artisan qui utilise exclusivement de belles matières. Quant au flacon, il s’inspire de mon passé lié à l’industrie. J’ai toujours été passionné par l’architecture et j’ai toujours trouvé de la beauté dans les bâtiments industriels. Ils sont sans fioriture, conçus pour mener à bien leur mission, pour être pratiques pas jolis mais je crois que l’on peut trouver de la beauté partout autour de soi, si on prend la peine d’y regarder de plus près. Autre clin d’oeil à mon passé, le nom des fragrances qui sont inspirés de la mécanique comme mécanique intuitive, mouvement perpétuel, etc.
La parfumerie c’est la mécanique des odeurs.
Mes créations sont mixtes, volontairement non-genrées. Ce sont des émotions donc au final chacun peut s’y retrouver, homme ou femme. Comme pour beaucoup de créateurs, mon envie de lancer ma marque de parfums vient du fait que je n’étais pas comblé par ce que je trouvais sur le marché. Avant de me lancer, j’ai beaucoup travaillé sur des marques de parfumerie de niche mais je trouvais qu’au final les ingrédients utilisés sont toujours un peu les mêmes que ceux employés dans la parfumerie de masse sauf que le prix est bien plus élevé et je n’étais pas d’accord avec ce principe. Dans la parfumerie de niche, il existe des impostures. Certaines marques connues n’utilisent pas de belles matières mais ça passe car souvent le client n’y connait rien. Le focus est fait sur le marketing. L’important pour lui c’est le parfum pas l’enrobage.
Il y a beaucoup de vous dans vos créations. C’est une démarche essentielle ?
Pour moi, le parfum ce n’est que des émotions, des souvenirs personnels qui nous reviennent lorsque l’on porte la fragrance. Mes créations s’adressent à des passionnés de l’artisanat du parfum.
Quelle est la particularité de vos parfums ?
Tous mes jus sont hautement concentrés, parfois jusqu’à 20% ou 25% alors que dans la plupart des parfums on ne retrouve que des extraits. Je rêve d’extraits concentrés à 40%, macérés pendant au moins 45 jours et réalisés uniquement à base des ingrédients de la meilleure qualité. Cette exigence est nécessaire car pour moi, il n’est pas envisageable de vendre un parfum qui ne tient pas. Lorsqu’on achète un parfum Les Eaux Primordiales, on adhère au concept, à la philosophie de la marque, il achète une vraie signatures, une véritable identité et il peut toujours obtenir des informations supplémentaires sur la création.
Finalement c’est beaucoup de travail de créer quelque chose de facile à comprendre.
C’est quoi, selon vous, un parfum intemporel ?
Aujourd’hui, il existe de plus en plus de tendances parfumerie : les cuirs, les ambrés, les oud, etc. mais finalement c’est comme dans la mode, les tendances ont un début et une fin. C’est facile et tentant de jouer sur ces cycles et de profiter de l’effet de mode. Personnellement, quand je pense parfum intemporel, je pense aux fragrances crées dans les années 20 et qui sont toujours vendues aujourd’hui. Je pense à Shalimar, à N°5 qui restent actuels. Un parfum intemporel c’est un parfum qui sera encore vendus dans 50 ans ou qui aurait pu exister il y a 50 ans. Je crois que l’on peut encore créer aujourd’hui, créer une nouvelle famille olfactive et faire quelque chose de neuf. Serge Lutens, que j’admire, est très avant-gardiste justement. Il crée, il expérimente, il croit en la belle parfumerie, sans trahir ses valeurs. Cela peut paraitre snob mais mon but est d’être toujours là dans 30 ans, m’inscrire dans le temps et devenir une référence dans mon domaine sans changer ma philosophie et sans trahir mes valeurs. Dans l’univers du luxe faut penser qualité et pas commercial. Y’a une réalité commerciale c’est vrai mais je crois fermement qu’il faut miser sur la qualité pour perdurer.
Les Eaux Primordiales sont vendues chez Senteurs d’Ailleurs. Place Stéphanie 1A/3 à 1000 Bruxelles.
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