A priori, difficile d’associer Victoria’s Secret au terme “inclusivité”. Pourtant, il y a quelques jours, Valentina Sampaio est devenue le premier mannequin transgenre de la marque de lingerie américaine. Critiquée pour son manque de diversité lors de ses défilés, Victoria’s Secret emboite le pas à d’autres grands labels sur le chemin de la représentativité. L’histoire de se racheter une image ?
C’est sur son compte Instagram que le mannequin Valentina Sampaio annonçait discrètement la nouvelle. Une simple photo postée lors d’un backstage de la ligne VS Pink avec le hashtag #diversité, et au tour de la toile de s’enflammer. C’est qu’il y a de quoi. Plus connue pour entretenir les stéréotypes de sexualisation véhiculés par ses jeunes mannequins filiformes, la marque n’avait pas fait beaucoup d’efforts depuis ses premiers défilés en 1995. Dans une phase critique au niveau des ventes, Victoria’s Secret a donc décidé de prendre un nouveau tournant. Et c’est Valentina, une jeune trans, qui en sera le symbole.
Qui est-elle ?
A seulement 22 ans, la brésilienne Valentina Sampaio n’en est pas à sa première consécration. En effet, elle a l’art de devenir “la première” : premier mannequin trans à faire la couverture du Vogue Paris, elle enchaine avec la Une du Vogue Brésilien. A présent, c’est chez Victoria’s Secret qu’elle inaugure la place de première mannequin transgenre. A savoir que la jeune femme est aussi ambassadrice L’Oréal, dans son pays, et cela depuis 2016. Sinon, on la retrouve également en cover du ELLE Mexico, de L’Officiel Brasil, et on en passe. C’est simple : elle fait l’unanimité.
Issue d’un milieu modeste, – sa mère était institutrice et son père pêcheur -, elle est née le 10 décembre 1996 en tant que petit garçon. Discrète sur sa vie privée, elle confiait au Daily Mail : “A l’âge de 8 ans, ma mère m’a emmenée chez un psychologue. A l’époque, j’adorais déjà être entourée de filles. Je me sentais comme l’une d’entre elles […] Le psychologue a compris que j’étais transgenre. A douze ans, j’ai commencé à m’appeler Valentina, un nom que j’avais entendu et que je trouvais beau “.
Victoria’s Secret, une marque dans la tourmente
La marque de lingerie américaine collectionne les bad buzz. En novembre 2018, lorsque le Vogue US demandait au directeur marketing de la marque, Ed Razek, s’il envisageait de diversifier les mannequins de la marque et d’inviter des femmes transgenres ou Plus size, sa réponse était on ne peut plus claire. “Non. Non, je ne pense pas que nous devrions. Pourquoi non ? Parce que le show est un fantasme.” Des propos transphobes et grossophobes qui passent alors très mal, et qui créent – à juste titre – un tollé sur la toile. Coïncidence ou pas, quelques jours après l’arrivée de Valentina, le directeur prend sa retraite… Dernier scandale en date, une pétition lancée par Model Alliance – l’association syndicale des mannequins américains – adressée au PDG de la marque, John Mehas, lui demandant une plus grande attention face au harcèlement sexuel. Plus de 100 mannequins dont Doutzen Kroes l’auraient déjà signée.
Qui dit Victoria’s Secret dit aussi mannequins maigres, mais “tout en muscles”. L’idée, c’est de faire des “Anges” des “strong independent women” qui atteignent leurs objectifs. La marque ose même se revendiquer féministe et ça, ça fait grincer les dents. Il faut savoir que pour arborer des abdominaux saillants le jour-j, Adrianna Lima confiait se nourrir exclusivement de liquide durant neuf jours. Et oui, il faut descendre la barre des 18% de masse graisseuse pour désirer faire partie des Angels. Des confidences qui questionnent sur le prix à payer pour emprunter le catwalk de Victoria’s Secret. A l’heure du body positive, la marque n’a plus la cote et les ventes sont en chute libre.
Récemment, Shanina Shaik vendait la mèche au Daily Telegraph australien : il n’y aura désormais plus de show Victoria’s Secret. Passant de 9,7 millions de téléspectateurs en 2013 à seulement 3,3 millions l’an dernier, le spectacle avait enregistré un score catastrophique et perdait alors son diffuseur TV. Cette nouvelle décision fait donc sens. D’autant plus que la marque avait annoncé, en mai dernier, vouloir “repenser le traditionnel Victoria’s Secret Fashion Show”.
Les marques, de plus en plus inclusives
Après les mannequins de couleur, ce sont les transsexuels qui font timidement leur place dans le monde de la mode et de la beauté. Encore peu nombreux, ils sont tout de même les représentants d’un renouveau dans une industrie se voulant plus représentative de la société. Hari Nef qui devient égérie L’Oréal aux Etats-Unis. Andreja Pejic qui défile pour Jean-Paul Gauthier ou Marc Jacobs et qui pose pour Make Up Forever. La liste des mannequins transgenres commence à s’allonger. Et impossible d’aborder le sujet sans parler d’Indya Moore. Révélée dans la série Pose, le mannequin trans est devenu égérie de Louis Vuitton, Gucci ou encore Calvin Klein. Il ne reste plus qu’à souhaiter que cette nouvelle diversité devienne petit à petit une norme ne devant plus être félicitée, tant elle deviendrait banale.
Estelle De Houck (stagiaire)
A LIRE AUSSI
Le label belge Sé-Ach bouscule les codes avec un mannequin transgenre