Chanteuse, actrice, humoriste et star des réseaux sociaux, Camille Lellouche, l’artiste la plus solaire et inclassable de sa génération revient bientôt sur scène en Belgique. Rencontre avec ce phénomène hybride.
S’il y a bien des gens qui ont toujours besoin de mettre une étiquette, ce sont les journalistes. Mais voilà, avec Camille Lellouche, ça ne prend pas. Pianiste depuis l’âge de six ans, la musicienne n’a depuis cessé de rajouter des cordes à son arc. À son actif, la jeune artiste empile, non pas les casseroles, mais les succès : actrice dans un film qui lui a fait – notamment – monter les marches à Cannes, chanteuse et demi-finaliste de The Voice, phénomène qui enchaîne les buzz sur internet, humoriste ovationnée sur scène et même journaliste décalée à ses heures perdues. De passage en Belgique pour la promo de son spectacle éponyme, Camille s’est livrée sans filtre sur ses années de galères, son ascension, ses inspirations et son avenir. Rencontre avec une artiste aussi rayonnante que talentueuse !
Tu es chanteuse, actrice, humoriste et même journaliste sur youtube maintenant. Est-ce que tu souffres de boulimie artistique ?
Je veux pouvoir faire tout ce pour quoi j’ai travaillé dur. J’ai fait 20 ans de piano, je chante depuis plusieurs années, je fais rire… Tout est lié au milieu artistique alors pourquoi ne pas tout mettre dans un spectacle ?
On sait qu’aux Etats-Unis c’est hyper commun et accepté de voir un artiste à la fois DJ, scénographe, styliste et prof de yoga par exemple. Mais j’ai l’impression que c’est plus compliqué voire critiqué en France…
C’est vrai, c’est un sujet important à soulever. Je sens qu’il y a des barrières et de la résistance. Les gens ne sont pas prêts à accepter tout ce que je fais. On se demande dans quelle case me mettre avec toutes mes casquettes, alors que je refuse d’être enfermée. Pourquoi ne pourrais-je pas tout faire si j’arrive à être bonne dans tout ? J’ai l’impression que c’est aussi un truc un peu sexiste. T’as des Marc Lavoine ou des Patrick Bruel qui sont chanteurs, comédiens, acteurs, etc, et à eux personne ne leur demande de choisir. Mais quand t’es une femme tu dois choisir et renoncer. Moi je ne veux pas.
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D’où t’es venue cette envie de te lancer dans une carrière artistique d’ailleurs ?
Je n’ai pas ce qu’on peut appeler une famille d’artistes mais il y a quand même une fibre forte dans mon entourage. Ma maman qui faisait de la chorale m’a rapidement mise au piano vers quatre ans. C’était pas vraiment mon truc à cet âge-là tu peux l’imaginer, mais deux ans après j’ai demandé pour tenter à nouveau l’expérience et j’ai adoré. La musique ne m’a ensuite plus lâchée. Après pour résumer : j’ai joué dans un film (Grand Central en 2012), j’ai fait des vidéos sur les réseaux sociaux, j’ai participé à The Voice, j’ai refait des vidéos et puis boum: le spectacle.
C’était pas trop galère ?
Si bien sûr et puis ça a pris énormément de temps ! Il faut être patient, endurant et bien entouré pour ne pas lâcher. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est chacun son heure. La porte s’entrouvre un moment et puis un jour, elle s’ouvre en grand, et là t’as intérêt à t’y engouffrer. Si tu travailles dur, ton plus grand risque c’est quoi ? Echouer ? Mais pas mourir. Donc c’est un peu bateau mais il faut croire en ses rêves, même si tout le monde nous vous dit de renoncer, il ne faut rien lâcher. Ça va marcher.
Ta porte à toi s’est ouverte grâce à tes capsules vidéos sur les réseaux sociaux
Exactement ! C’est très puissant les réseaux sociaux et tu ne t’attends pas à avoir autant d’ampleur du jour au lendemain. Ça te permet vraiment de toucher plein de gens et de former et faire grandir une communauté qui te suit et t’encourage. La mienne est très bienveillante en plus.
Tu es maintenant passée du smartphone à la scène, tu nous parles de ce spectacle ?
Je vais continuer à faire des vidéos aussi longtemps que possible, mais oui la scène c’est un tout autre univers. Tout est construit, écrit, répété, programmé… Il y a de l’humour, du chant, de la musique et des personnages. J’incarne surtout des femmes qui sont issues de milieux sociaux complètement différents, mais qui sont réunies par le sentiment de solitude. Tu peux être riche ou pauvre, quand t’es seule, t’es seule. Et je trouve que c’est un truc typiquement féminin. Les femmes ont tendance à rester seules plus longtemps et à ne pas en parler. Elles gèrent mieux la solitude alors qu’un mec peut être depuis 15 ans avec une nana, rompre et le lendemain se remettre en couple.
Et qui sont ces femmes dont tu t’inspires ?
J’ai servi et observé beaucoup de femmes seules lorsque j’étais serveuse. Ce n’était pas très joyeux et j’avais limite envie de m’asseoir avec elles. T’as la nana qui n’a pas beaucoup d’argent mais qui te laisse quand même une petite pièce en guise de pourboire pour le geste, t’as la bourgeoise qui t’adresse à peine un regard… Mais ce qui est drôle, c’est qu’elles font toutes les deux la même chose : elles regardent les gens qui passent, seules.
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Cette solitude c’est quelque chose que tu partages avec tes personnages ?
Pas complètement, mais on a toutes déjà ressenti ce sentiment de solitude. Toutes les filles ont déjà connu le célibat par exemple. Moi j’adore me faire un resto ou un film en solo. Ça ne me dérange pas du tout, mais je dois donc veiller à ce que ça ne devienne pas un engrenage.
Tes personnages ont d’autres similitudes avec toi ?
Il y a un peu de moi ou de mon entourage dans chacun de mes personnages. Quand je joue une petite dame du nord qui n’a pas beaucoup d’argent et qui se fait battre, ça ne vient pas de nulle part. C’est arrivé à beaucoup de femmes de mon entourage. C’est d’ailleurs un peu le moment fort du spectacle, l’instant où je fais passer un message. Sinon il y a aussi la cousine de Kim K, une vraie cagole, mais qui me ressemble dans le sens où je suis aussi une grande gueule comme elle (rires).
Et au-delà ceux qui inspirent tes personnages, qui a influencé ton humour ?
Hélas pas beaucoup de femmes. J’ai plus des références masculines en tête comme Elie Kakou pour ses personnages, son vécu, ses blessures et sa sensibilité. Je suis aussi une grande fan de Gad Elmaleh pour le côté showman piano-voix-chant etc… Et comme nana, j’aime bien Julie Ferrier. Elle est complètement barrée et j’adore la folie chez les gens.
Il y avait aussi moins femmes humoristes à l’époque et puis elles étaient moins visibles, audibles et médiatisées…
Clairement, mais c’est encore le cas aujourd’hui. Le traitement et la critique ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes. Moi je m’en fous, mais je sais qu’un mec qui dit “bite, couille, chatte”, ça va choquer, mais les gens vont rire. Une fille qui tient les mêmes propos va être taxée de “grossière, trop vulgaire, pas drôle et pas distinguée”. Il y a donc encore des barrières. Mais j’essaie d’en faire tomber. Dans mon spectacle, je parle de la patte de chameau (cameltoe) que les nanas ont quand elles portent un legging. Et je montre ce que ça fait sur moi-même. Tous les gens sont hilares mais tu vois toujours deux ou trois mecs qui baissent la tête, jugent ou critiquent. Ça dérange parce que là c’est moi qui maîtrise cette envie de montrer mon corps de telle manière et de montrer telle image de moi en tant que femme. Faut pas jouer les hypocrites, ceux que ça dérange c’est aussi ceux qui matent justement le cameltoe des meufs en legging dans la rue et qui vont peut-être même se moquer.
À l’avenir tu comptes donc abandonner les personnages pour te dévoiler ?
Oui, je pense que je vais petit à petit délaisser mes personnages. Mais le premier spectacle n’est pas quelque chose de facile. C’est dur à encaisser et ça fait peur. Incarner des gens était une sorte de carapace. Aujourd’hui, je me sens prête à parler un peu plus de moi. C’est une suite logique, car j’ai vraiment un soucis d’honnêteté avec mon public. Quand je fais des vidéos, je ne me maquille pas, je me fous de la tête que j’ai, je suis naturelle et je veux que ce soit la même chose sur scène. Mais même si j’ai une grande gueule, je suis quelqu’un d’assez pudique et timide. Je ne parle jamais de ma vie privée, de mes relations ou de mes sentiments. Mais je sens que c’est le moment de passer à table (rires).
Et revenir aux sources avec un album, c’est envisageable ?
Oui, j’aimerai bien et j’y pense de plus en plus car la musique est mon premier amour. Mais je n’ai pas encore de date si c’est ce que tu attends (rires).
Dernière question, dans l”ITV de Cam” sur Youtube, tu mets toujours tes intervenants au défi de lâcher un dossier sur eux ou sur quelqu’un de connu. T’en as un pour nous ?
Je vais me mouiller (rires). Tu peux déjà savoir que je suis une énorme trackeuse et que je suis pudique. Mais mon vrai doss’, c’est que je vais systématiquement aux toilettes 15 minutes avant de monter sur scène pour… je vais pas te faire un dessin… avec le stress tout ça… Mais ce qui est drôle c’est que je suis réglée comme une horloge ! Si les gens me cherchent avant un spectacle ils savent qu’ils peuvent me trouver aux toilettes (rires).
Envie de voir Camille Lellouche sur scène ? Elle sera on fire le 9 octobre 2019 au Cirque Royal à Bruxelles et le 20 octobre 2019 au Forum à Liège !
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