Après avoir vu « Cheer », la série-documentaire de Netflix, vous ne direz plus « pom-pom girls », mais « athlètes de haut niveau ».
Ça claque, clappe, saute, vrille, tombe. L’équipe de cheerleaders de Navarro, dans la minuscule ville de Corsicana, se prépare pour Daytona : la plus importante compétition de pom-pom girls du monde. Il n’y a d’ailleurs pas que des filles sur le tapis des entrainements : le groupe est composé d’autant de garçons, aussi athlétiques physiquement que parfois émotionnellement fragiles. Des mois — et six épisodes — durant, on suit leur travail préparatoire et leurs nombreux petits drames à travers « Cheer », une série-documentaire proposée depuis janvier 2020 par Netflix. Et on n’aurait jamais cru dire ça, mais : c’est passionnant.
Si « Cheer » est un succès, c’est avant tout parce qu’elle parvient à raconter des personnages, quand on ne voit d’abord que des post-ados en tenue de sport. Morgan, Jerry, Gaby, La’Darius, Lexi : tous se révèlent avoir eu des passés complexes, pour ne pas dire compliqués. Le cheerleading les a révélés à eux-mêmes, mais contribue aussi à les détruire un peu plus — physiquement, du moins. On découvre ainsi des sportifs, des athlètes de très haut niveau, capables de s’élever dans les airs pour y faire une série de pirouettes, de s’entrainer tous les jours, jusqu’à s’en briser les côtes, de mener en parallèle des activités marketing, tout en devant gérer des parents envahissants ou totalement absents, des problèmes de gestion de la colère et de « revenge porn ». Mais la plus déroutante d’entre tous est probablement Monica, l’entraineuse des Navarro. Pétrie d’ambition, n’acceptant pas l’échec, elle est aussi la seule figure maternelle de nombreux membres de l’équipe. Elle compte sur eux, et elle compte pour eux.
Sexisme et bras cassés
Comme toujours avec Netflix, on est également impressionné par la « sérialisation » impeccable de la série : suspens et cliffhangers sont au rendez-vous, nous donnant envie de represser sur « play » à chaque fin d’épisode. La progression de « Cheer » est toute entière centrée sur la participation des Navarro à la compétition de Daytona, sommet de la gloire, mais aussi du stress des « pom-pom ». D’épisode en épisode, on assiste aux doutes, chutes, fractures, craquages et engueulades des participants avec un plaisir proche de ce qu’a pu être la télé-réalité autrefois, mais la réalisation et le sérieux du sport en plus.
« Cheer » nous permet également de nous rendre compte du paradoxe du cheerleading : s’il en libère certains, qui y trouvent un « safe place » où s’accepter et se dépasser, il en oppresse également d’autres. Car force est de constater que le milieu est aussi une machine à broyer. Le sport est dangereux, tant pour le corps que pour les nerfs. Il perpétue aussi — en tout cas dans le chef de Navarro — l’image de l’Américaine souriante, pailletée et dénudée, sans qu’on n’en comprenne la raison sportive. La pom-pom girl, malgré ses impressionnantes vrilles arrières et ses « paniers », est aussi là pour le plaisir des yeux. Si le documentaire ne critique pas explicitement le sexisme du cheerleading, « Cheer » n’en reste pas moins une plongée inédite et instructive dans les coulisses d’une pratique qu’on n’imaginait pas si dure et gratifiante en même temps. Attendez-vous à retenir votre souffle plus d’une fois. Go, Navarro !
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Et si on s’inscrivait à un club de cheerleading belge ?