Portrait : qui était vraiment l’homme Christian Dior ?

Mis à jour le 6 novembre 2019 par Marie-Noëlle Vekemans
Portrait : qui était vraiment l’homme Christian Dior ? Répétition du défilé automne-hiver 1954-1955 au 30 avenue Montaigne avec le mannequin Victoire. © Mark Shaw / mptvimages.com

Son nom est mondialement connu. Les plus chanceuses d’entre nous possèdent même un peu de son talent : un vêtement, un sac, un bijou ou un produit cosmétique griffé "CD". Christian Dior n’aura été à la tête de sa Maison éponyme qu’une dizaine d’années. Une décennie pendant laquelle il a réussi à marquer son époque. Dix ans de transmission de sa passion, de ses valeurs, de son amour pour les femmes et de la vie en général. Qui était Christian Dior ? À l'occasion de la sortie du livre "Moments de Joie" on vous emmène à sa rencontre, en différé avec Frederic Bourdelier.

Frederic Bourdelier est le directeur culture de marque & héritage de Christian Dior. En d’autres mots, il est le gardien du patrimoine de la Maison française de mode et de beauté. Un chercheur, un historien, un conteur qui partage son savoir avec passion. Cela fait vingt ans qu’il travaille pour Dior. Son quotidien, depuis dix ans, consiste à entreprendre des recherches sur le créateur et l’homme qu’était Christian Dior. Il suit des pistes, recoupe ses sources, collecte des témoignages, achète des photos, retrouve des objets lui ayant appartenu, compile des documents inédits, des croquis, des lettres ou d’anciens flacons de parfum. Chaque jour, il enrichit l’héritage inestimable laissé par Christian Dior au monde de la création. 

Christian Dior : l'homme joyeux

On s’imagine souvent les grands créateurs en artistes torturés, anxieux et « control freak ». Comment était Christian Dior ?  

Il était joyeux. C’était un homme sensible, capable de rire aux larmes de façon tout à fait spontanée. Il aimait se laisser emporter, et parfois même submerger par ses émotions et les moments de joie qu’il traversait. J’ai pu recueillir de nombreux documents à son sujet datant d’avant 1947, donc avant la création de la Maison Dior. Avant de connaître le succès, Christian Dior n’a pas vécu que des moments d’allégresse, tant dans sa vie privée que professionnelle. Il perd sa mère brutalement, son père fait faillite, il apprend qu’il est atteint d’un début de tuberculose, il fait lui-même faillite en tant que galeriste d’art, il est mobilisé pendant la guerre...

Toute sa vie n’a pas été rose du début à la fin mais, malgré ces moments d’angoisse, il a toujours su garder en lui cette étincelle de joie. Il avait décidé qu’il serait un homme heureux. L’épanouissement de sa créativité et le succès immédiat rencontré lors de la création de la Maison Christian Dior lui ont permis de remonter la pente. Il avait finalement trouvé sa voix.

A-t-il également connu le bonheur étant enfant ?   

Son enfance l’a grandement aidé à surmonter la période difficile de sa trentaine. Il a été un enfant heureux, gâté, comblé, doté d’un important capital d’amour. Il a grandi au temps de la « Belle Époque », dans un univers coloré, parfumé, sa famille possède une belle demeure et un grand jardin dans lequel il joue souvent avec ses frères et sœurs. Il restera marqué à vie par cette période d’une grande douceur, par cet environnement chaleureux et ce jardin tout particulièrement. Il voue toute sa vie durant une adoration à la nature et aux fleurs. Il n’aura de cesse dans sa carrière de fantasmer sur cette maison de Granville en Normandie et de reproduire les parfums de sa jeunesse. Il a su entretenir ses passions d’enfant, sa créativité et son émerveillement pour le beau tout au long de sa vie.

Christian Dior enfant, à Granville en 1910.
Christian Dior enfant, à Granville en 1910. @DR / PARFUMS Christian Dior

Quelle place sa famille a-t-elle tenue dans sa vie ?   

La famille est très structurante pour lui. Malheureusement, sa mère – qui l’a toujours encouragé à poursuivre ses rêves – décède rapidement, à l’âge de 52 ans. Les cinq frères et sœurs auront des destins différents mais il gardera des rapports fusionnels avec sa sœur Catherine, la cadette du clan. Sa nounou jouera également un rôle important dans sa vie car elle deviendra sa mère de substitution. Ce qui prend aussi beaucoup de place dans la vie de Christian Dior, c’est sa famille de cœur, celle qu’il a choisie. Il s’entoure d’amis proches, d’artistes, de musiciens, de gens un peu fantasques et bourrés d’humour, des gens joyeux qui aiment la vie. Cette seconde famille est une des sources de joie de son quotidien. 

Portrait de la famille Dior, Granville, 1919.
Portrait de la famille Dior, Granville, 1919. ©DR/ PARFUMS Christian Dior.

Christian Dior a toujours déclaré son amour pour les femmes et son souhait de les rendre belles et heureuses. Une dévotion que l’on doit aux femmes de sa vie ? 

Il est certain qu’il a été fortement marqué par l’élégance de sa mère qui était une femme très chic, qui portait des colliers de perles et des vêtements en dentelle typiques du style « Belle Époque ». Elle symbolisait pour lui le summum de l’élégance. Sa sœur Catherine aussi l’a beaucoup inspiré. Quand elle le rejoint à Paris, il la fait poser, elle a été en quelque sorte sa première muse. Sa vision de la beauté des femmes est façonnée par son enfance, c’est évident, mais aussi par l’époque d’après la seconde guerre mondiale.

Christian Dior a envie de tourner la page de ces années sombres. Son rêve de renouveau coïncide parfaitement avec les attentes des femmes de l’époque. C’est là tout son génie. En 1947, en créant la Maison Christian Dior, il dit stop à la mode ennuyeuse, aux objets austères. Il rêve d’une féminité joyeuse. La joie, c’est du partage, c’est ce qui nous relie aux autres et il l’avait bien compris. Son objectif est de sublimer les femmes, de les émerveiller par ses créations. Il leur propose des vêtements et des accessoires pour se sentir belles, avoir confiance en elles, c’est le retour de la séduction, le retour au plaisir et à une nouvelle joie de vivre. Le message insufflé en 1947 est toujours le moteur de la Maison aujourd’hui. 

Quel genre de boss était-il ? 

Tous les témoignages concordent, qu’ils viennent de personnes ayant travaillé à l’atelier, de collaborateurs du studio, d’anciennes vendeuses… Christian Dior était un leader bienveillant qui ne piquait pas de colères. Il communiquait de façon apaisée et savait clairement se faire comprendre quand quelque chose ne lui convenait pas mais sans être autoritaire et directif pour autant. Il était généreux et soucieux de tous ses employés et de leur bien-être. Il veillait d’ailleurs à célébrer ses succès avec toutes ses équipes, des mannequins aux couturières. À ce niveau-là, le succès ne l’a nullement changé, il est resté très humain et savait motiver ses troupes qui étaient prêtes à se démener pour lui. Il était appelé « Patron ». Le respect était mutuel. Il était véritablement adoré.

Christian Dior en plein travail dans l'atelier de l'avenue Montaigne.
Christian Dior en plein travail dans l'atelier de l'avenue Montaigne. ©DR/Collection Dior Heritage.

Qu’est-ce qui lui procurait le plus de bonheur dans son métier ? 

Le dessin, c’est-à-dire l’acte créatif en lui-même, lui apportait beaucoup de satisfaction. C’était un don, il n’a jamais étudié le dessin. Il faisait le premier jet et ensuite, tout le processus jusqu’au défilé était ponctué de moments de doutes, de travail acharné, de recherche de la perfection jusqu’à une explosion intense de joie au jour J. Pour lui, la première et la dernière étape étaient des moments de pur bonheur.

Était-il heureux dans le faste ou aimait-il les petits bonheurs simples ? 

Il aimait le faste, le luxe, il était un véritable ambassadeur de cet art de vivre à la française. Mais, Christian Dior était aussi un autre homme. Un homme qui cherche des moments de joie plus personnels, quand il voyage par exemple ou quand il était en compagnie de ses amis proches. C’était un épicurien, un homme sensible, observateur des petites joies de la vie quotidienne. La joie des sens est aussi importante pour lui, il était d’ailleurs un fin gourmet. Il trouvait de la joie dans la beauté, dans les paysages, dans la nature et les fleurs, il a besoin de ces moments loin du tumulte et du faste pour se ressourcer. Il les passe notamment au château de la Colle noire dans le Var. Toutes les sensations liées à la nature lui procurent une forme de plénitude.

Comment cette émotion joyeuse qui l’a habité une grande partie de sa vie s’est-elle manifestée dans ses créations de cosmétiques et de parfums ? 

De beaucoup de façons différentes mais la joie et son amour des fleurs ressortent tout particulièrement. Christian Dior était un fan absolu de muguet, une fleur qu’il adorait. Il posera en photo avec un brin de muguet à la boutonnière et il imaginera Diorissimo, et une collection complète dédiée à cette fleur. 

Publicité vintage pour le rouge à lèvres Christian Dior parue dans Eikones.
Publicité vintage pour le rouge à lèvres Christian Dior parue dans Eikones. ©DR/ PARFUMS Christian Dior.

En 1953, il lance le Rouge Dior, le premier rouge à lèvres de la marque qu’il déclinera en huit teintes. Après avoir habillé le corps des femmes, il veut habiller leur sillage et leur sourire. Toutes ses créations tournent autour de l’idée de sublimer les femmes et de leur offrir un surcroît de confiance en elles. Le lancement des parfums et du maquillage Dior s’est fait dans l’optique de proposer aux femmes un total look Dior pour que l’alchimie soit complète. Christian Dior était un homme au service des femmes. Il leur a véritablement dédié son talent.

Mini bio de Christian Dior

  • 21 janvier 1905, naissance à Granville en France.
  • Sa maison d’enfance est devenue un musée.
  • En 1928 et 1931, il ouvre des galeries mais
    fera faillite en 1934.
  • En 1938, il débute comme modéliste et
    illustrateur pour le couturier Robert Piguet. 
  • Il est mobilisé une année pendant la Seconde
    Guerre mondiale.
  • En 1947, création de la Maison Christian Dior
    et succès immédiat lors de son premier défilé.
  • La même année, il lance son premier parfum, Miss Dior.
  • En 1953, création des premiers rouges à lèvres le Rouge Dior.
  • 24 octobre 1957, décès à Montecatini, en Italie.
Couverture du livre Moments de joie Dior aux Editions Flammarion.
Moments de Joie, Editions Flammarion, 75 €. Disponible dès le 6 novembre.

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