Anh-tu Pham, ce belgo-vietnamien propriétaire de Nénu, un restaurant saigonnais nouvelle vague qui déferle à Bruxelles et emporte les visions ringardes de la cuisine asiatique sur son passage. Il nous a invité à découvrir son restaurant pour nous en dire un peu plus sur lui et l'histoire de son restaurant.
Quelle est ton histoire de la cuisine ?
Depuis 1982, mes parents tiennent le Nénuphar, un restaurant familial vietnamien. J’ai donc toujours baigné dans le monde de l’horeca. Mais ce qui est drôle, c’est que mes parents ne voulaient pas que j’en fasse mon métier. Pour eux, c’était trop prenant, trop compliqué. Qu’importe, j’ai fait la gestion hôtelière pour travailler dans des palaces. Mais à 21 ans, mon père m’a demandé de revenir auprès de lui. Au début, je voulais tout changer, tout révolutionner, tout recréer, puis j’ai compris que cet endroit avait déjà une âme et une histoire que je devais respecter. J’avais de toute manière d’autres idées…
D’où la naissance de Nénu ?
Oui, j’ai toujours rêvé d’ouvrir mon propre restaurant à 30 ans. Qu’importe le type de cuisine. En 2018, ma femme était enceinte, j’allais bientôt être père et je passe devant cet établissement à remettre. Alors que c’était une période charnière et très intense sur le plan familial, j'appelle et planifie une visite. Tout était à refaire, mais j’ai directement senti le potentiel de cet endroit. Je n’avais aucun concept en tête, mais après deux semaines, j’ai signé le bail !
Et aujourd’hui, c’est quoi le concept ?
En Europe, tout le monde parle toujours de street food vietnamienne. Et c’est vrai, ça fait vraiment partie de notre culture. Mais il n’y a pas que ça. Moi, je voulais montrer ce qu’on appelle le “anh nhau” littéralement boire et manger. C’est se poser entre amis ou en famille, partager et passer un bon moment. Ici, on parlerait de tendance food sharing, mais au Vietnam ça fait simplement partie de notre culture. On pose les plats sur la table et tout le monde se sert. Cette convivialité, je la voulais chez Nénu.
D’ailleurs, qu’est ce qu’on pose sur cette table ?
C’est en engageant mon chef, Gerry Van Peteghem, que tout s’est mis en place. C’est un ancien vétérinaire passionné par la cuisine asiatique ! Ensemble, on a élaboré des recettes plutôt inspirées du sud du Vietnam. On propose une cuisine saigonnaise qui n’est pas fermé à l’influence thaïlandaise ou chinoise. Il y a des plats traditionnels évidemment, mais on essaie toujours de donner un twist européen tout en gardant les saveurs vietnamiennes. Ce qui change, ce sont les ingrédients, pas les souvenirs.
Quelle est ta vision de la cuisine vietnamienne ?
Je suis issu de la diaspora vietnamienne et on dit souvent que notre cuisine s’est adaptée aux européens. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Mes parents sont venus en Belgique avec les recettes de leur pays et elles n’ont pas changé depuis qu’ils sont partis du Vietnam. Pour moi, notre cuisine est quasiment plus authentique parce qu’elle n’a pas évolué. Ma vision, c’est donc une cuisine du partage. C’est quelque chose de fade agrémenté de quelque chose de très épicé, salé ou sucré. On peut avoir des légumes cuits à la vapeur avec une pâte de crevette très forte et il faudra mélanger les deux. La force de la cuisine vietnamienne, c’est ce mélange entre fadeur et puissance dans l’assiette.
Quels sont les derniers murs à abattre en Europe ?
Il y a une certaine forme de racisme envers la cuisine asiatique. Les gens considèrent encore souvent qu’elle doit être forcément moins chère. Mais ça n’a pas de sens. On utilise d’aussi bons produits que dans un restaurant français. L’autre barrière, c’est celle du piquant. Je ne sais pas combien de fois par jour on me demande: “Mais quand vous dites que c’est piquant, c’est très piquant ou pas trop piquant?” (rires). C’est très difficile à juger parce que nous n’avons pas développé le même palais. Puis le Belge est encore déstabilisé par le fait de ne pas avoir sa petite entrée et puis son plat. Nous, on amène tout à table très rapidement et puis les gens prennent le temps de partager. Le tempo de la cuisine ne doit pas influencer celui qui déguste.
Nénu
21 rue dejoncker, 1060 Saint-Gilles.
Du mardi au samedi de 12h à 14h et de 19h à 22h.
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