Il est arrivé dans une maison familiale menée par quatre générations de cordonniers, avec très peu d’archives de prêt-à-porter. Le Belge Kris Van Assche porte à la fois une mission, et le blanc-seing d’une page quasi vierge.
Chez Berluti, la ligne de vêtements a été lancée en 2011, après plus d’un siècle d’excellence dans la façon des souliers. Depuis deux saisons, comme dans de nombreuses maisons de luxe française, c’est un Belge qui a pris les rênes du studio de création, pour apporter une élégance radicale et progressiste au « classique parisien ».
Kris Van Assche, 43 ans, installé à Paris depuis qu’il est entré comme premier assistant chez Yves Saint Laurent, puis été nommé directeur artistique de Dior Homme à la suite d’Hedi Slimane, a aussi lancé sa marque éponyme, KRISVANASSCHE, en 2004. De ses études à l’Académie d’Anvers, il est resté proche de Haider Ackermann – qu’il a remplacé chez Berluti en 2018 – Tim Coppens ou Bernhard Willhelm. Plus californien que maître flamand, Jared Leto compte aussi parmi ses amis. A l’époque de son adolescence, il était fasciné par la mode fantasque de Mugler ou Gaultier, avant de tourner son goût vers l’épure anversoise et japonaise de Martin Margiela, Ann Demeulemeester, Comme des Garçons ou Yamamoto.
Discret, moins « spectaculaire » qu’un Hedi Slimane, c’est dans ce minimalisme d’effets qu’il a développé son identité créative tranchée, radicale et tournée vers un avenir où les codes se croisent et se multiplient.
Ramener le vêtement à son usage premier
Dans sa propre Maison, il a toujours conjugué les volumes et les chocs visuels, dans une « simplicité » si exigeante à atteindre. Sous son égide, les lignes masculines glissent subtilement d’une raideur statutaire à un message plus ludique pour des corps habités : Kris Van Assche créer du luxe formel pour des corps sportifs et de tous vécus, pensant au confort de silhouettes avant-gardistes et incarnées. A l’époque Dior, il avait redessiné la célèbre veste Bar… pour homme. Son objectif ? « Rendre les gens beaux et intéressants ».
Gymnastique de l’esprit aisée
Cet hyperactif-créatif est connu pour veiller à chaque détail avec une attention quasi obsessionnelle, mais visionnaire et bienveillante : ses équipes lui sont fidèles depuis ses débuts, ou presque. Il déteste les retards, le désordre, l’imprévu, les nerfs fragiles. Il a d’ailleurs déclaré à Fashion Network : « De mon point de vue, quand on travaille dans la mode, on n’a pas le droit d’être malheureux. Cette souffrance dans la mode est pathétique ! »
Le créateur est réputé clair dans ses directives, mais à l’écoute de ses collaborateurs : il a le dernier mot, mais attend de son entourage qu’il contribue activement à la construction de chaque projet. Lorsqu’il se sent trop attiré par le tailoring, bercé par les cultures New wave, culture urbaine et cinéma, il contrebalance avec des accents sportswear, mixant classicisme et jeunisme légitime.
Des détails qui n’en sont pas
On l’identifie à la perfection technique de ses constructions. Sa passion des matières brutes a tout naturellement rencontré les nuances du marbre de la table de travail des artisans Berluti qui, dans la manufacture de Ferrara, teignent et polissent les souliers dans des camaïeux signatures. Cette impression sur sa rétine est devenue le motif de sa première collection : «j’aime totalement le contraste entre le noble et le brutal. Nous l’avons donc photographiée et c’est devenu une impression sur les chemises, les costumes et les manteaux de soie – nous ne l’avons pas retouchée du tout. Et toutes ces couleurs ont fourni la palette pour le reste de la collection ».
Le brut et le noble accompagnent toute sa première collection automne-hiver pour Berluti
Des déclinaisons de tons « cuir » roux, jaunes, bleus et violets, rouges et verts saturent les vêtements de couleurs riches, uniques à chaque pièce. « J’ai toujours voulu créer des ponts entre le savoir-faire, l’héritage d’une maison et ma vision résolument contemporaine ».
Et puisque la femme est un explorateur comme un autre, depuis deux saisons que Kris Van Assche préside à la destinée de la Maison parisienne, de nombreuses silhouettes féminines sont venues compléter un vestiaire qui souligne le pouvoir de l’élégance : la seule marque exclusivement masculine du groupe LVMH a traversé les lignes, compris et sublimé cet indispensable défi sociologiques de l’époque : le chevauchement des genres.
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