Le chef multi-étoilé Sang Hoon Degeimbre nous partage les ustensiles indispensables de tout bon cuisinier, des grandes tables à celles du quotidien.

On a l’habitude de le voir dans sa veste blanche, boutonnée à droite, et tablier croisé à la taille. Mais pour une fois, en polo et jean, il est de passage de l’autre côté du comptoir. Le chef deux étoiles Sang Hoon Degeimbre ne peut pourtant s’empêcher de se pencher par-dessus celui-ci pour montrer au chef de son restaurant San de Gand, Joël Rammelsberg, pour lui montrer sa dernière trouvaille culinaire sur l’écran de son téléphone. Alors, puisqu’il est semble-t-il toujours de service, on se permet de tirer la manche du cuisinier pour lui demander quelques conseils. Dites, chef, si on veut soi aussi jongler avec les casseroles pour un grand repas ou la vie de tous les jours, on s’équipe de quoi, a minima ?

Un couteau de chef

« Avant toute chose, d’un bon couteau ! C’est un outil qu’on doit avoir bien en main. Il faut aussi que la lame soit rigide. J’aime l’idée de travailler avec de beaux matériaux, et notamment le contact avec le bois. Et évidemment, c’est encore mieux s’il est fabriqué par un bon artisan. On y retrouve alors une espèce d’amour, une intention qui en fait un objet magnifique. On en trouve en Belgique, comme chez Claude Bouchonville, du côté de Gembloux. C’est un coutelier qui fait pas mal de couteaux de chasse, mais qui a aussi une gamme de cuisine. Ça prend forcément un peu plus de temps, mais c’est le genre de personne qui est capable de vous faire un ustensile sur-mesure.

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Et pour le dressage ? Avec des mains délicates, la plupart du temps, et une longue pince fine, quand on ne peut pas faire autrement.

Une mandoline pour une cuisine fine

« La mandoline, c’est aussi un ustensile indispensable. Elle permet de travailler le cru de manière très fine, ce qui est clairement plus agréable. Elle permet aussi d’avoir une uniformité de cuisson, pour les légumes par exemple. Puis ça va aussi tout simplement plus vite qu’avec un couteau ! Mais comme chaque ustensile, il faut savoir s’en servir. Pour la mandoline, par exemple, on a souvent peur de se couper le bout des doigts. Sauf qu’on n’utilise pas du tout cette partie-là de la main, en principe : il faut couper avec le plat ! »

Prendre la température du repas

« Le thermomètre, je l’utilise même chez moi. Je travaille beaucoup au toucher, mais j’ai parfois besoin de confirmer certaines choses. Mais le thermomètre est surtout utile pour la création : à partir du moment où l’on veut transmettre des recettes ou des techniques, il est important d’avoir les bonnes mesures. J’aime le côté instinctif du cuisinier, mais c’est aussi vraiment intéressant d’avoir la possibilité de transmettre quelque chose. »

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Mauviel, des ustensiles éternels

Ce jour-là, des éclats chauds strient les murs du restaurant San à Gand. Rien à voir avec la lumière d’automne pourtant — d’ailleurs plutôt terne en ce lundi. Non, ce sont les reflets des ustensiles Mauviel qui miroitent et attirent l’œil. Des poêlons couleur cuivre et des corbeilles à pain en équilibre, que présente aujourd’hui Sang Hoon Degeimbre à quelques curieux. C’est qu’il entretient depuis quelques années déjà une histoire d’amour avec cette marque française, en fabrication depuis 1830 en Normandie. Et comme dans toute romance, même culinaire, il y a le quotidien — des poêles et casseroles qu’on retrouve dans tous les établissements du chef, de Gand à Liernu — et quelques fulgurances, comme ce fameux « plumier à carottes » qu’on peut découvrir à la bonne saison à l’Air du Temps, ou cette « couscoussière » ingénieuse, conçue spécialement pour lui.

Soit un récipient bas, surmonté d’une petite casserole plate recouverte d’un couvercle en verre. Sang Hoon Degeimbre l’a rebaptisée rêveusement sa « vaporeuse ». Utilement aussi, puisqu’elle lui sert justement à cuire à la vapeur — mais sans eau. Dans l’habitacle du bas, il place deux grosses poignées de feuilles : de l’angélique, du shiso vert… qui, sous l’effet de la chaleur, dégorgent une eau parfumée qui s’envole ensuite en nuage de vapeur et vient frapper la casserole du haut. Une invention maligne qui concentre les saveurs sans gorger d’eau, dont Mauviel est parti du dessin du chef pour élaborer le prototype. L’ustensile a été conçu par des artisans formés à un métier méconnu : des étaneurs qui travaillent le cuivre ultra-conducteur, mais aussi l’inox, l’aluminium et la tôle noire — réservée plutôt aux pâtissiers. Un savoir-faire presque oublié, qui perdure néanmoins dans la fabrique à taille humaine de Mauviel. « Ce qui est génial, c’est d’y voir des artisans âgés revenir pour transmettre à une nouvelle génération d’artisans », s’enthousiasme Sang Hoon Degeimbre.

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La fameuse “vaporeuse”, qui sert aussi de plat de service, comme pour ces ballotines de shiso au foie.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : cette marque qui conçoit depuis sept générations des ustensiles de cuisine n’est pas seulement réservée aux chefs de renommée. Alors qu’ils pensaient tout plaquer il y a une paire d’années, père et fille ont décidé de commencer à produire pour les cuisiniers de tous les jours. D’ailleurs, Valérie Le Guern Gilbert, qui dirige désormais Mauviel, le confesse sans honte : « Jusqu’en 2013, je ne connaissais aucun chef ». Les casseroles en cuivre se passent donc aussi de génération en génération, comme le savoir-faire artisan ou les conseils de Sang Hoon Degeimbre. Une histoire de transmission, donc, des grandes cuisines à ces tables où l’on passe finalement bien plus de temps que celles des étoilés.

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