Si l’industrie des vêtements de sport à longtemps souffert d’une réputation écologique écornée, de belles initiatives belges développent des lignes de sportwear couture, éthiques et durables.

Un constat étonnant : la Belgique, petit pays certes historiquement réputé pour sa vivacité créative, recèle une remarquable concentration de marques sportwear couture et responsables, proportionnellement à l’ensemble du marché européen. Outre les remarquables avancées technologiques, le stylisme et les matières made in Belgium ouvrent une bulle de bien-être qui glisse vers le semi-couture. Pour l’effort comme pour travailler, séduire ou se relaxer, on se sent habillée et confortable à la fois. C’est la rencontre du fameux art de vivre cher aux Belges et d’une recherche technologique constante, dans laquelle plusieurs entreprises locales sont leaders sur le marché.

Un réel engagement écosocial

42/45 – © Mous Lamrabat

Avec 42|54, leur marque à la fois ultra-performante dans l’effort et urban-chic avec pertinence, Olivia Borlée et Elodie Ouédraogo passent avec succès de médaillées olympiques à tenantes du titre éthique. Utilisant exclusivement des tissus belges, une partie de leur collection est fabriquée en Belgique, et l’autre en Tunisie. « Nous avons d’abord voyagé pour visiter les ateliers, et nous assurer que les conditions de travail étaient responsables et respectueuses. » Plus que quiconque dans le secteur, elles ont l’expérience de la réalité du terrain : « Les athlètes choisissent leurs vêtements pour leurs performances techniques et aérodynamiques, souvent sans se soucier de leurs conditions de production. Nous, nous avons tout testé pour garantir à la fois la qualité et la performance : l’évacuation de la transpiration, le poids des matériaux qui sont “stretchables” dans les quatre dimensions, offrant un excellent maintien, un effet seconde peau, et une liberté absolue de mouvement. »

Depuis le début de leur marque, les deux créatrices ont développé une démarche « sustainable » : en 2020, tous leurs tissus sont issus de matériaux recyclés et de fins de stock. « Pour les packagings, nous travaillons avec la société finlandaise RePack, qui produit des emballages en matériaux déjà reconditionnés, qui sont ensuite remis dans la chaîne au minimum une vingtaine de fois. » Les clients peuvent renvoyer gratuitement ces emballages qui économisent plastique et papier, qui sont résistants aux chocs et à l’eau, pour qu’ils reviennent dans le circuit.

L’innovation dans les starting-blocks

Recto Verso

© Recto Verso

Une production haut de gamme et écoresponsable ne peut s’envisager sans une recherche soutenue, et à ce niveau aussi, la Belgique est à la pointe. Depuis 133 ans, la société Liebaert produit des tissus et bandes élastiques de première qualité, à Deinze, en Flandre.

Camille Liebaert, 27 ans, à la tête de la marque Recto Verso, raconte la genèse de cette première ligne de « produits finis » développée par la maison : « Nous avons participé à des recherches avec l’université de Gand pour produire des leggings compressifs adéquats à l’amélioration des performances des sportifs et la récupération après l’exercice. Mon père, Alain Liebaert, a voulu fonder un petit atelier pour produire les pièces dont l’université avait besoin pour ses recherches. » C’était il y a trois ans. L’expérience s’est révélée concluante : « Nous avons alors décidé de lancer une marque, pour développer nos propres prototypes. » Élaboration des tissus et production de la collection sont donc entièrement assurées sur place. « Souvent, les marques de sport haut de gamme sont soit hyper techniques, mais pas très stylées, soit très esthétiques, mais pas vraiment performantes. Nous voulions proposer une alternative, avec des pièces très urbaines.Recto Verso est destinée au sport intensif avec un design urbain. »

Comme toutes les entrepreneuses que nous avons rencontrées pour ce sujet, Camille est sportive. Milieu de terrain récupératrice au FC Latem, elle teste en action les performances des tissus qui utilisent la technologie Emana. Développées par Solvay, des fibres de biostimulation redistribuent la chaleur corporelle, améliorent la circulation, l’oxygénation sanguine, et permettent une meilleure récupération. En outre, et c’est toujours bon à prendre, cette étoffe soigne la douceur de la peau. Recto Verso n’en est qu’à sa deuxième collection, mais a déjà été sélectionnée par Flander DC pour être représentée à la fashion week de Milan.

L’art de vivre comme sport culturel

Yoga by Julz

Yoga by Julz – ©Leentje loves Light

Julie De Laet, fondatrice de la marque Yoga by Julz, pratique assidûment le yoga : « J’ai remarqué que pour les cours, les gens portent surtout du noir, ou des imprimés ethniques – ce qui n’est pas vraiment mon style – voire leurs tenues de fitness. Il me manquait une proposition spécifiquement pensée pour le yoga, que je pourrais aussi porter pour mes autres activités. » En 2017, Julie lance donc sa marque, qu’elle produit au Portugal, à partir de tissus techniques issus d’une production responsable. « Je source au maximum des matériaux écologiques, du coton organique ou du polyamide recyclé. Je travaille avec une experte, car aujourd’hui tout le monde prétend être “sustainable”, mais il faut connaître le secteur, et savoir trier les infos. »

Play Pauze

Play Pauze

Même énergie chill chic du côté de la marque Play Pauze, créée par Katrien Smets et Hilde De Baerdemaeker, qui se sont rencontrées il y a deux ans à l’occasion d’un stage de yoga à Marrakech. Katrien Smets produisait déjà une collection de loungewear en Belgique, et ensemble, elles ont lancé leur ligne de « yoga meets red carpet ». « Nous sommes très à cheval sur l’éthique. Les tissus sont 100 % écologiques, et techniquement, nous visons un confort parfait, notamment pour évacuer la transpiration, que ce soit pour l’activewear, le shapewear, ou notre ligne “sans coutures”. Pendant des mois, on lave les pièces, on les vit, on les adapte à nos besoins propres. » Dans sa démarche de coolitude, Play Pauze décline toutes les tailles, pour les femmes de tous âges, avec des pièces intemporelles, en évitant les imprimés « trop tendance » : « On doit pouvoir méditer tranquille ! »

Des vêtements de sport anti-clichés

Nunu

© Nunu

On peut aussi lancer une marque de Tailored Active Wear, avec des lignes couture, des épaulettes et des dos nus, tout en suivant une réflexion à la fois sportive et écoresponsable. C’est le parcours de l’autodidacte Noenoe Roevens, qui a fondé Nunu il y a cinq ans. Encore une passionnée de sport et de yoga qui avait du mal à trouver des collections à la fois féminines, durables, élégantes, efficaces. Elle a quitté le notariat familial pour solliciter le mentorat d’un professeur de l’Académie d’Anvers qui lui a enseigné les techniques du dessin de mode. Elle est rentrée progressivement dans le métier en se construisant un réseau et par le bouche-à-oreille. La marque est déjà vendue à l’international, dans des boutiques haut de gamme, bientôt au Printemps à Paris. La créatrice revendique être la première en Europe à avoir utilisé des packagings 100 % biodégradables, et récupère depuis le début ses chutes de tissus pour fabriquer des emballages. Les étiquettes sont recyclées, même ses cartes de visite. D’une saison à l’autre, elle réutilise ses stocks de tissus pour ne pas en racheter. D’autre part, « des vêtements conçus pour toutes les occasions de la journée, ça représente aussi moins de machines à laver ». Dans l’atelier tunisien qui fabrique ses collections (le shapewear et les maillots de bain sont eux produits en Belgique), « les femmes sont bien payées, elles ont des droits, elles travaillent dans des bâtiments confortables avec la climatisation ». Noenoe est fière d’être transparente : « Je suis toujours ambivalente quand je vois des marques qui se revendiquent “sustainable” et qui ne le sont pas du tout. C’est quasi impossible de l’être à 100%, mais c’est un devoir de s’en rapprocher. »

Les challenges de la ligne d’arrivée

Les prochains défis pour les marques de sport seront de réfléchir à des tissus techniques circulaires pouvant être recyclés à plusieurs reprises, et de parvenir à diminuer le nombre de lavages des vêtements. Pour Olivia Borlée, « que la technicité des tissus n’impacte plus le style, c’est déjà une belle avancée, mais la prochaine étape, c’est aussi la technologie intégrée aux vêtements, pour calculer les battements du cœur par exemple. Question technicité, le vêtement de sport évolue très vite, de même qu’au niveau du style, pour les femmes notamment. Les innovations du milieu sportif permettent à ces technologies textiles de s’adapter au rythme de notre vie quotidienne, et influencent de plus en plus le prêt-à-porter en général. » La Belgique est une fois encore bien placée pour prendre la tête.

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