Depuis des années, des femmes se battent pour préserver l'Amazonie. Aujourd'hui, leur lutte pourrait bien devenir tristement célèbre, suite aux feux qui brûlent leurs terres.
On les voit même depuis l’espace. Des fumées, que dégagent les feux qui ravagent la forêt amazonienne. 73 000 depuis le début de 2019, soit 83% de plus que l’année dernière, à la même période. Des incendies qui grignotent petit à petit le « poumon vert » de la planète, qui jouerait un rôle crucial pour réguler les effets du réchauffement climatique, selon les environnementalistes. Une catastrophe causée par l’activité des hommes et qui détruit l’un des écosystèmes parmi les plus précieux au monde. Et si à l’est, l’activisme environnemental est incarné par une jeune fille du nom de Greta Thunberg, à l’ouest aussi, ce sont des femmes qui mènent le combat pour sauver l’Amazonie.
Une Sarayaku sur Instagram
Sur Instagram, on pourrait confondre Nina Gualinga avec l’une de ces centaines de mannequins ou influenceuses qui font la pluie et le beau temps sur la plateforme. Avec ses longs cheveux noirs et son visage expressif, elle maîtrise d'ailleurs manifestement l’art du selfie. À l’exception près qu’à 25 ans seulement, elle lutte farouchement pour les droits de l'Amazonie, la justice climatique et la sauvegarde de son peuple, les Sarayaku. Un engagement qu’elle a emmené sur le terrain, à de nombreuses conférences internationales, et récemment dans le documentaire engagé de Leonardo DiCaprio, « Before the Flood ».
Tout à commencé à l’âge de huit ans, raconte le Courrier international, quand sa petite communauté a reçu la visite d’un représentant de la Compagnie générale des combustibles, la CGC. Sa mission : convaincre les villages avoisinants des bénéfices de l’exploitation de leurs terres. « Ils nous promettaient l’éducation, la santé et 10 000 dollars », se souvient Nina Gualinga. Un marché qui a finalement été passé sans leur accord, par l’État équatorien. Pourtant, depuis 1992, les Sarayaku avaient obtenu le titre de propriété de leur territoire, et ce au prix d’une lutte sans merci. La petite fille a alors écrit une lettre — qui n’a jamais été transmise — dans laquelle elle priait les entrepreneurs de ne pas détruire la forêt. « C’était chez moi, je ne comprenais pas que quelqu’un puisse arriver et ne pas se soucier de notre mode de vie », raconte-t-elle. Mais les militaires ont fini par débarquer, et Nina a été envoyée en Suède d’où est originaire son père pour étudier. « Je n’arrivais pas à dormir la nuit, j’ignorais comment se passerait mon retour, j’imaginais la forêt transformée en site d’extraction pétrolière ».
En 2011, elle a donc représenté son peuple devant un haut tribunal des Droits de l’Homme, où les Sarayaku ont repris leur territoire des mains du gouvernement équatorien. Trois ans plus tard, elle était à la COP21 pour appeler au boycott des entreprises pétrolières. « L'Amazonie est en train de brûler. Je n'arrive même pas à l'imaginer. Mon coeur est brisé. C’est douloureux », a-t-elle écrit sur Instagram le 22 août dernier, avant de faire un appel au dons à sa communauté en ligne.
Une cheffe de tribu face aux autorités brésiliennes
De l’autre côté de la frontière, ce sont aussi des femmes qui tentent de protéger la forêt amazonienne. Au Brésil, dont le président Jair Bolsonaro est accusé par certains activistes de n’avoir rien fait pour empêcher le désastre — voire de l’avoir encouragé —, les chefs de tribus amazoniennes comptent trois femmes. Tuire est à la tête du village Kapran-krere, où elle a succédé à son oncle. Respectée des siens, elle exige le même déférence de la part des dirigeants brésiliens. C’est ainsi qu’en 1989, face à un gigantesque projet de barrage sur la rivière Xingu, elle s’est présentée aux autorités de la ville brésilienne d’Altamira. Là-bas, elle y a confronté de manière frontale ceux qui voulaient s'emparer des forces de la nature. « J’y suis allée avec mon couteau, que je garde toujours, et leur ai mis devant le visage pour qu’ils arrêtent de parler en mal de notre peuple. Je ne suis qu’une femme, une combattante, une guerrière, mais j’exige qu’ils me respectent. Ceci est ma nature, ma terre », rapporte VICE dans un article sur ces Indigènes qui se battent pour sauver l’Amazonie.
Avec des manières viriles, certes, Tuire et les siens sont finalement parvenus à imposer leurs conditions, forçant la Banque mondiale à abandonner le financement du projet de barrage. Mais pourquoi les femmes semblent-elles mettre tant d’ardeur à défendre la nature ? Pour Esperanza Martinez, la co-fondatrice du réseau international Oil Watch, « les femmes entretiennent une relation étroite avec la nature, à cause du travail que nous faisons. Nous sommes celles qui plantons les graines dans la terre. Nous sommes celles qui apportons l’eau. Mais il y a aussi une relation un peu plus spirituelle, qui a été racontée dans de nombreuses histoires indigènes ». Des récits dans lesquels les dieux ou les forces de la nature ont confié aux femmes les secrets et la puissance de la vie.
Esperanza Martinez pointe aussi un nouveau patriarcat, né avec le capitalisme, et qui affecterait tant les femmes que la nature : « Pour fonctionner, le capitalisme doit, d’un côté, exploiter la nature, et de l’autre, les femmes ». Leur imposer de (pro)créer, tout en se faisant voler le fruit de leur production. Soit les bases de l’écoféminisme, un mouvement né d’actions telles que celles de villageoises indiennes, dans les années 70… contre la déforestation de leurs terres.
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