La viennoiserie est sur toutes les lèvres et dans toutes les bouches : après l’Europe de l’Est et New York, la babka poursuit son tour du monde de la gourmandise et obsède Paris.
Sa torsade dodue, son moelleux brioché et sa brillance ponctuée d’éclats de chocolat font saliver, même à travers un écran. Surtout à travers un écran, à vrai dire, tant la babka hante les réseaux sociaux depuis plusieurs mois. C’est à Paris que se concentre la tendance, où les boulangeries rivalisent d’ingéniosité et de talent pour se démarquer de la concurrence : babka au mètre chez Mamiche, aux amandes du côté de chez Florence Kahn, hautement chocolatée au comptoir de Plaq ou encore en faisant la promesse de l'authenticité chez Babka Zana.
Une pâtisserie de « deli »
Sauf qu’avant d’être une viennoiserie hautement instagrammable — 110 000 occurrences sur la plateforme, tout de même — la babka est d'abord « une pâtisserie de grand-mère, familiale », révèle l’autrice culinaire Annabelle Schachmes. Littéralement, puisque « babka » ou « bobka » selon les régions signifie « vieille femme » ou « grand-mère » en polonais et russe. Originaire d’Europe de l’Est, elle ressemble originellement à un cylindre de pâte ondulé sur son pourtour, comme la jupe traditionnelle d’une femme âgée. Sa version tressée se nomme en réalité « krantz », mais les deux variantes ont une longue histoire avec la cuisine juive. « La babka a énormément évolué. C’est une pâtisserie de diaspora », décrypte Annabelle Schachmes, qui en livre d’ailleurs une recette dans son ouvrage La cuisine juive. C’est que la viennoiserie a suivi les juifs polonais dans leurs pérégrinations internationales : à New York, Montréal, mais aussi en France et en Israël, où on la trouve partout, des cafés aux gares de bus. Et si on la cherche bien, la babka se dégote même en Belgique : dans les magasins d’alimentation polonais, évidemment et à la boulangerie Khobz.
Malgré son manifeste don d’ubiquité, ce sont les États-Unis qui ont fait de la babka ce qu’elle est. Nulle part ailleurs on ne trouve en effet autant de réminiscences de la cuisine juive. « New York est un bastion de la cuisine ashkénaze. On y trouve des plats qui n’existent même plus dans leur région d’origine », pointe notre autrice. Dans la « grosse pomme », chaque bloc ou presque a son « deli », comptoir populaire où l’on trouve des bagels, du pastrami, du poisson fumé et… des babkas.
Conseils d'experte
Mais à Paris, capitale à laquelle elle a consacré un guide, c’est la boulangerie Babka Zana qui a volé le cœur d’Annabelle Schachmes. « C’est tout simplement la meilleure. Ils ont compris les codes d’une bonne babka », à savoir : une pâte dense, travaillée, imbibée de chocolat et saupoudrée d’éclats de noisette — même s’ils ne font pas partie de la recette originale.
À défaut de l’acheter, on peut aussi tout simplement la préparer, chez soi. Le conseil d’Annabelle ? Surtout, « ne pas aller trop vite et laisser la préparation bien lever ». Au moment du pliage, on veillera aussi à tartiner subtilement de chocolat — point trop n’en faut — et torsader autant que possible la pâte, afin de créer de délicates strates de cacao. Après cuisson, moment fatidique, il faudra que la brioche soit quasi croustillante à l’extérieur, et moelleuse à l’intérieur. Mais attention : le temps de maîtriser la préparation de la babka, il se pourrait bien que le semla lui ait définitivement volé la vedette…
La cuisine juive, Gründ.
Eat Paris : 85 adresses incontournables pour voyageurs gourmands, éditions Tana.