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Elles sont arbitres, entraîneuses ou journalistes, dans un monde où l’homme fait sa loi depuis que Pierre de Coubertin, ce béotien, estimait que les J.O. constituaient « l’exaltation de l’athlétisme mâle, avec l’applaudissement féminin pour récompense ». Heureusement, les choses ont bien changé en un siècle… Même si tout n’est pas encore gagné.

Stéphanie Forde – Ex-arbitre – Directrice opérationnelle de l’arbitrage pro à l’Union belge de football( URBSFA)

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Stéphanie Forde – © David Catry

Vous êtes la première femme en Belgique à atteindre ce ni- veau de responsabilité dans le monde de l’arbitrage sportif… Il était temps, non ?

C’est clair que c’est une première, et il faut bien avouer que pour l’instant, ça reste une exception : il y a, de manière générale, très peu de femmes présentes à de tels postes de manage- ment sportif… Soyons honnêtes : ça reste, encore et toujours, un milieu d’hommes. Mais l’Union belge de football bosse dur en ce moment pour que ça change : de plus en plus de femmes se voient confier de hautes fonctions managériales… Il y a un vrai combat qui est actuellement mené, pour davantage d’égalité et de diversité dans le milieu du foot, à tous les niveaux.

Il y a combien de femmes arbitres en Belgique ?

Sur les 5.500 arbitres actifs, seulement 107 sont des femmes. On peut notamment l’expliquer selon des critères domestiques : une femme arbitre range souvent sa carrière au vestiaire parce que sa situation familiale finit par évoluer… Elle tombe enceinte ou doit s’occuper de son foyer, de ses enfants. D’autant que l’aspect physique du métier n’est pas du tout à négliger : elles doivent s’entraîner deux fois plus que les hommes pour atteindre leur niveau d’endurance et de force. De forme. Parce qu’elles bossent au même niveau qu’eux. Sur tous les matches. Que l’on parle de football masculin ou féminin.

Et quelles seraient les qualités propres à la femme arbitre ?

L’empathie, l’esprit d’équipe, la solidarité, et sa capacité à désamorcer plus rapidement des situations de stress… Quand par exemple deux joueurs se disputent en plein match, on remarque souvent qu’une femme arbitre parviendra plus facilement qu’un homme à les calmer. C’est sans doute aussi dû au fait que les joueurs leur témoignent en général davantage de respect, parce qu’ils savent qu’elles ont travaillé dur – plus dur que leurs homologues masculins – pour en arriver là.

Et quel genre de cursus doit-on suivre pour devenir arbitre ?

Aucun, si ce n’est les formations dispensées par l’ACFF (l’Association des clubs francophones de football) et Voetbal Vlaanderen (son équivalent flamand). Il n’y pas d’écoles ou d’études en arbitrage, puisque ça reste un hobby pour 99 % des arbitres. En Belgique, il n’y a d’ailleurs aucun.e arbitre professionnel.le ! Il y a juste onze arbitres semi-pros à temps partiel… Dont aucune femme. Mais nous avons quand même deux femmes arbitres FIFA, qui sont aussi actives en première division provinciale (Viki De Cremer et Lois Otte, NDLR).

Et donc une femme arbitre n’arbitre pas forcément des matches de football féminin…

Non, elle suit le même parcours que ses confrères masculins, bref elle arbitre surtout des matches d’hommes. De toute façon, ce serait impossible d’un point de vue purement pratique, puisqu’il n’y a pas suffisamment de femmes arbitres.

Quel est le pire cliché machiste dont vous ayez été témoin ou victime dans votre carrière d’arbitre ?

Que je n’avais « rien à faire là »… Et le comble, c’est que c’était une femme qui me criait ça depuis les tribunes ! Ce genre de remarques sexistes n’a pas sa place dans le monde du football, ni ailleurs… Puis, évidemment, il y a ces hommes, ces supporters, qui vous jugent selon votre apparence, qui « notent » votre physique… C’est outrageant. Sans oublier tous ceux qui pensent toujours que le foot, comme l’arbitrage, est une « affaire d’hommes ».

Les mentalités n’ont pas encore tout à fait changé…

C’est vrai, mais on investit de plus en plus pour que ça évolue dans le bon sens (avec la campagne « Love Football » et le plan d’action « The World At Our Feet, notamment, NDLR)… Et on le voit bien : le football féminin devient lui aussi populaire. La perception que le public en a est en train de changer… Et on espère évidemment que de telles initiatives donneront envie aux femmes de s’inscrire dans des clubs (objectif : passer de 40.000 à 80.000 footballeuses d’ici à 2024, NDLR), mais également de devenir arbitres !

Qu’est-ce que vous diriez aux femmes intéressées mais qui n’osent pas se lancer ?

Que c’est une expérience qui forge le caractère. En devenant arbitre, vous apprenez à gérer et contrôler des situations difficiles sans perdre votre calme, à prendre les bonnes décisions en l’espace d’une seconde, bref à fortifier votre personnalité… Et c’est tout bénéfice pour votre vie en dehors du terrain, dans votre job et dans votre quotidien !

Anouk Raes – Ex-capitaine des Red Panthers – Responsable de l’encadrement des jeunes au Royal Pingouin Hockey Club de Nivelles

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Anouk Raes – © Charles McQuillan / Getty Images

Pourquoi y a-t-il si peu d’entraîneuses dans le monde du sport selon toi ?

Parce qu’on est dans une société où la femme a toujours dû se battre pour pouvoir faire du sport, alors tu penses, y assumer des responsabilités ! Mais ça va en s’améliorant… Cela dit, quand j’encadre des entraîneurs, parfois je me demande : « Est-ce qu’ils m’écouteraient davantage si j’étais un garçon ? » Je sens bien que certains n’aiment pas se faire encadrer par une fille. Genre : « Qu’est-ce que qu’elle va me dire, je cours dix fois plus vite qu’elle ! » Des choses comme ça… Tu perds un peu de crédit parce que physiquement, il y a clairement une différence : ce n’est quasiment pas le même sport ! Moi, quand j’entends un supporter dire qu’il prend plus de plaisir à regarder un match de garçons, je peux comprendre : ça va plus vite, c’est plus impressionnant… Après, quand on s’y connaît en hockey, c’est tout aussi gai de voir un match de filles. C’est tout aussi technique et tactique.

Et qu’est-ce que tu répondrais à ceux qui pensent toujours que c’est « un sport
de garçons » (voir la campagne #unitedgirlpower de l’Association royale belge de hockey, qui démonte un par un tous les clichés liés au sport féminin, NDLR) ?

Les clichés du style « Tu devrais faire de la danse et pas du hockey » ou « des études et pas du sport », ce n’est pas nouveau, mais heureusement les mentalités changent… Je pense qu’aujourd’hui, les filles peuvent clairement jouer au hockey, même si le haut niveau reste pour beaucoup un truc de mecs. Sans doute que les filles osent moins se lancer d’emblée dans une carrière pro, parce que c’est clair que tu prends cher au niveau familial. C’est compliqué parce que tu ne gagnes pas une thune, alors que tu y sacrifies une bonne partie de ta vie… Il faut avoir la passion, quoi ! Parce qu’il y a encore une grosse différence de traitement entre les joueuses et les joueurs pros… On n’a pas le même salaire qu’un garçon, et y a aucune raison à ça. Alors OK, on n’est pas fait de la même manière, mais ce n’est pas parce qu’un garçon sait courir plus vite qu’une fille qu’il doit être mieux payé. Ça n’a aucun sens.

Le plafond de verre n’épargne pas le milieu sportif.

Clairement. Chez les garçons pros, il y en a qui touchent plus de 30.000 euros brut par an. Chez les filles, personne. Alors qu’on fait les mêmes heures d’entraînement à la Fédération, qu’on a les mêmes contrats et le même statut… Y a un vrai souci ! Les filles sont vraiment traitées comme des enfants… Comme si on s’y connaissait moins en sport que les garçons, comme si tous les efforts entrepris et les progrès réalisés étaient minimisés parce qu’ils sont moins « impressionnants ». Le rendu sur le terrain n’est certes pas le même, mais c’est comme ça : on n’a pas les mêmes muscles, on n’a pas les mêmes facilités physiques. S’entendre dire d’un entraîneur que « c’est trop lent » n’est pas très constructif. En fait, c’est tout le système d’entraînement qui devrait être remis en question, parce que ça ne sert à rien de faire du copier-coller… Si ça fonctionne bien pour les garçons, ça va forcément bien fonctionner pour les filles ? Ben non. C’est crevant. On n’a pas la même vie à gérer. Il y a toute la charge mentale… Moi aussi j’aimerais bien aller tous les jours au fitness, mais je dois bosser à côté !
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Christine Schréder – Cheffe d’édition à VOOsport

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Christine Schréder – © Laure Feerts

S’il y a bien un journalisme typiquement masculin, c’est le journalisme sportif… Il y a très peu de femmes dans le métier.

Oui, pour la simple et bonne raison que le sport touche plus les hommes que les femmes. La société a beau évoluer, c’est un fait. Mais il y en a de plus en plus… Même s’il manque souvent ce petit ingrédient qui fait la différence : la passion véritable. La passion d’en parler. Parce que ce n’est pas une passion que tu te découvres sur le tard : c’est un truc que tu as dans ton ADN depuis toujours… Tu ne peux pas débarquer comme ça ! Il faut un background quand même… Et peut-être qu’en tant que femme, c’est encore plus important. Parce que tu n’as pas le droit à l’erreur. Tu dois en imposer directement. On me demande souvent si ça a été compliqué de m’imposer dans ce monde d’hommes. La réponse est non ! Depuis toujours, je parle de sport avec eux. Mais je ne dis pas que ce n’est pas compliqué pour les femmes qui veulent se lancer dans le journalisme sportif… En plateau, je suis toujours entourée de plein d’hommes, et ce n’est pas demain la veille qu’on se retrouvera dans la situation inverse ! Cela dit, je commente le hockey avec Anouk Raes et je pense qu’un duo féminin comme celui- là, c’est une première en Belgique.

Tu n’as donc pas vraiment souffert du machisme ambiant ?

Parfois, ça peut déranger certains de mes confrères, mais ça se ressent moins qu’avant. Peut- être que les dinosaures de la presse sportive belge devaient se dire au début (elle les imite soupirant, NDLR): «Une femme…» Mais aujourd’hui, je pense avoir acquis leur respect… Et puis, finalement, pourquoi une femme s’y connaîtrait moins qu’un homme? D’ailleurs, on me dit souvent: «Vous vous y connaissez mieux qu’eux!» Mais bon, les combats de coqs, c’est un truc d’hommes. Moi, je n’ai pas ce souci. Je m’y connais, c’est tout. Pourquoi je ne ferais pas ce métier?

Tu confirmes néanmoins qu’une femme doit davantage « faire ses preuves »… Juste face aux confrères ou aussi face aux supporters, aux joueurs, aux dirigeants ?

Je ne me suis jamais sentie mal à l’aise nulle part, et on ne m’a jamais mise mal à l’aise. Par contre, ce que j’ai très vite ressenti, c’est que les joueurs étaient contents d’avoir affaire à une femme… Et pas pour les mauvaises raisons : je ne me suis jamais sentie regardée ou… Rien de tout ça. C’est juste que j’essaie de poser d’autres questions, d’aller peut-être davantage dans l’émotion, bref de faire des interviews différentes. Le fait d’être une femme est donc rapidement devenu un avantage.

On a pourtant l’impression que la femme, dans les émissions sportives, se voit sou- vent reléguée à un rôle d’intervieweuse ou de chroniqueuse « décalée »… Aux sujets légers. Alors que l’homme reste « l’expert »…

C’était sans doute le cas pendant longtemps, mais à vrai dire, être une femme sur un plateau de foot au milieu d’hommes, C’EST décalé ! Et les reportages légers, c’est amusant une ou deux semaines, mais après, les téléspectateurs, ils veulent qu’on leur parle de l’essentiel. Et ils sont attirés par le fait qu’il y ait des femmes journalistes… Et puis, il y a des téléspectatrices qui me disent aussi souvent : « Moi, j’écoute quand c’est vous qui parlez parce que vous leur tenez tête, tout en étant dans le même discours qu’eux. » Il y a une forme de représentation… Alors que je ne suis même pas dans l’ultra-féminisme ! On m’a souvent demandé si j’aimais vraiment le sport… Mais comment pourrait-on imaginer que j’irai parler de sport sans aimer le sport ? C’est impossible !

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