Pour aborder et comprendre l’une des plaies qui affectent le monde du travail, focus sur l’expérience de terrain des pros de la recherche d’emploi : Actiris.

Qu’entend-on exactement par discrimination à l’emploi ?

« On parle de discrimination à l’emploi lorsqu’une personne est traitée différemment lors de la procédure de sélection ou dans le cadre de son travail », commence Fatima Zibouh, experte/analyste sur les politiques de diversité et de lutte contre les discriminations chez Actiris.

« La discrimination – interdite par la loi – est la conséquence soit du stéréotype (ce que l’on croit savoir sur quelqu’un), soit du préjugé (les émotions négatives que l’on ressent face à cette personne) », poursuit Grégor Chapelle, Directeur général d’Actiris. « Il y a 19 causes concernées par la loi (même si, en réalité, il y en a beaucoup plus) : la prétendue race ou la couleur de peau, la nationalité, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et les autres choses que l’on connaît comme l’âge, le handicap, les convictions religieuses, l’orientation sexuelle… On constate des discriminations très répandues et qui touchent quasiment l’intégralité de notre public, puisqu’à Bruxelles, 72 % de Bruxellois et 80 % des chercheurs d’emploi sont d’origine étrangère (être né à l’étranger, avoir un de ses deux parents de nationalité étrangère ou né à l’étranger, NDLR). Si vous ajoutez, parmi les 20 % qui restent, les jeunes, les femmes, les personnes homosexuelles, les personnes atteintes d’un handicap, à la fin de l’histoire, il ne reste plus grand monde qui ne puisse pas faire l’objet de discrimination. » « À cela s’ajoute le fait qu’on peut être touché par plusieurs critères de discrimination (ce qu’on appelle l’“intersectionnalité”), ce qui rend les choses encore plus difficiles, surtout pour les femmes », précise Fatima.

Des exemples concrets ?

« Au sein de mon service, on rencontre régulièrement des femmes qui sont confrontées à ces discriminations multiples et croisées », poursuit Fatima. « Elles-mêmes ne sont parfois pas toujours conscientes que ne pas être retenues à une sélection parce qu’elles ont passé l’entretien en étant enceintes… est une infraction à la législation ! Le rapport de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes indique que près de la moitié des signalements sont liés à des discriminations dans le secteur de l’emploi et parmi eux, près de 44 % concernent des discriminations liées à la maternité. L’étude publiée par Actiris en juillet 2019 montre aussi que les femmes d’origine non européenne sont encore plus vulnérables. Ajoutons à cela qu’une famille sur trois est monoparentale et que ce sont 86 % des femmes qui ont la charge de leurs enfants, ce qui accroît leurs difficultés à trouver un travail qui permet de concilier vie familiale et vie professionnelle, et ce, sans tenir compte de la lourdeur de leur charge mentale. »

Quels conseils pratiques aux victimes de ces discriminations à l’emploi ?

« La discrimination constitue une violence symbolique. Il est important de signaler cela auprès de services dédiés à la lutte contre ces discriminations, comme le service anti-discrimination d’Actiris. C’est une démarche essentielle pour visibiliser cette réalité, pour trouver des solutions structurelles. Ne pas garder cela pour soi ni rester fataliste en pensant qu’on ne peut rien faire face aux discriminations. Au contraire ! »