Une fois qu’on a mis la main sur une boite de caviar, on en fait quoi, au juste ? Des chefs belges et la descendante d’une longue famille de producteurs nous livrent les secrets des meilleures associations.
Ces minuscules perles noires aux reflets olive sont l’un des luxes les plus convoités de la gastronomie. Le caviar — des œufs d’esturgeon, un grand poisson migrateur en voie d’extinction sous sa forme sauvage — est si précieux qu’on l’emballe dans de petits écrins, quelques dizaines de grammes à la fois, et qu’on le déguste avec parcimonie. C’est aussi un bijou de goût, qu’il s’agit de savoir accommoder, pour ne rien en gâcher — à environs de 200 euros les 100 grammes, il vaut mieux.
Et ça, les Mailian-Maïlov le savent depuis plus de 200 ans. Cette famille aujourd’hui installée en Belgique serait la première, au 19ème siècle, à avoir imaginé et élevé notre caviar contemporain : à peine salé et les œufs entiers, plutôt que pressé comme autrefois. Et puisque le Tsar de Russie l’avait adopté, la tradition a perduré, jusqu’à se retrouver au Marché des chefs, à Bruxelles. Cette « épicerie » bruxelloise prestigieuse a été ouverte en 1986 par Jean Mailian lui-même. Aujourd’hui, ce sont ses filles Valérie et Tatiana qui font tourner la boutique, avec le même amour immodéré pour les produits raffinés — dont le caviar.
Tatiana sait tout, demandez-lui. Comme, par exemple, qu’« un bon caviar n’a pas d’odeur, si ce n’est un très léger parfum de noisette ou de fumé ». Il ne colle pas non plus : chaque œuf est brillant et ferme. Deux indices plutôt utiles pour analyser d’un coup d’œil et de nez la qualité d’un caviar. Et le palais de Tatiana sait aujourd’hui reconnaitre les meilleures associations, même si elles paraissent incongrues à première vue — comme le duo caviar et tartare de bœuf au couteau. Ou que « tout ce qui va avec de la truffe blanche, va avec du caviar ».
Mais elle sait aussi ce que les chefs belges ont dans le ventre, quand il s’agit d’imaginer de nouvelles manières de l’accompagner. Un samedi du moins de novembre, l’héritière Mailian-Maïlov a donc demandé à huit cuisiniers d’accommoder ce produit raffiné. Voici nos coups de foudre.
Avec un poisson ou des fruits de mer
C’est un classique, mais il est incontournable. Avec le caviar, on peut choisir comme Karen Torosyan (Bozar restaurant*) des saint-jaques de Dieppe farcies au chou vert et beurre blanc. Ça touche au sublime. Ou, façon Alain Bianchin, avec un poisson fumé. Dans les assiettes du chef, maquereau fumé, dashi aux algues, crémeux de pommes de terre, châtaigne et gel de poire. C’est du boulot, mais voilà une entrée qui restera dans les annales.
Avec des pommes de terre
Pas forcément besoin d’accorder le caviar avec des produits luxueux : on pourrait dire qu’il se suffit à lui-même, mais il a surtout des affinités toutes particulières avec les pommes de terre ou les œufs. Pas étonnant que Pierre Résimont (L’Eau Vive**) fasse un carton plein avec son assiette caviar, croustillant de pommes de terre et œuf de caille. De quoi souffler ses invités.
Avec une glace à la pistache
C’est l’accord dessert préféré de la descendante des Mailian-Maïlov : une glace à la pistache. Car oui, on peut aussi manger du caviar en fin de repas. Mieux vaut la prendre artisanale ou la préparer soi-même, en revanche, puisque la crème glacée ne doit pas être trop sucrée.
Avec des spaghetti
On vous l’avait dit : le caviar, ça se mange même avec des spaghetti. C’est même l’association — celle de Luigi Ciciriello (La Truffe noire*) — qui nous a le plus ravi : des spaghetti al dente, une bonne huile d’olive, un peu de caviar, et le tour est joué. Le tout servi à température ambiante, parce qu’attention, le caviar « ça ne se chauffe pas », dixit Tatiana.
Seul
C’est un plaisir qu’on aimerait que chacun puisse s’offrir une fois dans une vie : une bouchée de caviar au naturel. On l’attrape avec une cuillère, mais pas en argent, contrairement à ce qu’on pourrait penser : il oxyde le produit. On lui préfère donc une cuillère en nacre, par exemple. Reste à le « faire rouler les billes sur la langue, puis exploser sur le palais ». Et surtout, en profiter. Ce n’est pas tous les jours qu’on s’offre un tel luxe.
Il existe une dizaine de caviars différents, et ils accompagnent mieux certains produits que d’autres. Chez Mailian-Maïlov, on en compte deux : le caviar « à la Russe » « Maïlov », tendre, doux et beurré, qui provient d’esturgeons « béluga » du fleuve Amour, et le « Mailian » d’osciètre, intensément iodé. À noter qu’en Belgique, il existe également un caviar confectionné par un meunier de Tuhout, Joosen-Luickx et issu d’esturgeons élevés chez nous : le Royal Belgian Caviar est le seul caviar 100% belge et local.
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