En France, 100 personnes ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes depuis le début de l’année. Un chiffre dramatique qui rappelle la nécessité de visibiliser les féminicides pour lutter contre eux.
Elle serait la centième. Samedi 31 août, le corps d’une femme a été retrouvé sous un monticule d'ordures dans la région française des Alpes-Maritimes. La nuit précédente, la police avait enregistré un appel à l’aide — littéralement. Celui d’une voisine, témoin de cris et de coups violents qui se sont produits dans la même rue où le corps sans vie de la jeune femme de 21 ans a été découvert. En France, le nombre de victimes de féminicides de 2019 pourrait donc bien être passé à 101 femmes. Face à ce nombre intolérable, le collectif « #NousToutes » a organisé ce 1er septembre à Paris une marche, où des activistes ont porté les noms des tuées.
Féminicide, un crime de genre
Mais qu’est-ce que le féminicide, et pourquoi le différencie-t-on de l’homicide ? Si cela fait plus de 40 ans que le terme a été écrit pour la première fois par Diana E.H. Russel, cela ne fait que quelques années qu’on l’utilise dans les médias. Pour l'autrice féministe sud-africaine (mais aussi l’OMS), il s’agit précisément du « meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme ». On l'appelle aussi « fémicide », « gynécide » ou « gynocide ». Toutes ces appellations relèvent du même problème : des hommes tuent les femmes pour ce qu’elles représentent et parce qu’ils en ont la force et le pouvoir. Et si un féminicide peut être perpétré par un tueur anonyme, en rue par exemple, il est le plus souvent le fait de conjoints et ex-compagnons. C’est donc un meurtre de haine misogyne, un crime de genre, l’ultime manifestation de rapports de pouvoir entre hommes et femmes.
100 femmes tuées depuis le début de l'année par leur conjoint ou ex-conjoint : @gouvernementFR @MarleneSchiappa @EmmanuelMacron, il faut #1MilliardPas1Million#feminicideshttps://t.co/YPkpwhgZpp pic.twitter.com/hVyuXGhP4J
— #NousToutes (@Nous_Toutes) September 1, 2019
Visibiliser
Et si ces assassinats méritent leur propre terme pour les définir, c’est parce qu’il permet de nommer une réalité existante, mais souvent passée sous silence. Parce qu’ils ont lieu au sein-même du foyer, ils relèvent pour certains de l’intimité familiale. On l’appelle alors « drame conjugal » ou « crime passionnel », et il se retrouve relégué à la rubrique « faits divers ». En réalité, le féminicide relève d’une systémique sexiste, « un phénomène social sur lequel on a une responsabilité collective », explique la coordinatrice de Vie Féminine Céline Caudron dans un article de la RTBF.
Un caractère sexiste qui n’est aujourd’hui toujours pas pris en compte par les tribunaux belges, où le terme féminicide n’est toujours pas inscrit au code pénal. Pourtant, ils font aussi rage en Belgique, où l’on décompte depuis le début de l’année déjà 15 victimes. Des femmes dont on n’apprend le meurtre que dans la presse en ligne, pour l’instant. La plateforme Stop Féminicide qui recense ces assassinats n’a en effet pas d’autres ressources, à l’heure où l’État belge ne comptabilise pas lui-même ces cas — à l’inverse de la France, dont les chiffres proviennent du ministère de l’intérieur. Elle pourraient donc être davantage que 15 à être mortes sous les coups d’hommes. Pour les militantes, recenser officiellement les féminicides joue un rôle dans leur visibilisation, afin que des actions concrètes soient prises pour lutter contre ces meurtres. Une manière de ne pas passer sous silence les circonstances de la mort d'Elodie (30 ans), Eliane (69 ans) ou Sally (40 ans), tuée il y a quelques jours à peine.
Des mesures concrètes, mais pas suffisantes
En juillet dernier, Isabelle a été abattue par son ex de deux balles dans la tête, au beau milieu d’une fête en Wallonie. Avant cela, elle avait déjà porté plainte quatre fois pour violences. Le système de protection des victimes semble donc aujourd’hui encore cruellement inefficace. Néanmoins, des outils légaux existent, comme celui qui permet d’éloigner un conjoint violent du domicile conjugal dix jours durant. Pendant cette période, la femme peut ainsi prendre ses dispositions pour partir ou chercher refuge dans une maison d’accueil. En 2020, un nouveau plan d’action national de lutte contre les violences faites aux femmes sera également activé, et ce pour une période de quatre ans. Le numéro gratuit 0800 98 100 permet aussi aux victimes de trouve une oreille à qui confier leur situation, afin d’entamer les démarches qui pourraient leur sauver la vie.
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