Lady Gaga. Mother Monster. L’unique. Celle qui affirme que sa voix est un don de dieu et qui transforme en beau, en sincère et en or tout ce qu’elle touche. Gaga, ô lala !
Une salle de réunion au dixième étage du Waldorf Astoria sur le Strip de Las Vegas. C’est là qu’elle assure ses rendez-vous de la journée. La climatisation fonctionne beaucoup trop fort et tant mieux : une bonne excuse pour justifier les litres de transpiration de trouille qui dégoulinent de nos mains moites. Stefania Germanotta – de son vrai nom – a posé ses valises depuis un moment à Vegas. On a eu la chance d’assister hier et avant-hier à ses deux derniers concerts. Un pop-show hallucinant où, vêtue d’une tenue scintillante et coiffée d’une perruque verte, elle joue de la guitare électrique suspendue à un câble au-dessus du public. Le lendemain, elle faisait à nouveau un malheur avec son concert de jazz. Elle y apparaissait dans des robes de grands couturiers (cinq au total) et accompagnée par le légendaire Tony Bennett. La raison pour laquelle on est là à l’attendre les genoux tremblants ? Une rencontre organisée par la marque de montres Tudor, petite sœur de Rolex, pour une poignée de veinards. Lady Gaga est le visage de la campagne orchestrée par la marque de luxe.
« Deux minutes ! » On s’attend à ce que la double porte s’ouvre d’un coup pour laisser la star pénétrer dans la pièce dans une robe Valentino en saluant de la main telle une reine. Au comble de la nervosité, on fixe la porte si fort qu’on entend à peine le toussotement dans notre dos. « Salut », nous interpelle Lady Gaga. On se retourne en sursautant pour découvrir la chanteuse qui était entrée dans la pièce par la petite porte. Pas de robe de gala, mais un élégant costume noir sur mesure. Une larme coule au coin de notre œil.
On vous a vue en live dans un concert pop avant-hier et dans un spectacle de jazz hier. D’où vous est venue l’idée d’alterner les genres musicaux ?
C’était en réalité un coup de poker. J’ai contacté les organisateurs à Las Vegas pour leur proposer deux spectacles différents. Ils n’étaient pas très emballés, surtout pour le concert de jazz. Je leur ai demandé de me faire confiance en précisant que j’assumerais les conséquences si les tickets ne se vendaient pas. Résultat ? Les spectacles de jazz ont été sold out les premiers. Je tenais à exprimer mes deux facettes. J’aime repousser les limites et rompre avec l’idée que les pop stars viennent finir leur vie à Las Vegas (rires). À une époque, Vegas était réservé à ceux qui avaient fait leurs preuves.
Pourquoi le jazz a-t-il une telle importance pour vous ?
Beaucoup l’ignorent, mais j’ai chanté du jazz bien avant de faire de la pop. La femme blanche que je suis éprouve un immense respect pour ce genre musical né au sein de la communauté afro-américaine. Je me sentais assez nerveuse à l’idée d’y consacrer tout un spectacle, parce que je tenais à lui rendre hommage correctement. Hors de question de faire dans la demi-mesure.
Vous composez votre propre musique. Comment faites-vous ?
C’est différent à chaque fois, je ne suis pas un schéma fixe. Je travaille sur un thème. Ou j’écris un poème que je convertis ensuite en paroles. Je peux aussi m’installer au piano sous le coup d’une émotion pour écrire une chanson dans la foulée. Le processus d’écriture peut être très émotionnel. Il m’arrive également de collaborer avec des producteurs qui me soumettent des idées et des rythmes. Je prends place devant le micro et je commence à chanter sur la musique que j’entends pour la première fois. C’est la seule façon de rester spontanée et créative. La seule règle que j’applique aux morceaux qu’on me propose : si je ne m’en souviens pas après la première fois, ça ne marchera pas.
Votre style vestimentaire est un peu moins extravagant qu’avant. Vous allez cultiver ce look chic ?
Il fut un temps où changer de style était pour moi synonyme de changer de peau. Quand je me sentais mal, je me teignais les cheveux, je portais une perruque ou j’enfilais une tenue qui modifiait totalement mon apparence. Juste parce que je voulais me sentir différente, être quelqu’un d’autre. Aujourd’hui, j’ai gagné en maturité. Je me transforme encore du jour au lendemain, mais de manière moins extrême. Tout dépend de mon état d’esprit : j’ai troqué mon tutu d’hier contre un costume noir. Je trouve qu’on subit trop de pression par rapport au look, surtout sur les réseaux sociaux, mais je ne joue pas à ce jeu-là. « When I’m zigging now, I like to zag later »(Je zig aujourd’hui, je zag demain et j’aime ça, NDLR).
Vous aimez soutenir de jeunes créateurs.
Pour moi, le talent du créateur prime sur le nom inscrit sur l’étiquette. Il m’arrive même de pleurer de joie quand je découvre un jeune talent. Pour lui, je suis prête à déplacer des montagnes. Mais la mode est aussi une question d’amitié et pas uniquement de tendances. Aujourd’hui, je porte un tailleur Celine parce que je veux soutenir Hedi Slimane. Il a réalisé un travail formidable chez Saint Laurent et son talent culmine chez Celine. Je suis fidèle en amitié. C’est pour ça que je porte souvent du Versace, Donatella et moi sommes très proches.
À quel point est-ce important pour vous de vous réinventer ?
C’est une question que je me suis déjà posée.
Pourquoi Gaga ? Pourquoi faut-il toujours que tu te renouvelles ? Pourquoi poursuis-tu sans cesse un nouveau rêve ? Pourquoi dois-tu toujours te dépasser ? Pourquoi ne peux-tu pas tout simplement te détendre ?
Je ne connais pas la réponse. Je pense avoir reçu un don. De l’univers ou d’un autre objet de croyance – Dieu en ce qui me concerne. Et je ressens le besoin de le partager avec le monde entier.
Vous avez une année phénoménale derrière vous, avec un Oscar, un Grammy, un Bafta, un Golden Globe pour la bande-son de « A Star is Born »…
Je n’ai pas encore réalisé, en fait. Mon planning chargé ne me laisse pas le temps d’emmagasiner tout ça. Mes neuf Grammys et mon Oscar occupent une étagère de ma cuisine. Quand je prends un café chez moi le matin, il m’arrive d’en saisir un et de me dire : « Waouh, c’est toi qui as remporté ce prix. » Mais pour être honnête, ma vraie récompense, je la trouve dans le processus créatif. Il m’est arrivé de rêver de trophées, mais je suis surtout devenue l’artiste que j’ai toujours voulu être.
Quelle image aimeriez-vous que le public garde de vous ?
Celle d’une personne courageuse. Ça me ferait plaisir évidemment qu’on se souvienne de ma musique et de mon art dans plusieurs dizaines d’années, mais je préférerais rester dans la mémoire collective comme quelqu’un de courageux, qui ne mâche pas ses mots.
Je ne crois pas que Dieu m’ait donné cette voix pour que je devienne célèbre, mais pour changer le monde. C’est mon but ultime.
Estimez-vous que les artistes d’aujourd’hui doivent utiliser leur statut pour diffuser un message ?
C’est le devoir de chaque artiste. Je trouve effrayant de voir des stars adulées qui paradent. Ça donne une fausse idée à tous ces jeunes. Il faut au contraire les inciter à prendre leur courage à deux mains, à se donner un but qui dépasse de loin la beauté physique ou le nombre impressionnant de followers. Je veux avant tout porter un message d’amour et de compassion. C’est pour ça que j’insiste sur l’importance d’une bonne santé mentale. Le but de ma fondation Born This Way, dirigée par ma mère et son amie Maya, est d’apporter une première aide aux adolescents dépressifs. Elle est active dans huit écoles secondaires, auxquelles va s’ajouter une vingtaine d’établissements. Huit vies ont déjà pu être sauvées… Et quand je pose les yeux sur mon Oscar, je me dis : « OK, mais qu’est-ce que tu comptes faire pour l’humanité ? »
#borntodare
Lady Gaga est l’ambassadrice de la campagne #borntodare de Tudor, la marque suisse de montres de luxe. Le fait que ce hashtag et la superproduction “ A Star is Born ” s’inscrivent dans le même esprit est un heureux hasard. Lady Gaga ne prête pas facilement son visage à une campagne commerciale, mais cette collaboration lui a donné une bonne impression. « Ce que j’aime chez Tudor, c’est son désir d’innover tout en restant fidèle à la précieuse nostalgie attachée à son nom. En plus, ses collaborateurs sont bien plus sympas qu’on ne l’imagine. Ils ont assisté à tous mes shows à Vegas ! » Quant à Tudor, elle a choisi Lady Gaga pour son profil à la fois provocateur et engagé.
(Traduction: Virginie Dupont)