D’ici 2023, le marché des insectes comestibles aura gagné l’ensemble de nos supermarchés. Mais qui sont finalement ces petites bêbêtes aux vertus multiples ?
Gabrielle Wittock est en quelque sorte une experte en insectes comestibles. Après des études en psychologie et en marketing digital, elle réalise un stage dans la plus grande ferme urbaine d’Europe d’insectes comestibles située à Bruxelles, Little Food, et réalise un mémoire sur le sujet. Depuis, la jeune femme met tout en œuvre pour favoriser l’acceptation des insectes dans notre alimentation via son média de sensibilisation « Papillafood ». En huit points, Gabrielle nous familiarise avec ce sujet qui suscite bien des controverses.
1. Pourquoi manger des insectes ?
En général, ils sont très riches en minéraux, en vitamines et en protéines (40 à 75% de protéines très digestes et assimilables de 78 à 99% par le corps). La production d’insectes à un impact environnemental minime en comparaison à la viande traditionnelle. Ils mangent très peu et ont une croissance rapide. Ils peuvent être élevés localement et verticalement entrainant moins de transport et plus de place au sol pour l’élevage. Ils se mangent dans leur entièreté, pas de gaspillage donc. Ils peuvent être nourris de déchets issus de l’agriculture biologique et leurs excréments peuvent être utilisés comme fertilisants.
Si le modèle d’élevage d’insectes est bien pensé, il peut s’inscrire dans une réelle démarche d’économie circulaire. Prenons l’exemple du grillon : un bœuf sera nourri durant deux ans avant de pouvoir être consommé tandis qu’un grillon le sera durant 40 jours. Pour la même quantité de nourriture donnée, l’insecte va fournir 25 fois plus de protéines animales, émettre 60 fois moins de gaz à effet de serre et utiliser 300 fois moins d’eau que le bœuf. Bref, tout est bon dans le grillon !
2. Quels sont les inconvénients ?
Les insectes restent hélas encore chers. Les spécialistes s’accordent sur le fait que dans 2 ans les insectes connaitront un réel intérêt. D’ici 2023, le marché des insectes comestibles connaitra une croissance de 43%. Le prix diminuera alors. Le second inconvénient demeure que certaines espèces d’insectes doivent vivre dans un climat chaud, il faut donc chauffer l’élevage pour une croissance optimale. C’est pourquoi le modèle d’élevage doit être bien choisi si l’éleveur veut conserver l’aspect écologique et durable.
3. Si on mange des insectes, peut-on privilégier le local également ?
Bien entendu, si l’on consomme des insectes, il faut privilégier les éleveurs locaux. Il existe différents éleveurs belges dont Little Food à Bruxelles, Bugood Food à Jumet et Nusect à Courtrai. Différents organismes transforment aussi les insectes en farine comme la firme Lyra. Dans certains magasins on peut trouver les barres céréales KRIKET, qui sont de délicieuses barres enrichies en farine de grillons élevés à Bruxelles. Et très prochainement, vous pourrez déguster mes propres produits sous la marque : Yumma.
4. La Belgique semble avoir une place importante dans ce secteur…
Oui, elle a été précurseur. Ses débuts dans la commercialisation d’insectes pour l’alimentation humaine remontent à 2012. C’est en Belgique que le dossier Novel Food a été constitué par différents acteurs, grâce à lui les insectes sont acceptés dans notre alimentation. Ces dossiers, une fois approuvés par la Commission Européenne, permettront de légaliser la consommation d’insectes partout en Europe d’ici la fin 2020.
5. Tous les insectes sont-ils intéressants ? Quels insectes manger en Belgique ?
Il existe un peu moins d’un million d’espèces d’insectes dans le monde dont plus de 2000 ont été répertoriées comme comestibles pour l’humain. Les profils nutritionnels et l’impact environnemental de leur élevage peuvent changer d’un insecte à un autre. C’est pourquoi il est très important de bien choisir la petite bête qui terminera dans notre assiette. En Belgique, il y a trois espèces acceptées : le grillon, le vers de farine et la sauterelle. La sauterelle n’est pas encore commercialisée car elle est plus compliquée à élever.
6. Comment débuter l’intégration d’insectes dans son alimentation ?
Il existe une multitude de produits à base d’insectes qui sont faciles à intégrer dans son alimentation quotidienne. Par exemple, la farine de grillon est idéale dans diverses préparations telles que pain, gâteau, cookie, burger végétarien, fallafel… Elle peut aussi être saupoudrée sur les plats : pâtes, salade, soupe. Pour les plus curieux, les insectes peuvent aussi être proposés aux convives à l’apéro. Ca impressionne mais ça suscite aussi la discussion et la découverte d’un nouvel aliment.
7. Et les végétariens, peuvent-ils en manger ?
Je suis moi-même végétarienne et j’en mange régulièrement. Il y a quelques années, j’ai eu des carences alimentaires car je ne prenais pas toujours le temps de cuisiner et de remplacer mes protéines animales. Avec les insectes, tout a été très simple. Déshydratés, je les ajoutais à mes plats sans devoir vraiment cuisiner. Depuis que je les ai adoptés dans mon alimentation, je n’ai plus aucune carence ! Souvent, les végétariens ne mangent pas de viande pour l’impact environnemental ou pour la cause animale. L’élevage d’insectes a un impact moindre sur l’environnement, et, selon les scientifiques, les insectes ne ressentent pas la douleur. Ils vivent pendant 40 jours dans de très bonnes conditions de vie dans de petits « hôtels à insectes ». Selon moi, ils sont l’alternative idéale pour les végétariens.
8. L’entomophagie, notre avenir ?
Actuellement, 2/3 des surfaces agricoles sont cultivées pour nourrir les animaux que nous allons consommer. Sachant que d’ici 2050 nous serons 9 milliards de personnes sur Terre, nous aurons besoin de 1,77 fois plus de nourriture qu’à l’heure actuelle. L’agriculture est le plus gros polluant de notre planète. L’homme a besoin de protéines animales mais nous ne pouvons continuer cette production effrénée avec des ressources naturelles de plus en plus rares. En plus d’offrir une multitude de bénéfices incroyables pour la santé et l’environnement, les insectes sont délicieux et simples à cuisiner. Avec leur élevage, la consommation et le gaspillage des matières premières sont limités. Ils répondent au besoin urgent actuel de trouver des alternatives responsables pour l’alimentation humaine future. Grâce à leur croissance rapide, leur faible consommation de matières premières et leur élevage fondé sur le principe de l’économie circulaire, la boucle est bouclée.
9. Pourquoi sommes-nous dégoûtés ?
Le dégoût et les habitudes culturelles sont les freins principaux à la consommation d’insectes en Occident. Phénomène purement social, l’humain a l’habitude de consommer ce qu’on lui présente comme aliment depuis son enfance. Lorsque l’homme est adulte, il a un répertoire précis de ce qu’il considère comme comestible ou non et ses coutumes sont loin d’être malléables. Un enfant mangera d’ailleurs plus facilement des insectes qu’un adulte. Prenons l’exemple des Asiatiques qui sont écœurés à l’idée que nous mangions des escargots alors qu’eux-mêmes font partie des 2 milliards de personnes qui consomment déjà des insectes quotidiennement. Si nous habituons nos enfants aux insectes comestibles, l’entomophagie fera partie de la norme…
10. Où en manger ?
À Paris ? Inoveat, un restaurant réputé à la cuisine de haut vol, à base d’insectes, signée Laurent Veyet. Impossible de ne pas se réconcilier avec les insectes… inoveat.com
À domicile ? Little Bugs, un e-shop mettant à l’honneur l’ensemble des produits belges à base d’insectes comestibles. littlebugs.be
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