Selon les données collectées par Open Knowledge Belgium et Noms Peut-Être, seules 130 rues à Bruxelles portent le nom de femmes — contre 2 003 patronymes masculins. Cette problématique d’un espace public sexiste est désormais visible à travers une carte interactive. Un projet collaboratif baptisé EqualStreetNames.
Louis Schmidt, bourgmestre d’Etterbeek. Victor Rousseau, sculpteur wallon. Julius Hoste, journaliste et écrivain belge. Clovis Ier, premier roi des Francs. Au détour de chaque rue bruxelloise, des noms. Plus précisément des noms d’hommes, illustres, historiques, certes, mais masculins — en masse. Les femmes, elles, ne représentent que 6% des intitulés de rue, selon EqualStreetNames, la toute nouvelle initiative des associations Open Knowledge Belgium et Noms Peut-Être. 130 noms féminins pour 2003 masculins, c’est au mieux une drôle de constatation, au pire un message : la ville appartient aux hommes.
Depuis 2017, la collective Noms Peut-Être milite pour une meilleure représentation des femmes dans l’espace public et dans l’histoire. Pour Camille Wernaers, membre du projet et féministe, c’est évident : « L’espace public n’est pour l’instant “public” que de nom ». Régulièrement, elle et ses comparses prennent donc les rues de Bruxelles pour accoler aux patronymes masculins ceux de femmes remarquables, mais souvent négligées des récits populaires. « Une rue, c’est un endroit que l’on va habiter, où l’on va se donner rendez-vous, où l’on va travailler. C’est un lieu qui va rester dans la mémoire collective. Il est dommage d’“oublier” les femmes qui ont, de tout temps, fait des choses remarquables, elles aussi », estime Camille Wernaers.
Proud to see @OpenKnowledgeBE organize a crowd-sourced #LinkedData effort with @osm_be and @wikidata. The goal of this visualization: mapping diversity in streetnames in Brussels. https://t.co/FPzAQRjBPP pic.twitter.com/1yB0ZdxSwT
— Pieter Colpaert (@pietercolpaert) March 3, 2020
Il y a peu, Noms Peut-Être s’est ainsi associée à la plateforme Open Knowledge Belgium, qui fait la promotion des données ouvertes, pour la création d’une carte interactive qui classe les noms des rues de Bruxelles par genre. C’est grâce à ce nouvel outil, soutenu par Equal.Brussels, que l’on réalise l’ampleur du problème : dans la capitale belge, 93,86% des petites et grandes avenues portent le nom d’hommes et seule une seule celui d’un homme transgenre. « Pour réaliser la carte, nous avons utilisé des données ouvertes — c’est-à-dire des données qui sont utilisées, modifiées et partagées pour n’importe quelle raison — d’OpenStreetMap et de Wikipédia », explique Manon Brulard d’Open Knowledge Belgium. Le projet a amené 60 bénévoles à traiter ce matériel numérique afin de créer une carte, désormais réplicable par d’autres villes.
Ni en rue, ni en ligne
EqualStreetNames fait suite à toute une série d’actions menées en ligne et IRL par de jeunes Belges ces dernières années. « Just for the record » réécrit par exemple régulièrement l’histoire, en créant ou mettant à jour des pages consacrées aux femmes sur Wikipedia. En 2011, la Wikimedia Foundation communiquait en effet que seul 9% des éditeurs étaient des femmes, avec pour conséquence une présence moindre des portraits féminins sur la plateforme — 18%. Ce 5 mars, la RTBF reprendra le flambeau avec l’organisation d’un « Wikithon » qui a pour objectif de créer 100 nouvelles pages dédiées à des femmes.
De leur côté, Open Knowledge Belgium et Noms Peut-Être ne s’en tiennent pas non plus à leur constatation : durant les dix prochains mois, huit ateliers citoyens seront organisés dans différentes communes bruxelloises afin de collecter des noms de rues qui représentent la diversité de la capitale, avant de présenter ces listes aux autorités. La première rencontre se tiendra ce 23 mars à la Maison des Femmes de Schaerbeek.
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